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17/12/2020 | FRANCE | N°430572

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17 décembre 2020, 430572


Vu les procédures suivantes :

Par huit requêtes distinctes, la SCI Marine, la SCI Les Alizées, M. AH... H..., M. AC... H..., M. P... H..., Mme G... H... épouse S..., M. V... R..., Mme X... R..., M. AG... I..., Mme AF... I..., Mme J... I..., Mme Z... Y..., M. AJ... Y..., M. B... W... et Mme F... W..., la SCI Benastre, Mme AE... AA..., Mme AD... K..., M. A... L..., l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat (ASL du Gaou Bénat), M. C... AI..., M. AC... M..., Mme U... O..., M. T... AK..., M. E... D..., Mme F...-AL... AB..., et l'Associatio

n syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat (A...

Vu les procédures suivantes :

Par huit requêtes distinctes, la SCI Marine, la SCI Les Alizées, M. AH... H..., M. AC... H..., M. P... H..., Mme G... H... épouse S..., M. V... R..., Mme X... R..., M. AG... I..., Mme AF... I..., Mme J... I..., Mme Z... Y..., M. AJ... Y..., M. B... W... et Mme F... W..., la SCI Benastre, Mme AE... AA..., Mme AD... K..., M. A... L..., l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat (ASL du Gaou Bénat), M. C... AI..., M. AC... M..., Mme U... O..., M. T... AK..., M. E... D..., Mme F...-AL... AB..., et l'Association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat (ASPCB) ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Toulon, d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas et les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux formés à l'encontre cet arrêté.

Par huit jugements nos 1401199, 1402854, 1402531, 1402535, 1402534, 1401258, 1402871 et 1402853 rendus les 6 avril, 27 avril et 24 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Par un premier arrêt nos 17MA02286, 17MA02287, 17MA02288, 17MA02299, 17MA02359, 17MA02645, 17MA02775, 17MA03191 du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur les appels des demandeurs de première instance, d'une part, annulé ces jugements ainsi que l'arrêté du 15 janvier 2014, d'autre part, décidé de surseoir à statuer sur les effets de cette annulation jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y avait lieu de limiter dans le temps les effets de cette annulation.

Par un second arrêt nos 17MA02286, 17MA02287, 17MA02288, 17MA02299, 17MA02359, 17MA02645, 17MA02775, 17MA03191 du 8 mars 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a fixé au 9 novembre 2020 la date d'effet de l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas.

1° Sous le n° 430572, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 12 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat, la SCI Alizées, M. AH... H..., M. AC... H..., M. P... H..., Mme G... H... ép. Duffmann, M. et Mme R..., M. AG... I..., Mme AF... I..., Mme J... I..., et M. et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce dernier arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de dire qu'il n'y a pas lieu de différer les effets de l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 prononcée par l'arrêt du 9 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 430604, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 6 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat, M. AI..., M. M..., Mme O..., M. AK... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de dire qu'il n'y a pas lieu de différer les effets de l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 prononcée par l'arrêt du 9 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Q... N..., maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la Scp Buk Lament - Robillot, avocat de l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat et autres et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la Baie du Gaou Bénat et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 octobre 2003, le préfet du Var a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'incendies de forêt pour le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas. Par un arrêté du 15 janvier 2014, il a approuvé ce plan. Par différentes requêtes, la SCI Marine, la SCI les Alizées et autres, la SCI Benastre et autre, Mme K..., M. L..., l'association syndicale libre du Gaou Bénat et autres, Mme AB... et l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat ont demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Le tribunal a rejeté ces demandes par des jugements des 6 et 27 avril et 24 mai 2017. Par un premier arrêt du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé ces jugements ainsi que l'arrêté du 15 janvier 2014 du préfet du Var, d'autre part, sursis à statuer sur la date d'effet de cette annulation jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y avait lieu, en l'espèce, de limiter dans le temps les effets de l'annulation. Par un second arrêt du 8 mars 2019, la cour a fixé au 9 novembre 2020 la date d'effet de l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas. Sous le n° 430572, l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat et autres et, sous le n° 430604, l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la Baie du Gaou Bénat et autres, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 9 novembre 2018. Les deux pourvois étant dirigés contre le même arrêt, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

3. En premier lieu, pour juger qu'il y avait lieu de reporter les effets de l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas prononcée par son arrêt du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille s'est notamment fondée sur la nature des moyens d'annulation retenus - à savoir un défaut de concertation avec le département du Var et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et une absence d'association du syndicat SCOT Provence Méditerranée à l'élaboration du plan - et sur la circonstance que ces moyens de légalité ont été les seuls qui ont été jugés fondés. En statuant ainsi, la cour a exercé son office conformément aux principes rappelés au point 2 en recherchant, contrairement à ce qui est soutenu par l'association syndicat libre des propriétaires du lotissement de la baie du Gaou Bénat et autres, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation prononcée dans son précédent arrêt et n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les incendies de forêt, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que si l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme a toujours l'obligation de vérifier la conformité de la construction projetée aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et, le cas échéant, d'adopter sur ce fondement les prescriptions nécessaires à la sécurité du projet, voire, s'il n'est pas légalement possible de faire droit à la demande d'autorisation en l'assortissant de telles prescriptions, de refuser, pour ce motif, l'autorisation sollicitée, en présence d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles applicable, les prescriptions de ce plan destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause, valent servitude d'utilité publique et s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance de l'autorisation sollicitée.

6. Pour juger que les effets de l'annulation contentieuse qu'elle avait prononcée par son arrêt du 9 novembre 2018 devaient être reportés dans le temps, la cour a notamment relevé, d'une part, que l'annulation du plan de prévention des risques avait pour effet de mettre rétroactivement fin à la servitude d'utilité publique correspondante et, d'autre part, que la commune était exposée à un risque élevé ou très élevé d'incendies de forêt. Elle a retenu que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'avaient pas la même portée que les prescriptions d'un plan de prévention des risques d'incendies de forêt et qu'il n'était pas établi que leur mise en oeuvre permettrait d'assurer de manière préventive, avec la même efficacité que ces prescriptions, la sécurité des personnes et des biens exposés à un tel risque. En statuant ainsi, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les requérants tenant notamment à l'intensité du risque incendie ou à la répartition de la pression urbanistique sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas, n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, ni commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, eu égard à la teneur des écritures dont elle était saisie et en particulier de celles du ministre de la transition écologique et solidaire sollicitant un report de deux ans des effets d'une éventuelle annulation contentieuse compte tenu de la complexité et de la durée de l'élaboration d'un nouveau plan de prévention des risques et alors que le processus d'élaboration du plan annulé avait duré plus de dix ans, la cour, en se fondant sur la nécessité de permettre au préfet du Var de prendre les dispositions assurant la continuité de la protection contre les incendies de forêt pour juger que l'annulation qu'elle avait prononcée dans son arrêt du 9 novembre 2018 ne prendrait effet qu'à compter du 9 novembre 2020, a suffisamment motivé son arrêt.

8. Il résulte de ce qui précède que l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat et autres, et l'association syndicale libre du Gaou Bénat et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat et autres et de l'association syndicale libre des propriétaires du Gaou Bénat et autres sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale des propriétaires du lotissement du Cap Bénat et l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement de la Baie du Gaou Bénat, premières requérantes dénommées, et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 430572
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2020, n° 430572
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430572.20201217
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