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09/06/2020 | FRANCE | N°428259

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 09 juin 2020, 428259


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a, notamment, demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Institut de recherche pour le développement à lui verser la somme de 277 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Par un jugement n°s 1604706, 1607535 du 11 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA04379 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé l'article 2 de ce j

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a, notamment, demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Institut de recherche pour le développement à lui verser la somme de 277 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Par un jugement n°s 1604706, 1607535 du 11 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA04379 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé l'article 2 de ce jugement rejetant sa demande indemnitaire, condamné l'Institut de recherche pour le développement à lui verser la somme de 106 998 euros en réparation des préjudices qu'il a subis et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 20 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Institut de recherche pour le développement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'Institut de recherche pour le développement et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2020, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., agent contractuel employé pour une durée indéterminée par l'Institut de recherche pour le développement, établissement public comptant plus de deux mille agents, où il était affecté, au siège situé à Marseille, jusqu'au 5 novembre 2015, sur le poste de directeur du système d'information, a été licencié par décision du 30 juin 2016. Par l'article 2 d'un jugement du 11 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet institut à réparer les préjudices résultant, notamment, du harcèlement moral qu'il estime avoir subi avant son licenciement. Sur son appel, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 20 décembre 2018, annulé cet article et condamné l'institut à lui verser la somme de 106 998 euros. L'Institut de recherche pour le développement se pourvoit en cassation contre cet arrêt, contre lequel M. B... forme un pourvoi incident.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dès la prise de fonction du nouveau président-directeur général de l'Institut de recherche pour le développement, en mars 2015, les relations entre celui-ci et M. B... ont été tendues sans, toutefois, que ce dernier n'ait eu à subir des propos de caractère vexatoire, dénigrant ou humiliant. Il ressort des mêmes pièces, qu'entre avril et novembre 2015, M. B... a été déchargé du pilotage d'un projet numérique d'importance majeure en matière budgétaire, comptable et financière puis qu'après avoir été démis de ses fonctions de directeur de la direction du système d'information, en novembre 2015, il a été affecté comme chargé de mission jusqu'à son licenciement, dont le report jusqu'à l'été 2016 est lié à une négociation entre les parties et qui n'a pas été contesté. Il ressort enfin de ces pièces que ces mesures ont été directement liées à la réorganisation des structures et du fonctionnement de l'établissement public qui a été décidée, à la suite d'une mission d'étude lancée par le nouveau président-directeur général de l'institut lors de sa nomination, laquelle réorganisation s'est traduite, en juillet 2015, par le remplacement, au sein d'un secrétariat général nouvellement créé, de la direction du système d'information par une nouvelle direction pour le développement des usages numériques et innovants dont les missions de maîtrise d'ouvrage numérique et les objectifs qualitatifs ont été redéfinis, et en décembre 2015, parmi diverses nominations, par celle, à la tête de cette direction, d'un fonctionnaire qui avait travaillé, aux côtés du nouveau secrétaire général, au sein de la mission précitée.

4. Dès lors, la cour administrative d'appel de Marseille, qui a en outre dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant, d'une part, que toutes les difficultés d'ordre informatique dont s'était plaint le président de l'institut à son arrivée avaient été " prétendument rencontrées ", et d'autre part, qu'aucun élément de nature à regarder comme justifiées par l'intérêt du service l'éviction progressive par M. B... de ses fonctions ainsi que son affectation comme chargé de mission n'avait été produit, a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que les agissements de l'Institut de recherche pour le développement étaient constitutifs de harcèlement moral excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'institut requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. L'annulation de cet arrêt rend sans objet le pourvoi incident de M. B.... Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser à l'Institut de recherche pour le développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Institut de recherche pour le développement, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. B....

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 4 : M. B... versera la somme de 3 000 euros à l'Institut de recherche pour le développement au titre de l'article L. 761-7 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par M. B... sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Institut de recherche pour le développement et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 428259
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2020, n° 428259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Berne
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428259.20200609
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