La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2020 | FRANCE | N°429414

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 10 juin 2020, 429414


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler le titre exécutoire émis le 13 août 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement mis à sa charge le 16 avril 2018 par la commune de Gentilly et de la majoration dont il est assorti. Par une ordonnance n° 18030554 du 14 février 2019, le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa requête.

Par un pourvoi som

maire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler le titre exécutoire émis le 13 août 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement mis à sa charge le 16 avril 2018 par la commune de Gentilly et de la majoration dont il est assorti. Par une ordonnance n° 18030554 du 14 février 2019, le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 1er août 2019 et le 16 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gentilly la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de Mme B... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'un titre exécutoire, émis le 13 août 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement d'un montant de 22 euros pour la commune de Gentilly, assorti d'une majoration de 50 euros revenant à l'Etat, a été adressé à Mme B..., qui a cédé son véhicule automobile le 10 septembre 2017, à raison de l'absence de paiement d'une redevance de stationnement constatée, pour ce même véhicule, sur la commune de Gentilly le 16 avril 2018. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 14 février 2019 par laquelle le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa requête dirigée contre ce titre exécutoire.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " I.- (...) le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (...), peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains, s'il existe./ La délibération institutive établit : 1° Le barème tarifaire de paiement immédiat de la redevance, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement est réglée par le conducteur du véhicule dès le début du stationnement ; 2° Le tarif du forfait de post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n'est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée (...)/ II. -Le montant du forfait de post-stationnement dû, déduction faite, le cas échéant, du montant de la redevance de stationnement réglée dès le début du stationnement, est notifié par un avis de paiement délivré soit par son apposition sur le véhicule concerné par un agent assermenté de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant désigné pour exercer cette mission, soit par envoi postal au domicile du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule concerné effectué par un établissement public spécialisé de l'Etat (...)/ IV.-Le forfait de post-stationnement doit être réglé en totalité dans les trois mois suivant la notification de l'avis de paiement prévu au II du présent article./ A défaut, le forfait de post-stationnement est considéré impayé et fait l'objet d'une majoration dont le produit est affecté à l'Etat. Le forfait de post-stationnement impayé et la majoration sont dus par l'ensemble des titulaires du certificat d'immatriculation du véhicule, solidairement responsables du paiement./ En vue du recouvrement du forfait de post-stationnement impayé et de la majoration, un titre exécutoire est émis, le cas échéant, sous une forme électronique, par un ordonnateur désigné par l'autorité administrative. Ce titre mentionne le montant du forfait de post-stationnement impayé et la majoration (...)/

3. Le VI de ce même article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose que : " VI.- (...) Les recours contentieux visant à contester l'avis de paiement du montant du forfait de post-stationnement dû font l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant dont relève l'agent assermenté ayant établi ledit avis. (...) / La décision rendue à l'issue du recours administratif préalable contre l'avis de paiement du forfait de post-stationnement peut faire l'objet d'un recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le titre exécutoire émis en cas d'impayé peut également faire l'objet d'un recours devant cette commission. Il se substitue alors à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé (...) ". Par ailleurs l'article R. 2333-120-35 de ce code dispose que : " Lorsqu'un titre exécutoire est émis, il se substitue à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé ou à l'avis de paiement rectificatif impayé, lequel ne peut plus être contesté. Aucun moyen tiré de l'illégalité de cet acte ne peut être invoqué devant la juridiction à l'occasion de la contestation du titre exécutoire, sauf lorsque le requérant n'a pas été mis à même de contester le forfait de post-stationnement directement apposé sur son véhicule en raison de la cession, du vol, de la destruction ou d'une usurpation de plaque d'immatriculation dudit véhicule ou de tout autre cas de force majeure ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe au redevable d'un forfait de post-stationnement qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge de saisir l'autorité administrative d'un recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, d'introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant. En cas d'absence de paiement de sa part dans les trois mois et d'émission, en conséquence, d'un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l'Etat, il est loisible au même redevable de contester ce titre exécutoire devant la commission du contentieux du stationnement payant, qu'il ait ou non engagé un recours administratif contre l'avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours. A ce titre, s'il résulte des termes mêmes de l'article R. 2333-120-35 du code général des collectivités territoriales, cité ci-dessus, que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d'une requête contre un titre exécutoire n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s'est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé conteste, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.

Sur le pourvoi :

5. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la requête de Mme B..., le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant s'est fondé sur ce que l'intéressée ne pouvait utilement contester l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration, au motif que cette contestation mettait en cause la légalité de l'avis de paiement auquel le titre exécutoire s'était substitué. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit et à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Le VII de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose que : " VII.- (...) Lorsque, à la suite de la cession d'un véhicule, le système enregistrant les informations mentionnées à l'article L. 330-1 du code de la route mentionne un acquéreur qui n'est pas le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, l'acquéreur est substitué au titulaire dudit certificat dans la mise en oeuvre des dispositions prévues aux II et IV du présent article ". Par ailleurs, l'article L.330-1 du code de la route dispose que : " Il est procédé, dans les services de l'Etat et sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, à l'enregistrement de toutes informations concernant les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci " et l'article R. 322-4 du même code dispose que : " I.- En cas de changement de propriétaire d'un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit effectuer, dans les quinze jours suivant la cession, une déclaration au ministre de l'intérieur l'informant de cette cession et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire (...) ". Il résulte de ces dispositions que le débiteur du forfait de post-stationnement et de sa majoration éventuelle est la personne titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule à la date d'émission de l'avis de paiement de ce forfait. Toutefois, lorsque le véhicule a été cédé, son acquéreur est le débiteur du forfait de post-stationnement dès lors que le vendeur a cédé son véhicule avant l'émission de l'avis de paiement et a procédé à la déclaration prévue par l'article R. 322-4 du code de la route avant cette date ou, en tout état de cause, dans le délai de quinze jours prévu à cet article.

8. Il résulte de l'instruction que Mme B... a procédé à la déclaration de cession de son véhicule auprès du ministre de l'intérieur le jour même de cette cession, le 10 septembre 2017, soit dans les conditions prévues par l'article R. 322-4 du code de la route. Elle n'était par suite pas débitrice du forfait de post-stationnement appliqué à ce véhicule le 16 avril 2018, la mention, dans le système enregistrant les informations mentionnées à l'article L. 330-1 du code de la route, de ce qu'elle était encore propriétaire du véhicule, résultant d'une erreur qui ne lui est pas imputable. Elle est fondée, par suite, à demander l'annulation du titre exécutoire litigieux et la décharge de l'obligation de payer la somme qu'il mentionne.

9. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gentilly la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, son avocat, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance de la commission du contentieux du stationnement payant du 14 février 2019 est annulée.

Article 2 : Mme B... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 72 euros résultant du titre exécutoire mis à sa charge le 13 août 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

Article 3 : La commune de Gentilly versera à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la commune de Gentilly, à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions et au ministre de l'action et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 2020, n° 429414
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Date de la décision : 10/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 429414
Numéro NOR : CETATEXT000041989694 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-06-10;429414 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award