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12/10/2020 | FRANCE | N°428386

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 12 octobre 2020, 428386


Vu la procédure suivante :

La SCEA Domaine de Cristia a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de recettes émis le 29 septembre 2014 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) pour le remboursement d'une aide aux investissements viticoles à hauteur de 99 692,42 euros ainsi que la décision implicite née du silence gardé par FranceAgriMer sur le recours gracieux contre ce titre de recettes. Par un jugement n° 1500199 du 28 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Par

un arrêt n° 17MA01772 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appe...

Vu la procédure suivante :

La SCEA Domaine de Cristia a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de recettes émis le 29 septembre 2014 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) pour le remboursement d'une aide aux investissements viticoles à hauteur de 99 692,42 euros ainsi que la décision implicite née du silence gardé par FranceAgriMer sur le recours gracieux contre ce titre de recettes. Par un jugement n° 1500199 du 28 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 17MA01772 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par FranceAgriMer contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février et le 27 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la SCEA Domaine de Cristia la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société civile d'exploitation agricole Domaine de Cristia ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCEA Domaine de Cristia a sollicité, par une demande enregistrée le 22 juillet 2009, le bénéfice d'une subvention à l'investissement du plan d'aide au secteur viti-vinicole financé par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA), qui lui a été accordée par une décision du 25 mai 2010 du directeur général de FranceAgriMer pour un montant de 99 692,42 euros. Par un titre exécutoire émis le 29 septembre 2014, ce dernier a réclamé à la SCEA Domaine de Cristia le remboursement de cette aide. FranceAgriMer se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du 28 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes annulant ce titre exécutoire.

2. D'une part, les aides au secteur viti-vinicole financées par le FEAGA étaient régies, à la date des faits en litige, par les règlements (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 et n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et, en droit interne, par le décret du 16 février 2009 définissant, conformément au règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008, les modalités de mise en œuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole financé par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008, qui dispose, dans sa version alors en vigueur, à son article 1er, que le programme d'aide est mis en œuvre par FranceAgriMer et, à son article 2, que " des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et du budget précisent les conditions et les modalités d'attribution des aides ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 pris sur ce fondement : " La liste des investissements éligibles est fixée par la circulaire du directeur " de FranceAgriMer. L'article 6 du même arrêté définit plusieurs conditions et modalités de mise en œuvre de la mesure d'aide et dispose à son dernier alinéa que " l'ensemble des dispositions du présent article sont précisées par la circulaire du directeur " de FranceAgriMer.

3. D'autre part, le premier alinéa de l'article R. 621-4 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur, dispose que FranceAgriMer " peut être agréé comme organisme payeur au sens du règlement (CE) n° 1290 / 2005 du Conseil, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et du budget ". Par un arrêté du 30 mars 2009, ces ministres ont agréé FranceAgriMer pour une durée d'un an comme organisme payeur de dépenses financées par les fonds de financement des dépenses agricoles, dont le FEAGA. Enfin, aux termes du douzième alinéa de l'article R. 621-27 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'exécution des missions d'organisme payeur, le directeur général prend, si nécessaire, les décisions visant à préciser les conditions de gestion et d'attribution des aides instaurées par les règlements communautaires, après avis du conseil spécialisé intéressé ou du conseil d'administration ".

4. Devant les juges du fond, FranceAgriMer faisait valoir que la décision de récupération d'aide en litige était justifiée par la méconnaissance d'une condition fixée par le directeur général de l'établissement, notamment dans sa circulaire n° 2009-07 du 26 mai 2009 qui prévoyait que " la demande doit impérativement être présentée avant tout début des travaux, notion correspondant à la date du premier acte juridique passé pour la réalisation du projet ". La cour a jugé que cette condition n'était pas opposable dès lors que les dispositions de l'arrêté du 17 avril 2009 n'habilitaient pas le directeur général de FranceAgriMer à la fixer.

5. Contrairement à ce que soutient FranceAgriMer, il ne résulte d'aucune disposition des règlements européens mentionnés au point 2 ni d'aucune autre disposition du droit de l'Union européenne ayant effet direct et applicable aux aides en cause que le bénéfice de ces aides serait subordonné à l'absence de tout commencement d'exécution du projet à la date de la demande. Aucune disposition du droit de l'Union ne faisait cependant obstacle à ce qu'une disposition en ce sens soit prise par les autorités françaises pour assurer l'application de ces règlements, dans le respect des règles de répartition des compétences applicables en droit interne.

6. Ainsi qu'il a été dit, FranceAgriMer avait la qualité d'organisme payeur, au sens du règlement mentionné au point 3. Son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime citées ci-dessus, compétence pour fixer la condition litigieuse. Dès lors, la cour administrative d'appel ne pouvait, sans erreur de droit, accueillir le moyen tiré de son incompétence pour édicter cette condition.

7. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, FranceAgriMer est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Domaine de Cristia la somme de 3 000 euros à verser à FranceAgriMer, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La SCEA Domaine de Cristia versera à FranceAgriMer une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCEA Domaine de Cristia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à la SCEA Domaine de Cristia.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428386
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - EXPLOITATIONS AGRICOLES - AIDES DE L’UNION EUROPÉENNE - PLAN D'AIDE AU SECTEUR VITI-VINICOLE FINANCÉ PAR LE FEAGA - COMPÉTENCE POUR PRÉCISER LES CONDITIONS DE GESTION ET D'ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION À L'INVESTISSEMENT - DIRECTEUR DE FRANCEAGRIMER - EXISTENCE.

03-03-06 FranceAgriMer ayant la qualité d'organisme payeur, au sens du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune, son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), compétence pour fixer, à l'attribution d'une subvention à l'investissement relevant du plan d'aide au secteur viti-vinicole financé par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA), la condition tenant à ce que la demande soit impérativement présentée avant tout début des travaux.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE - PLAN D'AIDE AU SECTEUR VITI-VINICOLE FINANCÉ PAR LE FEAGA - COMPÉTENCE POUR PRÉCISER LES CONDITIONS DE GESTION ET D'ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION À L'INVESTISSEMENT - DIRECTEUR DE FRANCEAGRIMER - EXISTENCE.

15-05-14 FranceAgriMer ayant la qualité d'organisme payeur, au sens du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune, son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), compétence pour fixer, à l'attribution d'une subvention à l'investissement relevant du plan d'aide au secteur viti-vinicole financé par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA), la condition tenant à ce que la demande soit impérativement présentée avant tout début des travaux.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2020, n° 428386
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428386.20201012
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