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18/11/2020 | FRANCE | N°431374

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 18 novembre 2020, 431374


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence de La Tour, Mme H... G... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juin 2014 du maire de Toulouse accordant un permis de construire à M. A... E... et Mme I... D...-E... en vue de la surélévation d'un bâtiment et de l'installation d'un ascenseur. Par un jugement n° 1406008 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté.

Par un arrêt n° 410683-410729 du 28 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant

au contentieux, saisi du pourvoi en cassation présenté pour la commune de To...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence de La Tour, Mme H... G... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juin 2014 du maire de Toulouse accordant un permis de construire à M. A... E... et Mme I... D...-E... en vue de la surélévation d'un bâtiment et de l'installation d'un ascenseur. Par un jugement n° 1406008 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté.

Par un arrêt n° 410683-410729 du 28 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi en cassation présenté pour la commune de Toulouse, d'une part, et M. et Mme E..., d'autre part, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Toulouse.

Par un jugement n° 1803120 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande présentée par le syndicat des copropriétaires de la résidence de La Tour et autres.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse et de Mme D...-E..., la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme F... C..., conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme G... et du syndicat des copropriétaires de la résidence le Parlement, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Toulouse et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme D...-E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des copropriétaires de la résidence le Parlement justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Son intervention est recevable.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le maire de Toulouse a délivré le 12 juin 2014 à M. et Mme E... un permis de construire pour la création d'un logement par surélévation d'un bâtiment existant et la réalisation d'un ascenseur dans la cour intérieure de la résidence de la Tour. Un permis de construire modificatif a été accordé à M. et Mme E... le 9 mars 2015. Ces permis de construire ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 16 mars 2017, à la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence de la Tour, de Mme G... et de M. D.... Ce jugement a été annulé par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux le 28 juin 2018. Sur renvoi du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'annulation du syndicat des copropriétaires de la résidence de la Tour, de Mme G... et de M. D.... Mme G... se pourvoit en cassation contre ce jugement.

3. Aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie. / Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. ". Il résulte de ces dispositions que la formation de jugement appelée à délibérer à nouveau sur une affaire à la suite d'une annulation par le Conseil d'Etat de la décision précédemment prise sur cette même affaire ne peut comprendre aucun magistrat ayant participé au délibéré de cette décision, sauf impossibilité structurelle pour la juridiction à laquelle l'affaire a été renvoyée de statuer dans une formation de jugement ne comprenant aucun membre ayant déjà participé au jugement de l'affaire.

4. Il ressort des mentions du jugement attaqué que la formation de jugement du tribunal administratif de Toulouse qui a délibéré à nouveau sur la demande de Mme G... et autres, à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 28 juin 2018, comprenait un magistrat qui avait participé au délibéré du jugement du 16 mars 2017, alors qu'il n'existait pas d'impossibilité structurelle de statuer sur l'affaire dans une formation de jugement ayant une composition entièrement différente.

5. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, Mme G... est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.

6. Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur l'intérêt pour agir du syndicat des copropriétaires de la résidence de la Tour, de Mme G... et de M. D... :

7. Il ressort des pièces du dossier que la copropriété la Résidence de la Tour est mitoyenne de la propriété de M. et Mme E... et comporte de nombreuses vues sur celle-ci. Il est par ailleurs établi par l'acte notarié du 14 janvier 1993 que Mme G... et M. D... sont propriétaires de logements dans l'immeuble faisant l'objet du projet litigieux. Par suite, les requérants justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté en cause. La fin de non-recevoir tirée de leur défaut d'intérêt pour agir doit donc être écartée.

Sur la légalité externe du permis de construire attaqué :

S'agissant du défaut d'autorisation du syndicat des copropriétaires :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; (...) ". Le dernier alinéa de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme dispose : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente. Par ailleurs, comme le rappelle le dernier alinéa de l'article A. 424-8 du même code, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.

9. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une telle contestation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d'irrégularité la demande d'autorisation d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence de qualité de M. et Mme E... pour entreprendre les travaux de construction en l'absence d'autorisation de la part du syndic des copropriétaires de la résidence de la Tour doit donc être écarté.

S'agissant de la composition du dossier de demande :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'attestation qui doit être jointe à la demande de permis de construire en application de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles à la réalisation d'une étude préalable a été produite, à titre de régularisation, dans le cadre de la demande de permis de construire modificatif délivré à Mme et M. E... le 9 mars 2015. Dès lors, le moyen tiré du défaut de sa présence au dossier de demande ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'absence au dossier de demande de permis de construire des dispositifs mis en oeuvre lors des démolitions que nécessite le projet pour éviter toute atteinte à la Tour du Capitoul Pierre de Ruppe, inscrite à l'inventaire des monuments historiques, doit également et en tout état de cause être écarté dès lors que ces dispositifs ont été précisés par le permis de construire modificatif.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si le dossier de demande de permis initial déposé par les pétitionnaires présentait certaines lacunes au regard des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le projet architectural, ces omissions ont été régularisées dans le permis de construire modificatif délivré le 9 mars 2015. De même, si le permis de construire initial n'indiquait pas la surface du terrain et la nouvelle emprise au sol du projet, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note explicative du permis de construire modificatif, que la superficie des parcelles, de 1 042 m², et l'emprise au sol, de 761 m², sont dorénavant précisées. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de demande à ce titre ne peuvent qu'être écartés.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble adossé à un immeuble classé ou sur une construction existante située dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d'un monument historique défini à l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, la notice mentionnée à l'article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que les indications de la notice architecturale et les autres pièces du dossier de demande de permis de construire comportent des indications suffisantes sur les modalités d'exécution des travaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 43114 du code de l'urbanisme doit être écarté.

15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la puissance électrique demandé par le projet étant estimée par ERDF à 12 kilovoltampères, sans qu'il soit établi qu'elle serait insuffisante, les pétitionnaires n'avaient pas à produire l'attestation prévue par les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 43121 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : / a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; / b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. " Il ressort des pièces du dossier que, si le permis de construire initial ne prévoyait aucune démolition, le permis de construire modificatif délivré le 9 mars 2015 porte sur les démolitions à réaliser, qui sont précisées dans sa note explicative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur la légalité interne du permis de construire attaqué :

17. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2, en vertu duquel " le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit pour ce motif être écarté.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme : " Emprise au sol des constructions : / Des emprises supérieures aux dispositions spécifiques à chaque zone ou à celles des documents graphiques du règlement peuvent être admises pour les constructions a usage de service public ou d'intérêt collectif. ", et aux termes de l'article 9.1 du règlement de la zone UC1 du plan local d'urbanisme: " 9.1 - Secteur UC1 / 9.1.1 - L'emprise au sol, (exprimée par le coefficient d'emprise au sol), des constructions existantes et futures situées sur une même unité foncière ne peut excéder 80 % de la superficie totale de cette unité foncière. / 9.1.2 - Pour les unités foncières inférieures à 200 m², un seuil supérieur à 80 % peut être admis si l'emprise au sol des constructions existantes et futures ne dépasse pas 160 m². ". Il ressort du dossier de demande de permis de construire que l'emprise au sol du projet est de 73 %. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées précédemment doit être écarté.

19. En troisième lieu, en vertu des dispositions de l'article 11 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme : " Aspect extérieur des constructions et aménagement des abords : / 11.1. - Principe d'insertion au paysage urbain et architectural environnant, existant ou futur / 11.1.1.- Tout projet dans son ensemble, comme dans chacune de ses composantes (rythme, proportions, matériaux, couleurs...) doit s'intégrer à la composition du quartier dans lequel il s'inscrit. Les propositions architecturales doivent contribuer à une mise en valeur pertinente des quartiers dans lesquels les projets s'inscrivent. Cette mise en valeur peut se justifier par la prise en compte soit d'une part, de références architecturales traditionnelles présentes sur le territoire toulousain, sans verser vers le façadisme ou le mimétisme, soit d'autre part, par une recherche visant à favoriser l'introduction d'une plus grande diversité architecturale cohérente avec son environnement. En fonction des contextes rencontres, le fractionnement des opérations au travers des propositions architecturales devra être recherché afin de faciliter l'intégration de ces opérations dans leur environnement. / 11.1.2.- Les tissus urbains sont généralement hétérogènes et en évolution progressive. Il ne s'agit pas de les figer par une reproduction à l'identique, mais d'en assurer l'harmonieuse transformation. Pour bien maitriser l'impact de la future construction dans son environnement, le projet doit s'appuyer sur une analyse des architectures avoisinantes de qualité et sur la structuration de la rue pour assurer l'insertion du futur bâtiment. ". Aux termes du lexique annexé au plan local d'urbanisme, l'" ensemble urbain et architectural " est défini comme " tout ensemble de constructions présentant une qualité architecturale, en matière de patrimoine local et de paysage urbain, ainsi qu'un intérêt particulier au regard de l'identité urbaine. ". Si les requérants font valoir que le projet ne s'intègre pas à l'ensemble architectural, qu'il masquera une partie de la Tour de Pierre de Rupe et occultera deux de ses fenêtres, qu'il créera une rupture avec les bâtiments voisins, qu'il contreviendra à la vocation de la cour commune existante et qu'il altèrera les perspectives des toits toulousains, il ressort des pièces du dossier que le projet est d'une hauteur, d'un volume et d'une toiture comparables à ceux des bâtiments voisins, qu'il n'occulte pas la Tour de Pierre de Rupe visible depuis la rue, qu'une seule fenêtre, déjà en partie murée, est occultée, que les matériaux et couleurs utilisés ont reçu l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et qu'il contribue à l'introduction d'une plus grande diversité architecturale cohérente avec son environnement. Le moyen tiré de l'absence d'intégration du projet au sein de l'ensemble architectural doit être écarté.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 11. 1 du règlement du plan local d'urbanisme, " - Toitures : / Les toitures constituent un élément essentiel des caractéristiques urbaines et architecturales de la présente zone. / Elles doivent, d'une part, contribuer à conforter la qualité du paysage urbain et d'autre part, s'inscrire dans le respect des principes architecturaux des constructions traditionnelles toulousaines. / 11.1.1 - Les toitures traditionnelles : /11.1.1.1 - Leur pente doit être de l'ordre de 33 %. / 11.1.1.2 - Leur couvert doit être réalisé au moyen de tuiles canal. / 11.1.1.3 - Afin de maintenir, de restituer ou de compléter les ensembles urbains et architecturaux, leur réalisation peut être exigée, pour leur couvert au moins, au moyen de tuiles canal de récupération. / 11.1.1.4 - Les trouées franches sont interdites. " et aux termes de l'article 11.1.2. " - Secteur UC1 / Les toitures en terrasse sont interdites, excepté si elles constituent un accompagnement valorisant la composition architecturale du projet ou le paysage urbain environnant. ", et aux termes du lexique annexé au plan local d'urbanisme, la " trouée franche " est définie comme " une trouée bordée sur l''ensemble de ses cotes par des versants de toiture et créée en vue de la réalisation d'une terrasse accessible. " et la " toiture " est définie comme " l'ensemble des ouvrages destinés à fermer la partie supérieure d'une construction et à la protéger ainsi des agents atmosphériques. ". Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit un toit d'une pente de 33 % couvert de tuiles canal et qu'il n'est pas établi que le projet comporte une trouée franche. Il ressort des pièces du dossier qu'une terrasse sera aménagée sur le toit d'une partie du niveau R+2 existant, alors qu'il existe déjà plusieurs terrasses réparties sur plusieurs niveaux dans l'ensemble architectural dont fait partie le projet. Il résulte de ce qui précède que la terrasse présente sur le toit en partie nord du projet constitue un accompagnement valorisant la composition architecturale du projet. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11 sur les toitures doit être écarté.

21. En cinquième lieu, aux termes de l'article 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme, " - Les ouvrages en toitures : / Sont interdites : les fenêtres de toit, dans le versant sur rue, dont le plus grand côté dépasse 60 cm hors tout, excepté dans le cas où aucune autre solution architecturale n'est possible (lucarnes, autres ouvrages autorisés...), / les lucarnes rampantes ou retroussées (chiens assis). ". Aux termes du lexique annexé au plan local d'urbanisme, la " lucarne " est définie comme " une construction enveloppant et protégeant une ouverture dans un pan de toiture, couverte par une charpente et destinée à l'éclairage. ". Il résulte de ces dispositions qu'en interdisant les lucarnes retroussées et rampantes, le règlement du plan local d'urbanisme a entendu interdire toutes les lucarnes en saillie. Il ressort des pièces du dossier que les lucarnes du projet sont des lucarnes en saillie interdites par les dispositions de l'article 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme est, par suite, fondé.

22. En sixième lieu, aux termes des dispositions de l'article 12.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " - Pour les constructions à destination d'habitation : / un ou plusieurs emplacements couverts seront prévus à raison de 4 % de la surface de plancher projetée. Ils seront accessibles par tout autre moyen que par un escalier. ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des plans figurant dans le dossier de demande de permis modificatif, qu'un espace pour vélos de 9,2 m² est prévu sous le porche de la cour nord. Le moyen tiré du caractère dangereux de cet emplacement n'est accompagné d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de légalité tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme.

Sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

24. En vertu de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. " Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

25. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que seul le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme est de nature à justifier l'annulation du permis de construire litigieux. Il résulte de l'instruction que le vice de légalité constaté est susceptible d'être régularisé par une modification du projet qui n'implique pas de lui apporter un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à M. et Mme E... et à la commune de Toulouse un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention du syndicat des copropriétaires de la résidence le Parlement est admise.

Article 2 : Le jugement du 5 avril 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme G... jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, imparti à M. et Mme E... et à la commune de Toulouse pour notifier au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, une mesure de régularisation.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par la présente décision sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme H... G..., à la commune de Toulouse et à M. A... E... et Mme I... D...-E....

Copie en sera adressée au syndicat des copropriétaires de la résidence du Parlement.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 431374
Date de la décision : 18/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2020, n° 431374
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP L. POULET-ODENT ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431374.20201118
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