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09/04/2020 | FRANCE | N°428366

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 avril 2020, 428366


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération intersyndicale de défense et d'union nationale d'action des travailleurs indépendants (CIDUNATI) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-1215 du 24 décembre 2018 relatif à la liste des organisations procédant aux premières désignations au sein du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et l'arrêté du 27 décembre 2018 portant nomination des membres de l'ass

emblée générale du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération intersyndicale de défense et d'union nationale d'action des travailleurs indépendants (CIDUNATI) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-1215 du 24 décembre 2018 relatif à la liste des organisations procédant aux premières désignations au sein du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et l'arrêté du 27 décembre 2018 portant nomination des membres de l'assemblée générale du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre du litige :

1. Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants est un organisme de droit privé doté de la personnalité morale, créé par la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. En vertu de l'article L. 612-1 du code de la sécurité sociale, il a notamment pour rôle " de piloter le régime complémentaire d'assurance vieillesse obligatoire et le régime invalidité-décès des travailleurs indépendants et la gestion du patrimoine y afférent ", lesquels, à la différence de l'assurance maladie et maternité et de l'assurance vieillesse de ces assurés sociaux, ne sont pas transférés par cette loi du régime social des indépendant, qu'elle supprime, aux organismes du régime général de sécurité sociale. L'article L. 612-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants est doté d'une assemblée générale délibérante et d'un directeur nommé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget et dispose d'instances régionales, dont il anime, coordonne et contrôle l'action.

2. L'article L. 612-3 du code de la sécurité sociale dispose que l'assemblée générale du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants comprend : " 1° Des représentants des travailleurs indépendants, désignés par les organisations professionnelles représentatives de ces travailleurs au niveau national, telles qu'elles sont définies à l'article L. 612-6 ; / 2° Des représentants des travailleurs indépendants retraités, désignés par les organisations mentionnées au 1° ; / 3° Des personnalités qualifiées, désignées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 612-4 du même code prévoit que : " Les instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants sont composées de représentants des travailleurs indépendants et des retraités désignés par les organisations mentionnées au 1° de l'article L. 612-3 ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Sont admises à désigner, en application des 1° et 2° de l'article L. 612-3 et du premier alinéa de l'article L. 612-4, des membres au sein des instances mentionnées aux mêmes articles L. 612-3 et L. 612-4, les organisations qui se déclarent candidates, lorsqu'elles remplissent cumulativement les critères mentionnés au I de l'article L. 2151-1 du code du travail. L'influence à laquelle il est fait référence au 5° du même I s'apprécie au regard de l'activité et de l'expérience de l'organisation candidate en matière de représentation des travailleurs indépendants. L'audience à laquelle il est fait référence au 6° dudit I s'apprécie sur le fondement du nombre de travailleurs indépendants, au sens de l'article L. 611-1 du présent code, qui sont adhérents à chacune de ces organisations. Ce nombre doit représenter au moins 8 % de l'ensemble des travailleurs indépendants adhérant aux organisations satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° du I de l'article L. 2151-1 du code du travail et ayant déclaré leur candidature en application du présent article ". Le I de l'article L. 2151-1 du code du travail dispose que : " La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans (...) ; / 5° L'influence (...) ; / 6° L'audience (...) ".

3. Enfin, le 3° du XVI de l'article 15 de la loi du 30 décembre 2017 prévoit que ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2019 et qu'" un décret détermine la liste des organisations procédant aux premières désignations effectuées en application des 1° et 2° de l'article L. 612-3 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 612-4 du même code ainsi que le nombre de membres que chaque organisation peut désigner pour siéger au sein de l'assemblée générale et des instances mentionnées aux mêmes articles L. 612-3 et L. 612-4. Au plus tard le 30 juin 2018, les organisations candidates pour figurer sur cette liste transmettent à l'autorité compétente, selon des modalités fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, tout élément justifiant leur représentativité au regard des critères mentionnés au premier alinéa de l'article L. 612-6 dudit code. Par dérogation aux dispositions mentionnées au deuxième alinéa du même article L. 612-6 et à titre transitoire, le critère d'audience mentionné audit article L. 612-6 est apprécié en fonction des éléments disponibles, relatifs à leurs différents adhérents, communiqués par ces organisations ".

4. En application des dispositions citées au point précédent, le décret du 24 décembre 2018 désigne quatre organisations professionnelles représentatives et fixe le nombre de membres de l'assemblée générale du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants que chacune de ces organisations désigne au titre des représentants des travailleurs indépendants et représentants des travailleurs indépendants retraités. L'arrêté du 27 décembre 2018 nomme les membres de l'assemblée générale désignés par ces organisations, conformément au décret du 24 décembre 2018. La Confédération intersyndicale de défense et d'union nationale d'action des travailleurs indépendants demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 24 décembre 2018 et de l'arrêté du 27 décembre 2018.

Sur la légalité du décret du 24 décembre 2018 :

6. Il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure d'évaluation des candidatures, organisée par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale du 3 mai 2018 et conduite par la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, service à compétence nationale mentionné à l'article R. 155-1 du code de la sécurité sociale. Au cours de cette procédure, six organisations professionnelles, au nombre desquelles la confédération requérante ne figurait au demeurant pas, ont présenté un dossier de candidature dans le délai imparti par l'arrêté, dont cinq ont été regardées comme des organisations professionnelles représentatives des travailleurs indépendants au sens de l'article L. 612-3 du code de la sécurité sociale et ont donné lieu à un examen de leur représentativité. L'audience de ces cinq organisations a été appréciée au terme d'échanges contradictoires avec chacune d'entre elles, en fonction de leur nombre d'adhérents sans salarié, déterminé en prenant les éléments relatifs au nombre et à la qualité des adhérents à jour de leur cotisation qu'elles avaient soumis et qui ont fait l'objet de vérifications à l'occasion de l'enquête de représentativité patronale, sans d'ailleurs que la confédération requérante ne remette en cause les modalités d'estimation de l'audience ainsi retenues. Cette estimation a conduit à écarter l'une des cinq organisations candidates, n'atteignant pas le seuil de 8 % fixé à l'article L. 612-6 du code de la sécurité sociale. Par suite, la confédération requérante, qui n'apporte aucun élément probant au soutien de ses affirmations générales sur la représentativité des travailleurs indépendants en France et ne conteste ni l'audience estimée des organisations candidates, ni l'usage qui en a été fait pour déterminer leur représentativité et le nombre de membres de l'assemblée générale que chacune est habilitée à désigner, n'est pas fondée à soutenir que le décret du 24 décembre 2018 aurait fait une inexacte application des articles L. 612-3 et L. 612-6 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article L. 2151-1 du code du travail en admettant des organisations qui ne seraient pas représentatives de la majorité des travailleurs indépendants à désigner des membres au Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.

7. Il résulte de ce qui précède que la confédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 24 décembre 2018.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 décembre 2018 :

8. La confédération requérante se borne à soutenir que l'arrêté du 27 décembre 2018 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du décret du 24 décembre 2018. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce décret étant rejetées, celles tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2018, sur lesquelles le Conseil d'Etat est compétent pour statuer par la voie de la connexité, doivent l'être également.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Confédération intersyndicale de défense et d'union nationale d'action des travailleurs indépendants est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération intersyndicale de défense et d'union nationale d'action des travailleurs indépendants et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 428366
Date de la décision : 09/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2020, n° 428366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428366.20200409
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