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30/11/2020 | FRANCE | N°443966

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 30 novembre 2020, 443966


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 11 septembre et 20 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société à responsabilité limitée (SARL) Financière La Rotonde demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt n° 19PA02577 du 10 juillet 2020, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal admini

stratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaire...

Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 11 septembre et 20 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société à responsabilité limitée (SARL) Financière La Rotonde demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt n° 19PA02577 du 10 juillet 2020, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la deuxième phrase de l'article L.13, du II de l'article L. 47 A et du troisième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le livre des procédures fiscales, notamment ses articles L. 13, L. 47 A et L. 57 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Financière La Rotonde ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux opérations de vérification conduites à l'encontre de la société Financière La Rotonde, dispose que : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " Aux termes du II de l'article L. 47 A de ce même livre dans leur rédaction en vigueur à la date de ces mêmes opérations de vérification : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. " Enfin, le troisième alinéa de l'article L. 57 de ce même livre dispose que : " En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. "

3. La société Financière La Rotonde soutient que les dispositions de la deuxième phrase de l'article L.13, du II de l'article L. 47 A et du troisième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales méconnaissent les principes des droits de la défense, du droit à un procès équitable et, ainsi, la garantie des droits découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que, en méconnaissance de la compétence que le législateur tire de l'article 34 de la Constitution, elles n'assortissent pas de garanties suffisantes, au profit du contribuable, l'exercice par l'administration de la faculté laissée au contribuable de l'autoriser à procéder elle-même à des traitements informatiques sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, en tant qu'elles ne prévoient la faculté pour le contribuable ni d'engager un débat contradictoire, oral ou écrit, sur ces traitements informatiques ainsi que sur leurs conséquences fiscale, ni de soumettre ces traitements à un ou plusieurs experts indépendants afin de permettre au juge de l'impôt d'exercer un contrôle effectif sur ces traitements.

4. Toutefois, les principes constitutionnels du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable ne s'appliquent pas aux décisions émanant des autorités administratives, sauf lorsqu'elles prononcent une sanction ayant le caractère d'une punition. Par suite, ces principes ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre des dispositions contestées en tant qu'elles régissent la procédure administrative d'établissement de l'impôt. En tant que cette procédure peut conduire à l'application de pénalités, le cas échéant, par l'administration fiscale, ces dispositions instituent des garanties spécifiques au profit du contribuable vérifié lorsque l'administration mène des investigations sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés. Ces garanties s'ajoutent, sans s'y substituer, à celles dont bénéficie tout contribuable en cas de mise en oeuvre de la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du livre des procédures fiscales, lesquelles lui permettent notamment de se faire assister d'un tiers de son choix, d'engager un dialogue contradictoire avec le vérificateur et de contester devant l'administration les modalités des traitements effectués ainsi que leurs conséquences fiscales. La mise en oeuvre des dispositions contestées n'est pas de nature à faire obstacle à l'exercice, par le juge de l'impôt, d'un contrôle effectif sur les traitements informatiques en cause ainsi que leurs conséquences fiscales. Dans ces conditions, les dispositions législatives contestées ne sauraient méconnaître les principes du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Il en résulte que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

5. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Financière La Rotonde.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Financière La Rotonde et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 443966
Date de la décision : 30/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2020, n° 443966
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:443966.20201130
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