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27/12/2019 | FRANCE | N°420939

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 27 décembre 2019, 420939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... M... A...-K... et autres ont demandé au tribunal de première instance de Papeete de condamner la commune de Rurutu à leur verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de la voie de fait commise à l'occasion des travaux de forage et d'adduction d'eau potable réalisés sur une partie de la terre Vairiri 1 leur appartenant et d'ordonner son expulsion ainsi que la démolition des ouvrages. Par jugement n° 06/00017 AF du 17 juin 2008, ce tribunal a fait droit à leur demande.

Par un

arrêt n° RG 08/00511 du 5 juin 2014, la cour d'appel de Papeete a, sur appel de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... M... A...-K... et autres ont demandé au tribunal de première instance de Papeete de condamner la commune de Rurutu à leur verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de la voie de fait commise à l'occasion des travaux de forage et d'adduction d'eau potable réalisés sur une partie de la terre Vairiri 1 leur appartenant et d'ordonner son expulsion ainsi que la démolition des ouvrages. Par jugement n° 06/00017 AF du 17 juin 2008, ce tribunal a fait droit à leur demande.

Par un arrêt n° RG 08/00511 du 5 juin 2014, la cour d'appel de Papeete a, sur appel de la commune de Rurutu, infirmé ce jugement, jugé que la commune de Rurutu n'avait pas commis de voie de fait à l'occasion des travaux litigieux et sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative statue sur l'existence d'une emprise irrégulière

Mme C... M... A...-K... et autres ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 25 septembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Rurutu a refusé de reconnaitre l'existence d'une emprise irrégulière sur la terre Vairiri 1 leur appartenant et a rejeté leur demande indemnitaire tendant à la réparation de leur préjudice et de condamner la commune à leur payer la somme de 2 700 000 F CFP en réparation du préjudice résultant de l'emprise irrégulière résultant de l'installation d'une station de pompage et des travaux de forage réalisés sans leur autorisation sur leur terrain par la commune, la somme de 10 000 000 CFP en réparation du préjudice résultant de la perte de jouissance de leur terrain et la somme de 250 000 CFP par mois jusqu'à la libération effective des lieux.

Par un jugement n° 1500514 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a constaté l'existence d'une emprise irrégulière de la commune de Rurutu sur le terrain appartenant aux consorts A...-K... et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un arrêt n° 16PA02725 du 24 mai 2018, enregistré le 25 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi, enregistre´ le 18 août 2016 au greffe de cette cour, présente´ par la commune de Rurutu contre ce jugement. Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistre´ le 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Rurutu demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande comme irrecevable ou, subsidiairement, de juger que l'emprise irrégulière alléguée n'est pas démontrée ;

3°) de mettre à la charge des consorts A...-K... la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la commune de Rurutu ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Rurutu a réalisé, en juillet 2000, des travaux de forage et implanté une station de pompage sur une partie de la terre Tauamao 16 à Moerai. Soutenant que ces travaux empiétaient sur la terre Vairiri 1 leur appartenant en indivision, les consorts A...-K... ont saisi le tribunal de première instance de Papeete lequel, par jugement du 17 juin 2008, a condamné la commune de Rurutu à leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi et a ordonné la démolition des ouvrages concernés. Par arrêt du 5 juin 2014, la cour d'appel de Papeete a infirmé le jugement du tribunal de première instance de Papeete, jugé que la commune de Rurutu n'avait pas commis de voie de fait à l'occasion des travaux de forage et d'adduction d'eau potable sur la propriété des requérants et sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative statue sur l'existence d'une emprise irrégulière. Par un jugement du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a constaté l'existence d'une emprise irrégulière de la commune de Rurutu sur le terrain appartenant aux consorts A...-K... et rejeté le surplus de leurs conclusions, tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables résultant de cette emprise irrégulière. La commune de Rurutu se pourvoit en cassation contre ce jugement, en tant qu'il lui est défavorable.

2. En premier lieu, il n'appartient pas au juge administratif, saisi d'une question préjudicielle, de statuer sur la recevabilité de la demande présentée devant la juridiction judiciaire qui se trouve à l'origine du renvoi. Par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en écartant, pour ce motif, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Rurutu, tirée de ce que l'action des consorts A...-K... était prescrite. En outre, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les motifs par lesquels le tribunal a jugé que la prescription quadriennale avait été interrompue présente un caractère surabondant. Dès lors, le moyen du pourvoi dirigé contre ce motif est inopérant.

3. En deuxième lieu, dans l'hypothèse où une juridiction judiciaire a sursis à statuer sur un litige qui lui était soumis jusqu'à ce que le juge administratif se prononce sur la légalité d'une décision administrative, les parties aux litiges devant le juge civil ont, de ce seul fait, qualité pour former devant la juridiction administrative, qui est tenu d'y statuer, une requête en appréciation de validité de la décision en cause, sans que la recevabilité d'une telle requête soit soumise aux conditions posées pour l'exercice d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, le tribunal a pu sans erreur de droit juger que les consorts A...-K..., parties au litige devant le juge civil, avaient dès lors nécessairement qualité pour former un recours devant lui.

4. En troisième lieu, la réalisation, par une personne publique, de travaux dans le sol et le sous-sol d'une propriété privée, qui dépossède les propriétaires de la parcelle concernée d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement réalisée qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes légales, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires de cette parcelle.

5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a relevé, d'une part, en se fondant sur un plan annexé au mémoire en défense de la commune ainsi que sur les termes des protocoles signés par Mme E... H... que, dans le cadre des travaux de forage et d'adduction d'eau réalisés par la commune de Rurutu à partir du mois de juillet 2000, une station de pompage et des conduites d'eau ont été implantées sur une partie de la propriété Vaiiriihi 1 et, d'autre part, que ces travaux n'ont été précédés ni par l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, ni par l'institution de servitudes légales, ni autorisé par un représentant dûment mandaté par les co-indivisaires. Par suite, en déduisant de ces éléments de fait, qu'ils n'ont pas dénaturés, que les travaux entrepris par la commune de Rurutu caractérisaient une emprise irrégulière sur la propriété des consorts A...-K..., les premiers juges, auxquels il n'appartenait pas de vérifier si la commune avait pu légitimement regarder Mme H... comme la représentante autorisée des co-indivisaires, n'ont pas entaché leur jugement d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les consorts A...-K..., que la commune de Rurutu n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des consorts A...-K..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Rurutu est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rurutu et à Mme C..., M... A...-K..., à Mme J..., Ruta A..., à M. D..., Teva A..., à M. G... A..., à M. I..., Paparahi A..., à Mme B..., Maeva A..., à Mme F..., Ura A..., à Mme L... A....

Copie en sera adressée au premier président de la Cour d'appel de Papeete.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 420939
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2019, n° 420939
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP COLIN-STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420939.20191227
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