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05/08/2020 | FRANCE | N°431274

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 05 août 2020, 431274


Vu la procédure suivante :

M. et Mme E... et Brigitte D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2016 par lequel le maire d'Allinges (Haute-Savoie) a délivré à M. B... C... le permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section D n° 243. Par une ordonnance n° 1701222 du 24 janvier 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 18LY01091 du 29 mai 2019, enregistrée le 3 juin 2019 au secrétariat du

contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appe...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme E... et Brigitte D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2016 par lequel le maire d'Allinges (Haute-Savoie) a délivré à M. B... C... le permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section D n° 243. Par une ordonnance n° 1701222 du 24 janvier 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 18LY01091 du 29 mai 2019, enregistrée le 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'articles R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 22 mars 2018 au greffe de cette cour, présenté par M. et Mme D.... Par ce pourvoi et par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 3 septembre et 4 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2018 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Allinges la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... F..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. et Mme D..., et au cabinet Munier-Apaire, avocat de la commune d'Allinges ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juillet 2020, présentée par la commune d'Allinges ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 12 février 2016, le maire d'Allinges a délivré à M. C... le permis de construire une maison d'habitation, sur un terrain situé en limite de la propriété de M. et Mme D.... Ceux-ci ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et ont saisi le juge des référés de ce tribunal, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande de suspension de son exécution. Par une ordonnance du 28 mars 2017, le juge des référés a rejeté cette demande de suspension. Saisi par M. et Mme D... d'un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du juge des référés, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, par une décision du 15 décembre 2017, l'a annulée et, réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, a rejeté leur demande de suspension au motif que, en l'état de l'instruction, leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté paraissait tardive. Par une ordonnance du 24 janvier 2018, le président de la 2e chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevable la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 12 février 2016, au motif qu'il ressortait des pièces du dossier soumis au juge des référés que le permis de construire du 12 février 2016 avait été affiché sur le terrain d'assiette du projet de façon continue pendant une durée d'au moins deux mois courant à compter du 3 mars 2016 au plus tard, de sorte que la demande à fin d'annulation, enregistrée le 28 février 2017, était tardive.

2. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension de l'exécution d'une décision administrative, le juge des référés procède, dans les plus brefs délais, à une instruction succincte, distincte de celle au vu de laquelle le juge saisi du principal statuera, pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence et si les moyens invoqués apparaissent, en cet état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision. Il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dont il peut lui-même modifier la portée au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée. Eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, la circonstance que ce juge, ou le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée après avoir annulé une ordonnance du juge des référés, rejette une demande de suspension de l'exécution d'une décision au motif que la demande au principal paraît, en l'état de l'instruction, irrecevable, ne fait pas obstacle à ce que le tribunal administratif, statuant sur la demande d'annulation de la même décision, en admette la recevabilité.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) ". Il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par ces dispositions , le juge devant ensuite apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une requête enregistrée le 28 février 2017 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, M. et Mme D... ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire du 12 février 2016. Cette requête a été communiquée le 2 mars 2017 à la commune d'Allinges et à M. C..., qui n'ont pas produit de mémoire et ont fait l'objet d'une première mise en demeure de produire, dans un délai de trente jours, le 12 janvier 2018. En l'absence, à la date du 24 janvier 2018, de défense et donc de production par M. C... ou par la ville de tout élément justifiant de l'affichage du permis de construire conformément aux prescriptions citées ci-dessus, le juge ne pouvait sans méconnaître son office rejeter la requête comme tardive, alors même que, par une décision du 15 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avait rejeté la demande de suspension de l'exécution du même permis au motif que la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet acte paraissait tardive au vu des pièces du dossier qui lui était soumis.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme D... sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Allinges une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme D..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de M. et Mme D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 24 janvier 2018 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : La commune d'Allinges versera à M. et Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme E... et Brigitte D..., à la commune d'Allinges et à M. B... C....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 aoû. 2020, n° 431274
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Walazyc
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 05/08/2020
Date de l'import : 11/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 431274
Numéro NOR : CETATEXT000042215586 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-08-05;431274 ?
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