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27/11/2020 | FRANCE | N°427404

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 27 novembre 2020, 427404


Vu la procédure suivante :

La société Le Triangle Supermarché a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2004. Par un jugement n° 1502284 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA00316 du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les

28 janvier, 29 avril et 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

La société Le Triangle Supermarché a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2004. Par un jugement n° 1502284 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA00316 du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 28 janvier, 29 avril et 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Triangle Supermarché demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A... B..., chargé des fonctions de maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Le Triangle Supermarché ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 6 mai 2013, la société Le Triangle Supermarché a pris à bail commercial des locaux situés sur le territoire d'une zone franche urbaine à Roubaix et dans lesquels le bailleur, la société Supermarchés Match, avait exercé, jusqu'au 7 juillet 2012, une activité de commerce de grande surface à prédominance alimentaire. Par une réclamation du 28 novembre 2014, la société Le Triangle Supermarché a sollicité le bénéfice de l'exonération de cotisation foncière des entreprises prévue par le I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts et la décharge de la cotisation à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 2014. La société demande l'annulation de l'arrêt du 27 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la décharge de l'imposition en litige.

2. Aux termes du I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, les établissements qui font l'objet d'une création ou d'une extension entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014 dans les zones franches urbaines mentionnées à l'article 1383 C bis (...) sont exonérés de cotisation foncière des entreprises dans la limite du montant (...) ". L'exonération de cotisation foncière des entreprises instaurée par ces dispositions a vocation à bénéficier aux établissements qui sont créés ou étendus, au cours de la période de référence, sur le territoire d'une zone franche urbaine. En revanche, elle ne s'applique pas dans l'hypothèse d'un changement d'exploitant poursuivant l'activité d'un établissement existant sans procéder à son extension.

3. Après avoir relevé que la société Le Triangle Supermarché avait repris l'activité de supermarché à prédominance alimentaire sur la même zone de chalandise que celle de son prédécesseur, au moyen de l'essentiel des moyens de production que ce dernier exploitait, et ce, onze mois après la fermeture du précédent établissement, et estimé que la société avait pu, dans ces conditions, reprendre la clientèle de cet établissement, la cour a jugé que les circonstances que la société n'avait pas repris les anciens salariés et qu'elle avait diversifié la gamme des produits vendus ne permettaient pas de caractériser la création d'un établissement nouveau de nature à lui ouvrir droit à l'exonération de cotisation foncière des entreprises prévue par le I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts cité au point 2 ci-dessus. En statuant ainsi, alors que l'interruption d'activité durant onze mois au cours de laquelle la clientèle de proximité avait pu se déplacer sur une autre zone économique, puis la réouverture du commerce dans des locaux partiellement rééquipés en nouveaux moyens de production et exploités par des salariés nouvellement recrutés, devaient conduire à regarder l'opération, non comme un simple changement d'exploitant poursuivant une même activité, mais comme une création d'établissement au sens du I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts, la cour a commis une erreur de qualification juridique.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Le Triangle Supermarché est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, l'établissement exploité par la société Le Triangle Supermarché remplissait, à compter du 6 mai 2013, les conditions d'exonération de cotisation foncière des entreprises prévues par les dispositions du I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts. Par suite, la société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 27 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Douai et le jugement du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La société Le Triangle Supermarché est déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Article 3 : L'Etat versera à la société Le Triangle Supermarché la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Le Triangle Supermarché et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 427404
Date de la décision : 27/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. - EXONÉRATION DE CFE EN ZFU (I SEXIES DE L'ART. 1466 A DU CGI) - 1) CHAMP D'APPLICATION - A) CRÉATIONS OU EXTENSIONS D'ÉTABLISSEMENTS - INCLUSION - B) CHANGEMENTS D'EXPLOITANT - EXCLUSION - 2) ESPÈCE - REPRISE D'UNE ACTIVITÉ APRÈS UNE INTERRUPTION SUFFISAMMENT LONGUE, AVEC DE NOUVEAUX MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS - CHANGEMENT D'EXPLOITANT - ABSENCE - CRÉATION D'ÉTABLISSEMENT - EXISTENCE.

19-03-045-02 1) a) L'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) instaurée par le I sexies de l'article 1466 A du code général des impôts (CGI) a vocation à bénéficier aux établissements qui sont créés ou étendus, au cours de la période de référence, sur le territoire d'une zone franche urbaine (ZFU).... ,,b) En revanche, elle ne s'applique pas dans l'hypothèse d'un changement d'exploitant poursuivant l'activité d'un établissement existant sans procéder à son extension.,,,2) Société ayant repris une activité sur la même zone de chalandise que celle de son prédécesseur, au moyen de l'essentiel des moyens de production que ce dernier exploitait, et ce, onze mois après la fermeture du précédent établissement, sans reprendre les anciens salariés et en diversifiant la gamme des produits vendus. La clientèle de proximité ayant pu se déplacer sur une autre zone économique pendant les onze mois d'interruption, et les locaux ayant été partiellement rééquipés en nouveaux moyens de production et exploités par des salariés nouvellement recrutés, l'opération constitue, non un simple changement d'exploitant poursuivant une même activité, mais une création d'établissement au sens du I sexies de l'article 1466 A du CGI.


Références :

[RJ1]

Rappr, s'agissant du déplacement d'un établissement vers une ZUS, CE, 25 octobre 2017, Ministre c/ Société Oodrive, n° 404989, T. p. 565.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2020, n° 427404
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Prévoteau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427404.20201127
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