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04/11/2020 | FRANCE | N°424236

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 novembre 2020, 424236


Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 17 septembre 2018 et les 11 mars, 7 mai et 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et aux volumes hora

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 17 septembre 2018 et les 11 mars, 7 mai et 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et aux volumes horaires de la classe de seconde des lycées d'enseignement général et technologique et des lycées d'enseignement général et technologique agricole ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général ;

4°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et volumes horaires des enseignements des classes de première et terminale dans les séries " sciences et technologies de la santé et du social ", " sciences et technologies de laboratoire ", " sciences et technologies du design et des arts appliqués " , " sciences et technologies de l'industrie et du développement durable ", " sciences et technologies du management et de la gestion ", " sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée le 17 octobre 2003 par la 32ème conférence générale de l'UNESCO ;

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 ;

- l'arrêté du 22 février 2019 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et aux volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 311-2 du code de l'éducation : " L'organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l'éducation ". Aux termes de l'article D. 333-3 du même code, dans ses dispositions issues du décret du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique : " Les objectifs de chacune des formations secondaires dispensées par les lycées sont fixés par le ministre chargé de l'éducation nationale. De la même façon, des arrêtés du ministre chargé de l'éducation nationale définissent les enseignements communs, les enseignements de spécialité, les enseignements optionnels, les spécialités professionnelles, offerts aux élèves dans le cadre de ces formations, ainsi que leurs programmes et leurs horaires, et précisent les conditions dans lesquelles s'exerce l'autonomie pédagogique des lycées. (...) ". M. B..., professeur de lettres et d'occitan, demande l'annulation pour excès de pouvoir de quatre arrêtés du ministre de l'éducation nationale du 16 juillet 2018 pris en application de l'article D. 333-3 du code de l'éducation et relatifs respectivement à l'organisation et aux volumes horaires de la classe de seconde des lycées d'enseignement général et technologique et des lycées d'enseignement général et technologique agricole, à l'organisation et volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général, à l'organisation et volumes horaires des enseignements des classes de première et terminale dans les séries " sciences et technologies de la santé et du social " (ST2S), " sciences et technologies de laboratoire " (STL), " sciences et technologies du design et des arts appliqués " (STD2A), " sciences et technologies de l'industrie et du développement durable " (STI2D), " sciences et technologies du management et de la gestion " (STMG), " sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration " (STHR), et aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021.

Sur les moyens dirigés contre les quatre arrêtés en litige :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés litigieux ont été soumis à la consultation du Conseil supérieur de l'éducation. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés qu'il conteste sont entachés d'un vice de procédure au motif que le Conseil supérieur de l'éducation n'aurait pas été expressément consulté sur les moyens de favoriser l'étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage.

3. En deuxième lieu, si l'article L. 312-10 du code de l'éducation dispose que l'enseignement des langues et cultures régionales " peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage (...) ", ces dispositions se bornent à confier aux conventions entre l'Etat et les collectivités territoriales le soin de fixer les modalités de dispensation de ces enseignements, dans le respect des dispositions édictées par le ministre chargé de l'éducation nationale en vue de définir l'organisation et le contenu de ces enseignements en application des dispositions des articles L. 311-2 et D. 333-3 du même code citées au point 1. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés qu'il attaque seraient entachés d'incompétence en tant qu'ils régissent l'organisation des enseignements de langue régionale et ne peut utilement soutenir qu'ils méconnaîtraient les conventions entre l'Etat et les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie relative à l'enseignement de l'occitan dans les académies de Bordeaux, Limoges, Montpellier, Poitiers et Toulouse pour la période 2017-2022.

4. En troisième lieu, M. B..., qui doit être regardé comme invoquant les stipulations de la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée le 17 octobre 2003, relatives à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à l'échelle nationale, ne peut utilement soutenir que les quatre arrêtés litigieux méconnaissent ces stipulations dès lors qu'elles sont dépourvues d'effet direct.

5. En quatrième lieu, il ressort des termes des arrêtés contestés relatifs à l'organisation et aux volumes horaires des enseignements préparant aux épreuves du baccalauréat général et aux épreuves du baccalauréat dans les séries technologiques que ceux-ci prévoient l'enseignement des langues régionales énumérées à l'article 3 de l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 en tant que langues vivantes au titre des enseignements obligatoires. Il ressort également des termes de l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif à l'organisation et volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général, tel que modifié par l'arrêté du 22 février 2019 et dont les dispositions antérieures à cette modification n'étaient pas encore entrées en vigueur pour les élèves de première et de terminale, qu'à compter de la rentrée 2019 pour les élèves de première et à compter de la rentrée 2020 pour les élèves de terminale, ceux-ci peuvent choisir, au titre des enseignements de spécialité dans la filière générale, l'enseignement de " Langues, littératures et cultures étrangères et régionales " au même titre que l'enseignement " Littérature, langues et culture de l'antiquité (latin, grec) ". Par suite, les moyens tirés de ce que les arrêtés attaqués méconnaîtraient les dispositions de l'article 75-1 de la Constitution qui dispose que " Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France " et celles du premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation qui prévoit que " Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage " ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés. M. B... ne peut en outre utilement invoquer la circonstance, à la supposer avérée, selon laquelle les langues régionales se verraient conférer, dans la nouvelle maquette d'enseignements préparant au baccalauréat, une place moins importante que celle qu'elles occupaient antérieurement.

Sur les moyens propres à l'arrêté relatif à l'organisation et volumes horaires des enseignements des classes de première et terminale dans les séries dites ST2S, STL, STD2A, STI2D, STMG et STHR :

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'éducation : " (...) Pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que l'objectif de continuité éducative, qui répond à la volonté d'atténuer les difficultés rencontrées par les élèves lors du passage d'un degré ou d'un cycle d'enseignement à l'autre et implique, le cas échéant, une coopération entre des établissements correspondant à des niveaux d'enseignement différents, n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer qu'un élève puisse suivre l'enseignement d'une même discipline tout au long de sa scolarité. M. B... ne peut ainsi utilement soutenir que l'arrêté litigieux porterait atteinte au principe de continuité éducative issu de l'article L. 311-1 du code de l'éducation.

7. En sixième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté relatif à l'organisation et volumes horaires des enseignements des classes de première et terminale dans les séries technologiques que les élèves de toutes ces séries ont la possibilité de poursuivre l'étude d'une langue régionale en première et en terminale en choisissant cette langue en tant que langue vivante B. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance qu'une langue régionale ne puisse pas être étudiée en tant que langue vivante C par les élèves scolarisés dans les séries technologiques, autres que ceux inscrits en série " sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration ", n'est pas de nature à méconnaître le principe d'égalité entre ces élèves et les élèves inscrits dans les autres séries technologiques.

8. En septième lieu, si le requérant soutient que peu de lycées proposent l'étude d'une langue régionale en tant que langue vivante B, ce qui limiterait la possibilité pour des élèves scolarisés dans les séries technologiques autres que ceux inscrits en série " sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration " de suivre un tel enseignement, cette circonstance, à la supposer avérée, ne résulte pas de l'arrêté attaqué, qui n'a ni pour objet ni pour effet de prévoir la nature des enseignements linguistiques proposés par les établissements. Dès lors, M. B... ne saurait utilement soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait, pour ce motif, l'article L. 312-10 du code de l'éducation.

9. En huitième lieu, si les dispositions de l'arrêté contesté prévoient que, pour ceux des élèves inscrits en série " sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration ", l'anglais est une des deux langues vivantes dont l'enseignement est obligatoire en classe de première et de terminale et si elles attribuent ainsi, pour ces élèves, eu égard à l'objet de leur formation, une place particulière à l'apprentissage de la langue anglaise, M. B... ne saurait utilement soutenir que ces dispositions méconnaîtraient l'article 2 de la Constitution en vertu duquel " la langue de la République est le français ".

Sur le moyen propre à l'arrêté relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 :

10. En neuvième et dernier lieu, l'arrêté litigieux, s'il conditionne, à son article 5, la faculté de choisir une langue régionale ou étrangère pour les épreuves de langue du baccalauréat général au fait que les candidats aient préalablement suivi l'enseignement correspondant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé sous contrat ou auprès du Centre national de l'enseignement à distance, n'a ni pour objet ni pour effet de prévoir les modalités suivant lesquelles de tels enseignements sont proposés au sein de ces structures. Dès lors, M. B... ne saurait utilement soutenir que, du fait de la circonstance, à la supposer avérée, que tous les élèves inscrits aux épreuves du baccalauréat général ne seraient pas en capacité de s'inscrire à une épreuve de langue régionale au titre de ce baccalauréat faute de pouvoir suivre l'enseignement correspondant, l'arrêté litigieux méconnaîtrait le principe d'égalité entre les élèves soumis aux épreuves du baccalauréat général.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des quatre arrêtés qu'il attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme réclamée à ce titre par M. B... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 424236
Date de la décision : 04/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-01 ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE. QUESTIONS GÉNÉRALES. ORGANISATION SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE. - OBJECTIF DE CONTINUITÉ ÉDUCATIVE (ART. L. 311-1 DU CODE DE L'ÉDUCATION) - PORTÉE.

30-01-01 Il résulte de l'article L. 311-1 du code de l'éducation, éclairé par les travaux parlementaires, que l'objectif de continuité éducative, qui répond à la volonté d'atténuer les difficultés rencontrées par les élèves lors du passage d'un degré ou d'un cycle d'enseignement à l'autre et implique, le cas échéant, une coopération entre des établissements correspondant à des niveaux d'enseignement différents, n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer qu'un élève puisse suivre l'enseignement d'une même discipline tout au long de sa scolarité.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2020, n° 424236
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:424236.20201104
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