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28/09/2020 | FRANCE | N°422400

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 28 septembre 2020, 422400


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet du Loiret a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme des Carneaux l'autorisation d'exploiter 119,58 hectares de surfaces agricoles. Par un jugement n°1403298, 1404880 du 28 avril 2016, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 16NT01951 du 8 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'EARL Ferme des Carneaux, annulé

ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet du Loiret a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme des Carneaux l'autorisation d'exploiter 119,58 hectares de surfaces agricoles. Par un jugement n°1403298, 1404880 du 28 avril 2016, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 16NT01951 du 8 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'EARL Ferme des Carneaux, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet 2018 et 27 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'EARL Ferme des Carneaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'EARL Ferme des Carneaux la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société l'EARL Ferme des Carneaux.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 février 2003, le préfet du Loiret a autorisé l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme des Carneaux à exploiter des terres d'une surface de 238,78 ha. Par un arrêté du 26 mai 2003, il a également autorisé un autre agriculteur, M. B..., à exploiter, sur une partie des mêmes terres, une surface de 119,58 ha. Le propriétaire a confié l'exploitation de la totalité de ces terres, soit 238,78 ha, à l'EARL Ferme des Carneaux, qui en a débuté la mise en valeur. Toutefois, par un arrêt du 30 décembre 2005, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé, pour un vice de procédure, l'autorisation du 12 février 2003. Le préfet du Loiret a statué à nouveau sur la demande de l'EARL Ferme des Carneaux en lui accordant une nouvelle autorisation le 22 mai 2006. Cette autorisation ayant été à nouveau annulée par le juge administratif, le même préfet a pris une nouvelle décision d'autorisation le 7 novembre 2007. La cour administrative d'appel de Nantes ayant, par un arrêt du 5 novembre 2013, à nouveau annulé cet arrêté du 7 novembre 2007, mais en tant seulement qu'il portait sur les 119,58 ha de terres pour lesquels M. B... disposait également d'une autorisation, le préfet du Loiret a, par un arrêté du 31 octobre 2014, autorisé l'EARL Ferme des Carneaux à exploiter ces 119,58 ha.

2. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'EARL Ferme des Carneaux, annulé le jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans avait annulé l'arrêté du 31 octobre 2014 et rejeté ses conclusions.

3. Lorsqu'une autorisation d'exploiter des terres a fait l'objet d'une annulation par le juge administratif après que l'exploitant a pu les exploiter en vertu de cette autorisation, il appartient à l'autorité préfectorale, à nouveau saisie de la demande présentée par le candidat et des modifications que ce dernier est susceptible d'y apporter, de statuer en considération des éléments de droit et de fait prévalant à la date à laquelle intervient sa nouvelle décision, sans pouvoir tenir compte, quel que soit le motif de l'annulation contentieuse, de l'exploitation effectuée sur la base de l'autorisation annulée. Il en va notamment ainsi dans le cas particulier où la décision préfectorale n'est annulée que pour une partie des terres dont elle autorisait l'exploitation, l'autorité préfectorale, à nouveau saisie de la demande en tant qu'elle porte sur ces terres, n'ayant pas à tenir compte de ce que, le cas échéant, une exploitation a pu légalement débuter sur le reste des terres dont l'exploitation était autorisée.

4. Pour annuler le jugement qui lui était déféré et rejeter la demande d'annulation de M. B..., la cour administrative d'appel a jugé que la légalité de l'autorisation accordée le 31 octobre 2014 à l'EARL Ferme des Carneaux devait être appréciée au vu des circonstances de droit en vigueur à la date de cette décision et des circonstances de fait en vigueur à la date du dépôt initial de la demande d'autorisation de 2003. En se plaçant ainsi à des dates différentes pour apprécier la légalité de la décision litigieuse, la cour a méconnu les principes précédemment exposés et commis une erreur de droit. M. B... est par suite fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentée par l'EARL Ferme des Carneaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à l'EARL Ferme des Carneaux et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 422400
Date de la décision : 28/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03 AGRICULTURE ET FORÊTS. EXPLOITATIONS AGRICOLES. - AUTORISATION D'EXPLOITER DES TERRES AGRICOLES (ART. R. 331-6 DU CRPM) - AUTORISATION ANNULÉE - DATE À LAQUELLE LE PRÉFET DOIT SE PLACER POUR RÉEXAMINER LA DEMANDE - DATE DE LA NOUVELLE DÉCISION [RJ1], SANS QUE PUISSE ÊTRE PRISE EN COMPTE L'EXPLOITATION EFFECTUÉE SUR LA BASE DE L'AUTORISATION ANNULÉE.

03-03 Lorsqu'une autorisation d'exploiter des terres a fait l'objet d'une annulation par le juge administratif après que l'exploitant a pu les exploiter en vertu de cette autorisation, il appartient à l'autorité préfectorale, à nouveau saisie de la demande présentée par le candidat et des modifications que ce dernier est susceptible d'y apporter, de statuer en considération des éléments de droit et de fait prévalant à la date à laquelle intervient sa nouvelle décision, sans pouvoir tenir compte, quel que soit le motif de l'annulation contentieuse, de l'exploitation effectuée sur la base de l'autorisation annulée. Il en va notamment ainsi dans le cas particulier où la décision préfectorale n'est annulée que pour une partie des terres dont elle autorisait l'exploitation, l'autorité préfectorale, à nouveau saisie de la demande en tant qu'elle porte sur ces terres, n'ayant pas à tenir compte de ce que, le cas échéant, une exploitation a pu légalement débuter sur le reste des terres dont l'exploitation était autorisée.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant d'une autorisation de cumul d'exploitations agricoles, CE, Section, 14 novembre 1969, Sieur Houdebert, n° 73287, p. 502.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2020, n° 422400
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:422400.20200928
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