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29/06/2020 | FRANCE | N°435356

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 29 juin 2020, 435356


Vu la procédure suivante :

La société Arcaro et la société Au Cap de Bonne Espérance ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du maire de la commune de Port-des-Barques en date du 19 septembre 2018 portant délivrance du permis de construire valant permis de démolir à la commune de Port-des-Barques pour une nouvelle halle couverte et non close, un local technique et un WC PMR.

Par une ordonnance n° 1902282 du 30 septembre 2

019, le juge des référés a rejeté la requête.

Par un pourvoi sommaire et u...

Vu la procédure suivante :

La société Arcaro et la société Au Cap de Bonne Espérance ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du maire de la commune de Port-des-Barques en date du 19 septembre 2018 portant délivrance du permis de construire valant permis de démolir à la commune de Port-des-Barques pour une nouvelle halle couverte et non close, un local technique et un WC PMR.

Par une ordonnance n° 1902282 du 30 septembre 2019, le juge des référés a rejeté la requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 30 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Arcaro et la société Au Cap de Bonne Espérance demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur requête ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Port-des-Barques la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Arcaro et autre et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la commune de Port-des-Barques ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 19 septembre 2018, le maire de Port-des-Barques (Charente-Maritime) a délivré à la commune un permis de construire valant permis de démolir pour la démolition de la halle existante et pour la construction d'une nouvelle halle, place Léonce Vieljeux. La SCI Arcaro et la SARL Au Cap de Bonne Espérance, propriétaires d'un restaurant place Léonce Vieljeux, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cette décision. A la demande des requérantes, une médiation a été engagée avec la commune de Port-des-Barques et par une ordonnance du 2 juillet 2019, le vice-président du tribunal administratif de Poitiers a désigné deux médiateurs. Toutefois, la commune a informé les sociétés requérantes que les travaux débuteraient le 30 septembre 2019. Les sociétés ont alors saisi le juge des référés pour demander la suspension de l'exécution de la décision du 19 septembre 2018. Le juge des référés a rejeté leur requête par une ordonnance contre laquelle elles se pourvoient en cassation.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'article L. 600-3 du code de l'urbanisme dispose que " Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite ".

3. Pour rejeter la demande de suspension de l'exécution de la décision du 19 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a jugé qu'il " n'est pas possible de considérer qu'il y a urgence ", pour une des parties engagée dans une procédure de médiation, à obtenir du juge des référés une décision portant sur l'affaire qu'elle a accepté de soumettre à médiation. Si la présomption d'urgence justifiant que soit prononcée la suspension d'une autorisation d'urbanisme, résultant de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, peut être écartée par le juge des référés au vu des circonstances particulières de l'espèce, la seule circonstance que les sociétés requérantes soient engagées, à la date de l'ordonnance, dans une procédure de médiation, même organisée en dehors de toute procédure juridictionnelle, ne suffit pas à renverser cette présomption. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de tenir compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui étaient soumises, y compris celles portant sur l'exécution imminente de l'autorisation d'urbanisme soumise à médiation, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Arcaro et Au Cap de Bonne Espérance sont fondées, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension présentée par les sociétés requérantes, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Pour demander la suspension de l'exécution du permis de construire valant permis de démolir délivré à la commune de Port-des-Barques, les sociétés Arcaro et Au Cap de Bonne Espérance soutiennent que ce permis de construire méconnait les articles L. 431-2, R. 111-2, R. 111-27, R. 423-1, R. 431-9, R. 431-10 et R. 431-21 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait également les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune applicables à la zone UA et, enfin, qu'il méconnaît le plan de protection des risques naturels applicable à la commune. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions mises par l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de l'exécution d'une décision n'est pas remplie. Par suite, la demande des sociétés Arcaro et Au Cap de Bonne Espérance doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'urgence justifierait une telle suspension.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la commune de Port-des-Barques. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Port-des-Barques le versement aux sociétés requérantes des sommes qu'elles demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1902282 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 30 septembre 2019 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Arcaro et de la société Au Cap de Bonne Espérance est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Port-des-Barques sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Arcaro, à la société Au Cap de Bonne Espérance et à la commune de Port-des-Barques.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 435356
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 435356
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:435356.20200629
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