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15/07/2020 | FRANCE | N°427621

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 15 juillet 2020, 427621


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 mars 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône lui a retiré son agrément d'assistante maternelle et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 1503931 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA02009 du 3 décembre 2018, la cour adminis

trative d'appel de Marseille a, sur l'appel de Mme A..., annulé ce jugement et...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 mars 2015 par laquelle le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône lui a retiré son agrément d'assistante maternelle et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n° 1503931 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA02009 du 3 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de Mme A..., annulé ce jugement et la décision du 27 mars 2015, condamné le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 3 000 euros et enjoint au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de prononcer son agrément en qualité d'assistante maternelle à compter du 27 mars 2015 en l'absence de modification de la situation de fait ou de droit à la date de son arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février, 6 mai et 12 juin 2019 et le 26 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département des Bouches-du-Rhône et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après une altercation le 5 janvier 2015 entre Mme A... et le père d'un enfant dont elle avait la garde, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a suspendu l'agrément de Mme A... en qualité d'assistante maternelle pour une durée de quatre mois le 6 janvier 2015, puis l'a retiré le 27 mars 2015. Par un jugement du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de retrait de son agrément du 27 mars 2015 et à l'indemnisation de son préjudice. Le département des Bouches-du-Rhône se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de Mme A..., annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille et la décision du 27 mars 2015, l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice et lui a enjoint d'agréer l'intéressée en qualité d'assistante maternelle à compter du 27 mars 2015 en l'absence de modification de la situation de fait ou de droit à la date de son arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel (...) est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " et le 1° de l'article R. 421-3 du même code précise que pour obtenir cet agrément, le candidat doit : " Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ". Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) / Toute décision de retrait de l'agrément (...) doit être dûment motivée (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-23 de ce code : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, (...) il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article [L. 421-6] en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel (...) concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant maternel si ces conditions ne sont plus remplies, il ne peut le faire qu'après avoir saisi pour avis la commission consultative paritaire départementale compétente, devant laquelle l'intéressé est en droit de présenter ses observations écrites ou orales, en lui indiquant, ainsi qu'à l'assistant maternel concerné, les motifs de la décision envisagée. La consultation de cette commission sur ces motifs, à laquelle est attachée la possibilité pour l'intéressé de présenter ses observations, revêt ainsi pour ce dernier le caractère d'une garantie. Il en résulte qu'un tel retrait ne peut intervenir pour un motif qui n'aurait pas été soumis à la commission consultative paritaire départementale et sur lequel l'intéressé n'aurait pu présenter devant elle ses observations.

4. Il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président du conseil général, après l'altercation qui avait opposé le père du jeune C..., âgé de deux ans, à Mme A... le 5 janvier 2015, à la suite de laquelle l'intéressé avait retiré ses enfants de la garde de Mme A... et déposé plainte contre celle-ci pour délaissement d'enfant, a décidé de suspendre l'agrément de Mme A... pour une durée de quatre mois. Dans le cadre de cette procédure, Mme A... a fait valoir, notamment dans une lettre du 29 janvier 2015 adressée au président du conseil général, que, contrairement à ce qui lui était reproché par le père de l'enfant, le jeune C... n'était pas resté seul à son domicile pendant qu'elle accompagnait d'autres enfants à l'école, mais avait été confié temporairement par ses soins à un tiers. Si l'avis de la commission consultative paritaire départementale et la décision de retrait d'agrément retiennent que l'intéressée avait confié cet enfant à un tiers, ces motifs ne soulèvent pas de grief distinct par rapport aux faits qui avaient conduit à l'engagement de la procédure, qui tiennent aux conditions dans lesquelles Mme A... avait assuré la garde du jeune C... le 5 janvier 2015. L'intéressée a pu s'expliquer devant la commission consultative paritaire départementale sur les faits en cause, tels qu'ils lui étaient reprochés par le père de l'enfant, et a pu les contester en tant que ce dernier affirmait que l'enfant avait été laissé seul, avant que la commission n'apprécie son comportement. Dans ces conditions, le département des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir qu'en estimant être saisie d'une demande de substitution de motifs privant Mme A... de la garantie procédurale tenant à la consultation de la commission consultative paritaire départementale, la cour a commis une erreur de droit.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le département des Bouches-du-Rhône est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que le département des Bouches-du-Rhône demande au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à Mme B... A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2020, n° 427621
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Date de la décision : 15/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 427621
Numéro NOR : CETATEXT000042120819 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-07-15;427621 ?
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