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10/12/2020 | FRANCE | N°434586

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 434586


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 12 septembre, 12 décembre 2019 et 15 novembre 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Interco CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 15 du décret n° 2019-49 du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté

son recours gracieux tendant à son annulation;

2°) de mettre à la charge de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 12 septembre, 12 décembre 2019 et 15 novembre 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Interco CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 15 du décret n° 2019-49 du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux tendant à son annulation;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- le décret n° 2017-1050 du 10 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération Interco CFDT ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - La liquidation de la pension intervient :/ 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active./ Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 34 du même code renvoie au tableau qui lui est annexé la liste des corps classés dans la catégorie active. D'autre part, le décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse a créé, à compter du 1er février 2019, le nouveau corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse relevant de la catégorie A au sens de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et abrogé le décret du 27 mars 1992 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse relevant de la catégorie B. Il a renvoyé au décret du 10 mai 2017 portant dispositions statutaires communes aux corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat à caractère socio-éducatif la fixation des modalités de reclassement des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans leur nouveau corps.

2. Aux termes de l'article 15 du décret du 30 janvier 2019, dont la Fédération requérante demande l'annulation : " Les services accomplis dans les emplois du corps régi par le présent décret ne sont pas regardés comme des services accomplis dans la catégorie active pour l'application des dispositions de l'article R. 34 du code des pensions civiles et militaires de retraite ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que si les emplois des deux grades de l'ancien corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse figurent encore dans le tableau annexé à l'article R*34 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les emplois du nouveau corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse régi par le décret du 30 janvier 2019, qui n'y figurent pas, ne bénéficient pas du classement dans la catégorie active pour l'application des dispositions de l'article L. 24 du même code. Seuls sont susceptibles d'en bénéficier les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse reclassés dans le nouveau corps régi par le décret du 30 janvier 2019, s'ils satisfont à la condition posée par l'article 1-2 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, aux termes duquel " Les fonctionnaires intégrés, la suite d'une réforme statutaire, dans un corps rattaché à la catégorie sédentaire, conservent sur leur demande et à titre individuel le bénéfice de la limite d'âge de la catégorie active après avoir accompli au moins dix-sept ans de services dans un emploi classé dans cette catégorie ".

4. En premier lieu, si dans sa décision du 12 juillet 2019 rejetant le recours gracieux de la fédération requérante, le garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations et à l'avenir de la fonction publique a prévu le rattachement à la catégorie dite " sédentaire " des agents des corps de la filière sociale reclassés en catégorie A, filière dont fait partie le nouveau corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur du décret attaqué ait estimé être légalement tenu de mettre en oeuvre ce protocole. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a commis une erreur de droit en fondant son article 15 sur le protocole mentionné plus haut doit être écarté.

5. En second lieu, la fédération requérante fait valoir que les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont confrontés dans l'exercice de leurs fonctions à des contraintes, cadences de travail et risques particuliers, et se trouvent, en milieu fermé, dans une situation similaire à celle des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. Toutefois, d'une part, en créant un nouveau corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse relevant de la catégorie A de la fonction publique de l'Etat et en organisant le reclassement dans ce nouveau corps des fonctionnaires qui appartenaient au corps de catégorie B régi par le décret du 27 mars 1992, le décret du 30 janvier 2019 a élargi et diversifié le champ des missions confiées aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Les dispositions de son article 3 prévoient ainsi qu'ils concourent à la préparation des décisions juridictionnelles prononcées à l'égard des mineurs et des jeunes majeurs, conduisent des actions d'éducation, d'investigation, d'observation et d'insertion auprès des mineurs délinquants ou en danger et des jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection judiciaire, participent à l'organisation et à la mise en oeuvre d'actions de prévention auprès des mineurs et des jeunes majeurs, assurent l'accueil des mineurs et de leurs familles et contribuent à l'élaboration du projet individuel du mineur en vue de favoriser son évolution, son insertion et de prévenir la réitération de nouvelles infractions. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse n'exercent pas leurs missions exclusivement en milieu fermé, mais également dans tous les établissements et services qui accueillent non seulement des mineurs délinquants mais également des mineurs en danger. Par suite, en estimant que les services accomplis dans les emplois occupés par les membres du nouveau corps tout au long de leur carrière ne présentent pas un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles pour l'application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et en décidant en conséquence de ne pas les regarder comme des services accomplis dans la catégorie active, l'auteur des dispositions attaquées n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la Fédération Interco-CFDT tendant à l'annulation de l'article 15 du décret du 30 janvier 2019 doivent être rejetées. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Fédération Interco CFDT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Interco CFDT, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 déc. 2020, n° 434586
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 10/12/2020
Date de l'import : 15/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 434586
Numéro NOR : CETATEXT000042659653 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-12-10;434586 ?
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