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19/10/2020 | FRANCE | N°432575

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 octobre 2020, 432575


Vu la procédure suivante :

La société FE Sainte-Anne a demandé au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a refusé de modifier les conditions d'exploitation des éoliennes E3, E5 et E7 du parc éolien de Châteauvillain et lui a enjoint de présenter une nouvelle demande d'autorisation environnementale. Par une ordonnance n° 19NC01381 du 25 juin 2019, le juge des référés de la co

ur administrative d'appel de Nancy a rejeté la demande de la société.

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Vu la procédure suivante :

La société FE Sainte-Anne a demandé au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a refusé de modifier les conditions d'exploitation des éoliennes E3, E5 et E7 du parc éolien de Châteauvillain et lui a enjoint de présenter une nouvelle demande d'autorisation environnementale. Par une ordonnance n° 19NC01381 du 25 juin 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la demande de la société.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés les 12 et 29 juillet 2019 et le 15 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société FE Sainte-Anne demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société FE Sainte-Anne ;

Considérant ce qui suit :

1. La société FE Sainte-Anne demande l'annulation de l'ordonnance du 25 juin 2019 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a refusé de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 26 février 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a refusé de prendre acte des modifications aux conditions d'exploitation des éoliennes E3, E5 et E7 du parc éolien de Châteauvillain et lui a enjoint de présenter une nouvelle demande d'autorisation environnementale.

2. En vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la possibilité pour le juge des référés de suspendre l'exécution d'une décision administrative est subordonnée à la double condition que l'urgence le justifie et qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la date à laquelle il a statué, la société FE Sainte-Anne disposait d'une autorisation environnementale et d'un permis de construire en vue de l'implantation de trois éoliennes dont la structure du mât était en bois. En raison de difficultés techniques provoquées en particulier par le retrait de la société assurant la construction des mâts en bois, et des retards en découlant, la société FE Sainte-Anne a décidé d'apporter une modification aux ouvrages autorisés en prévoyant l'installation de mâts hybrides en bois et acier. En application de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, elle a porté cette modification à la connaissance du préfet de la Haute-Marne. Par la décision litigieuse du 26 février 2019, le préfet a estimé qu'une telle modification, de caractère substantiel, nécessitait le dépôt d'une nouvelle autorisation environnementale. Pour justifier l'urgence de sa demande en référé tendant à la suspension de l'exécution de cette décision, la société FE Sainte-Anne faisait valoir qu'elle lui faisait perdre le bénéfice des conditions d'achat de l'électricité à produire qui lui était alors acquises, dès lors qu'elle faisait obstacle à ce qu'elle puisse respecter la date limite de mise en exploitation fixée au 30 avril 2019. Elle faisait également valoir que la décision préfectorale lui faisait subir un important manque à gagner, du fait des retards prévisibles du chantier et de la mise en service des éoliennes. Enfin, la société soutenait que le permis de construire des éoliennes risquait d'être caduc en raison du retard à commencer les travaux. Pour rejeter la demande de la société FE Sainte-Anne tendant à la suspension de l'exécution de la décision préfectorale du 26 février 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a estimé que la condition d'urgence n'était pas remplie au motif que les retards et les préjudices économiques irréversibles susceptibles, selon la société requérante, de découler de la décision attaquée, étaient la conséquence du comportement et de la " stratégie technologique " de cette société, qui n'avait pas mis en oeuvre l'autorisation dont elle bénéficiait. En se bornant à porter cette appréciation sur l'origine de la modification refusée par le préfet, sans rechercher concrètement si les effets de l'acte litigieux étaient de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société FE Sainte-Anne de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés tant en première instance qu'en cassation et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 25 juin 2019 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à la société FE Sainte-Anne une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société FE Sainte-Anne et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 432575
Date de la décision : 19/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 oct. 2020, n° 432575
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carine Chevrier
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432575.20201019
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