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04/08/2020 | FRANCE | N°442300

France | France, Conseil d'État, 04 août 2020, 442300


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juillet et 3 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... E..., M. L... H..., Mme P... B..., née K..., Mme I... D..., Mme A... J..., Mme C... M..., née N..., et M. G... O... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution, d'une part, des dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté interministériel du 10 juin 2020 portant adaptati

on des épreuves de certaines sections du concours interne de recrutement de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juillet et 3 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... E..., M. L... H..., Mme P... B..., née K..., Mme I... D..., Mme A... J..., Mme C... M..., née N..., et M. G... O... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution, d'une part, des dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté interministériel du 10 juin 2020 portant adaptation des épreuves de certaines sections du concours interne de recrutement de professeurs agrégés de l'enseignement du second degré ouvert au titre de l'année 2020 en raison de la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 et, d'autre part, des opérations du concours interne de l'agrégation ainsi que des admissions à ce concours au titre de la session 2020 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'action et des comptes publics de retirer les mesures individuelles prises sur le fondement de ces dispositions contestées, de modifier les dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté du 10 juin 2020 en prenant les mesures utiles et nécessaires en vue de l'organisation des épreuves orales selon des modalités sanitaires similaires à celles retenues pour certaines sections du concours externe, dans un délai de dix jours à compter de la présente ordonnance et de convoquer les jurys en vue de la tenue des épreuves orales dans un délai de trois mois à compter de la présente ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort, en application des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ;

- leur requête est recevable ;

- la condition de l'urgence est remplie eu égard, d'une part, à la nécessité d'envisager la survenance des épreuves orales dont ils ont été privés ou de débuter au plus vite la préparation au concours de la session 2021, dès lors notamment que la préparation des candidats au concours interne de l'agrégation implique des connaissances appropriées et actualisées et que les programmes pour la session 2021 ont été substantiellement modifiés, d'autre part, à la circonstance tenant à ce que les candidats déclarés admis sont sur le point d'être nommés dans un emploi public en qualité de professeurs agrégés stagiaires et, enfin, à la nécessité d'assurer l'égalité de traitement entre les candidats admissibles ajournés à la session 2020 dont le sort n'est pas définitivement fixé et les candidats de la session 2021 à intervenir ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;

- les dispositions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'annulation par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse des oraux du concours interne de l'agrégation 2020 n'était pas justifiée eu égard, en premier lieu, au contexte sanitaire qui permettait de maintenir la session des oraux, en deuxième lieu, aux opportunités matérielles et technologiques qui garantissaient des conditions d'organisation des épreuves orales dans le respect des " gestes barrières " et des règles sanitaires recommandées par le Haut conseil de santé publique et, en dernier lieu, à une décision concomitante ayant maintenu, en dépit du contexte sanitaire, les épreuves orales de certaines sections du concours externe de l'agrégation ;

- elles méconnaissent le principe d'équité et d'égalité de traitement entre les candidats au concours externe de l'agrégation et les candidats au concours interne, dès lors notamment que les candidats au concours externe ne sont pas privés de l'organisation d'épreuves orales d'admission.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2020-774 du 9 juin 2020 ;

- l'ordonnance 2020-251 du 27 mars 2020 ;

-le décret n° 2020-437 du 16 avril 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d' une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

Sur les circonstances et le cadre juridique du litige :

2. L'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d'établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l'accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12 heures, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d'être ordonnées par le représentant de l'Etat dans le département.

3. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020 puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Par un décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Par décrets du 11 mai 2020, pris sur le fondement de la loi du 11 mai 2020, le Premier ministre a abrogé l'essentiel des mesures précédemment ordonnées par le décret du 23 mars 2020 et a prescrit les nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Par un décret du 31 mai 2020, le Premier ministre a mis fin, à compter du 2 juin 2020, à une partie des mesures restrictives jusqu'alors en vigueur. Enfin, par un décret du 21 juin 2020, le Premier ministre a modifié le décret du 31 mai 2020.

4. Le législateur a ensuite, par la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence, autorisé le Premier ministre à prendre, à compter du 11 juillet 2020, et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, diverses mesures dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Le Premier ministre peut notamment, dans ce cadre, ordonner la fermeture provisoire d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions lorsqu'ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en oeuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu'ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-351 du

27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19: " Les voies d'accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois des agents publics de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique des communes de la Polynésie française peuvent être adaptées, notamment s'agissant du nombre et du contenu des épreuves./ Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, peuvent être prévues des dérogations à l'obligation de la présence physique des candidats ou de tout ou partie des membres du jury ou de l'instance de sélection, lors de toute étape de la procédure de sélection. / Les garanties procédurales et techniques permettant d'assurer l'égalité de traitement des candidats et la lutte contre la fraude sont fixées par décret... ". Aux termes notamment de l'article 24 du décret du

16 avril 2020 pris pour l'application des articles 5 et 6 de cette ordonnance : " Lorsque l'organisation des voies d'accès mentionnées en annexe, incluant notamment la publication des listes de lauréats, n'est pas achevée au 12 mars 2020, le nouveau calendrier et les nouvelles conditions d'organisation peuvent faire l'objet, le cas échéant, d'un arrêté ou d'une décision de l'autorité organisatrice reportant les épreuves concernées, publiés dans les mêmes conditions que celles applicables à l'ouverture ". Et aux termes e son article 25 : " Sans préjudice des dispositions du titre Ier, lorsqu'une épreuve de l'une des voies d'accès mentionnées en annexe a été interrompue ou n'a pu donner lieu, à compter du 12 mars 2020, à l'examen de la totalité des candidats par le jury ou l'instance de sélection, cette épreuve peut être annulée et reportée pour l'ensemble des candidats à une date fixée par l'arrêté ou la décision mentionnée à l'article 24 ".

Sur la demande en référé :

6. Par un arrêté du 10 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et le ministre de l'action et des comptes publics ont adapté les épreuves dans seize des sections du concours interne de recrutement de professeurs agrégés de l'enseignement du second degré ouvert au titre de l'année 2020 en raison de la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19. Les articles 2 et 3 de cet arrêté prévoient seulement deux ou trois épreuves d'admission et les remplacent par les résultats d'épreuves d'admissibilité. Ces dispositions ont ainsi pour effet de supprimer les oraux d'admission dans seize des sections de l'agrégation interne, ces oraux étant donc remplacés par les résultats d'épreuves d'admissibilité. Mme E... et les autres requérants ont saisi le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution, à titre principal, des dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté du

10 juin 2020 ainsi que, " par connexité ", des opérations du concours interne de l'agrégation et des admissions à ce concours au titre de la session 2020 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'action et des comptes publics de modifier ces dispositions en vue de l'organisation des épreuves orales et de convoquer les jurys du concours interne de l'agrégation au titre de la session 2020 en vue de l'organisation de ces épreuves.

7. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que les épreuves orales d'admission ont été maintenues dans quatre des sections du concours externe de l'agrégation pour soutenir que le principe d'égalité aurait été méconnu dès lors que le concours externe de l'agrégation est distinct du concours interne.

8. En second lieu, les requérants soutiennent, à l'appui de leur moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, que l'amélioration de la situation sanitaire à la date de l'arrêté contesté, la mise en place des " mesures barrières " ainsi que le recours, autorisé par le décret du 16 avril 2020 cité au point 7, à des oraux organisés par visioconférences, rendaient possible le maintien des oraux d'admission pour toutes les sections du concours interne de l'agrégation du second degré et que d'ailleurs, ces oraux ont été maintenus dans quatre sections du concours externe de l'agrégation. Toutefois, compte tenu de la persistance de la circulation du virus, de la nécessité de clore les opérations de ce concours ouvert au titre de l'année 2020 sans pouvoir prévoir la situation sanitaire dans les semaines à venir et alors même que les ministres auraient pu opter pour un maintien de l'ensemble des épreuves orales d'admission en septembre-octobre, comme cela avait été d'abord envisagé, le moyen tiré de ce que le choix de supprimer les épreuves orales dans seize des sections de l'agrégation interne du second degré serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.

9. Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux deux moyens soulevés par Mme E... et autres, leur requête peut être rejetée par application des dispositions de l'article L. 522-3 précitées du code de justice administrative, dont leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme E... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée Mme F... E..., première requérante dénommée.

Copie sera transmise aux ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 442300
Date de la décision : 04/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2020, n° 442300
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:442300.20200804
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