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09/04/2020 | FRANCE | N°429569

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 avril 2020, 429569


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Infin'idels, Mme B... A... et M. D... C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté leur demande du 12 décembre 2018 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 9 mars 1966 relatif aux tarifs d'honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux applicables en l'absence de convention pour les soins dispensés aux assurés sociaux ;<

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2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Infin'idels, Mme B... A... et M. D... C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté leur demande du 12 décembre 2018 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 9 mars 1966 relatif aux tarifs d'honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux applicables en l'absence de convention pour les soins dispensés aux assurés sociaux ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé d'abroger cet arrêté dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971 ;

- la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 ;

- le décret n° 60-451 du 12 mai 1960 ;

- le décret n° 66-21 du 7 janvier 1966 ;

- le décret n° 75-936 du 13 octobre 1975 ;

- le décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat Infin'idels a saisi le ministre des solidarités et de la santé d'une demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 9 mars 1966 fixant les tarifs d'honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux applicables en l'absence de convention pour les soins dispensés aux assurés sociaux, qui doit être regardée comme tendant à l'abrogation de cet arrêté en tant qu'il s'applique aux infirmiers. Il demande, conjointement avec Mme A... et M. C..., l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé à sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente à procéder à son abrogation.

3. L'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale prévoit que : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les infirmiers sont définis, dans le respect des règles déontologiques fixées par le code de la santé publique, par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des infirmiers et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (...) ". En vertu de l'article L. 162-14-1 du même code, cette convention définit notamment " les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels par les assurés sociaux ".

4. L'arrêté du 9 mars 1966 a été pris sur le fondement du VII de l'article 2 du décret du 12 mai 1960 relatif aux soins médicaux dispensés aux assurés sociaux, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 1966, prévoyant que : " Les tarifs applicables, en l'absence de convention, d'une part, aux praticiens et auxiliaires médicaux adhérents personnels, d'autre part, aux autres membres des professions intéressées sont fixés par arrêté interministériel ". La loi du 3 juillet 1971 relative aux rapports entre les caisses d'assurance maladie et les praticiens et auxiliaires médicaux a ensuite prévu, en modifiant l'article L. 260 du code de la sécurité sociale, ultérieurement recodifié à l'article L. 162-12 de ce code, que : " A défaut de convention ou en l'absence d'adhésion personnelle à la convention type, les tarifs servant de base au remboursement des honoraires des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux sont fixés par arrêtés interministériels ". Par ces dispositions, le législateur a entendu confier à des arrêtés le soin de fixer les tarifs servant de base au remboursement aux assurés sociaux des honoraires des infirmiers et des autres professionnels entrant dans son champ d'application non seulement en l'absence d'adhésion à la convention type mentionnée à l'article L. 162-11 du code de la sécurité sociale, mais également en l'absence d'adhésion à la convention nationale.

5. Toutefois, la loi du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 a modifié le code de la sécurité sociale pour prévoir à son article L. 162-12-4 que : " Les dispositions des articles L. 162-9 à L. 162-12 ne sont pas applicables aux infirmiers ". Il en résulte que, depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, la loi n'autorise pas la prise en charge par l'assurance maladie des honoraires des infirmiers qui n'adhèrent pas à la convention prévue à l'article L. 165-12-2 du code de la sécurité sociale. Par suite, l'arrêté du 9 mars 1966 est dépourvu de base légale en tant qu'il fixe, aux 2° du IV du A et 2° du IV du B de son annexe, des tarifs de prise en charge, par l'assurance maladie, des honoraires des infirmiers qui n'adhèrent pas à cette convention.

6. Pour autant, les dispositions de la loi du 29 décembre 1999 ne peuvent être regardées comme ayant implicitement abrogé, dans cette mesure, l'arrêté du 9 mars 1966. Par conséquent, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et de l'agriculture ne sont pas fondés à soutenir que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus de procéder à cette abrogation seraient dépourvues d'objet. Il y a lieu, ainsi, d'annuler la décision attaquée par laquelle le ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale a refusé d'abroger les 2° du IV du A et 2° du IV du B de l'annexe de l'arrêté du 9 mars 1966 en tant qu'ils fixent la valeur de la lettre-clé A.M.I.

7. L'exécution de la présente décision implique nécessairement l'abrogation des 2° du IV du A et 2° du IV du B de l'annexe de l'arrêté du 9 mars 1966 en tant qu'ils fixent la valeur de la lettre-clé A.M.I. Il y a lieu, par suite, de prescrire cette mesure dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des requérants présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite née du silence gardé par le ministre des solidarités et de la santé sur la demande formée le 12 décembre 2018 par le syndicat Infin'idels est annulée.

Article 2 : Il est enjoint aux ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé, de l'agriculture et du budget d'abroger les 2° du IV du A et 2° du IV du B de l'annexe de l'arrêté du 9 mars 1966 en tant qu'ils fixent la valeur de la lettre-clé A.M.I. dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Les conclusions du syndicat Infin'idels, de Mme A... et de M. C... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat Infin'idels, désigné représentant unique, au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'agriculture et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 avr. 2020, n° 429569
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 09/04/2020
Date de l'import : 21/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 429569
Numéro NOR : CETATEXT000041807000 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-04-09;429569 ?
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