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22/11/2019 | FRANCE | N°420023

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 22 novembre 2019, 420023


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pfizer PFE France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 novembre 2017 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont refusé d'inscrire la spécialité Zavicefta, pour sa quatrième indication, sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la déci

sion implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision ;

2°) de m...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 avril 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pfizer PFE France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 novembre 2017 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont refusé d'inscrire la spécialité Zavicefta, pour sa quatrième indication, sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Pfizer PFE France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du I de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale : " L'Etat fixe, sur demande du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou à l'initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° du même article (...). Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées à l'article L. 162-22-6 (...) ". Le I de l'article R. 162-37 du code de la sécurité sociale précise que : " La liste des spécialités pharmaceutiques prévue à l'article L. 162-22-7 et leurs conditions de prise en charge sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ".

2. Il ressort des pièces du dossier que la société Pfizer PFE France a adressé à la ministre des solidarités et de la santé, le 4 juillet 2017, une demande d'inscription de la spécialité Zavicefta 2 g / 0,5 g, poudre pour solution à diluer pour perfusion, qu'elle commercialise, sur la liste des spécialités prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation, prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale. Par une décision du 8 novembre 2017, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont refusé cette inscription, en se fondant sur l'avis rendu par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé le 30 novembre 2016, puis ils ont implicitement rejeté le recours gracieux que la société Pfizer PFE France avait formé par un courrier reçu le 27 décembre 2017. La société Pfizer PFE France demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions en tant qu'elles portent sur la quatrième indication pour laquelle la spécialité Zavicefta bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché, correspondant au traitement des infections dues à des bactéries aérobies à Gram négatif chez des patients adultes pour qui les options thérapeutiques sont limitées.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) / les (...) sous-directeurs (...) ". D'une part, l'article D. 1421-2 du code de la santé publique prévoit que la direction générale de l'offre de soins " est chargée de l'élaboration, du pilotage et de l'évaluation de la politique de l'offre de soins ". L'article 4 de l'arrêté du 7 mai 2014 portant organisation de la direction générale de l'offre de soins en sous-directions et en bureaux prévoit que la sous-direction du pilotage de la performance des acteurs de l'offre de soins " met en oeuvre, organise et évalue l'accès aux produits de santé (...) au sein des établissements de santé ". Par suite, Mme D... C..., nommée sous-directrice du pilotage de la performance des acteurs de l'offre de soins par arrêté du 1er août 2016, publié au Journal officiel de la République française le 3 août 2016, avait compétence pour signer, au nom du ministre chargé de la santé, l'arrêté attaqué. D'autre part, l'article 3 de l'arrêté du 3 janvier 2006 portant organisation de la direction de la sécurité sociale en sous-directions prévoit que " la sous-direction du financement du système de soins participe à la conception et à l'élaboration de la politique de financement de l'offre de soins et de gestion du risque maladie. (...) Elle prépare la politique de la sécurité sociale relative aux produits de santé ". Par suite, M. A... B..., reconduit dans les fonctions de sous-directeur du financement du système de soins à compter du 30 août 2016, par arrêté du 9 août 2016, publié au Journal officiel de la République française le 11 août 2016, avait compétence pour signer, au nom des ministres chargés de la sécurité sociale, l'arrêté attaqué. Il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence des signataires de la décision du 8 novembre 2017 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article R. 162-37-2 du code de la sécurité sociale : " L'inscription d'une ou plusieurs indications d'une spécialité pharmaceutique bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 est subordonnée au respect de l'ensemble des conditions suivantes : / 1° La spécialité, dans la ou les indications considérées, est susceptible d'être administrée majoritairement au cours d'hospitalisations mentionnées au 1° de l'article R. 162-33-1 ; / 2° Le niveau de service médical rendu de la spécialité dans la ou les indications considérées, apprécié au regard des critères mentionnés au I de l'article R. 162-37-3 est majeur ou important ; / 3° Le niveau d'amélioration du service médical rendu de la spécialité dans la ou les indications considérées, apprécié au regard des critères mentionnés au II de l'article R. 162-37-3 est majeur, important ou modéré. Il peut être mineur si l'indication considérée présente un intérêt de santé publique et en l'absence de comparateur pertinent. Il peut être mineur ou absent lorsque les comparateurs pertinents sont déjà inscrits sur la liste ; / Un rapport supérieur à 30 % entre, d'une part, le coût moyen estimé du traitement dans l'indication thérapeutique considérée par hospitalisation et, d'autre part, les tarifs de la majorité des prestations dans lesquelles la spécialité est susceptible d'être administrée dans l'indication considérée (...) ". Aux termes du II de l'article R. 162-37-3 du même code : " L'appréciation de l'amélioration du service médical rendu mentionnée au 3° du I de l'article R. 162-37-2 s'appuie sur une comparaison du médicament, en termes de service médical rendu, avec tous les comparateurs pertinents au regard des connaissances médicales avérées que sont les médicaments, les produits, les actes et les prestations ".

5. Les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont, aux termes de la décision attaquée, refusé l'inscription de la spécialité Zavicefta sur la liste prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale au motif que cette spécialité apportait une amélioration du service médical rendu mineure et que ses comparateurs pertinents ne figuraient pas sur cette liste. Sans contester l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu de la spécialité Zavicefta, la société Pfizer PFE France soutient que c'est à tort que la commission de la transparence, puis les ministres en suivant son avis, ont retenu l'existence de comparateurs pertinents dans l'indication relative au traitement des infections dues à des bactéries aérobies à Gram négatif chez des patients adultes pour qui les options thérapeutiques sont limitées.

6. Il ressort des pièces du dossier que la spécialité Zavicefta est un antibiotique associant une céphalosporine de troisième génération, largement utilisée dans le traitement d'infections souvent sévères à bacilles à Gram négatif, et un nouvel inhibiteur de bêta-lactamase, possédant une activité inhibitrice plus large que ceux antérieurement disponibles. Dans son avis du 30 novembre 2016, la commission de la transparence a identifié huit comparateurs pertinents, qu'elle a définis comme " les antibiotiques utilisables en dernière ligne dans le traitement des bactéries aérobies à Gram négatif dont celles exprimant des résistances telles que les bêta-lactamases à spectre étendu ". La société requérante fait valoir que la commission a elle-même reconnu l'existence d'un besoin important de nouveaux antibiotiques pour le traitement de ces bactéries, auquel ces huit spécialités ne répondent pas de façon satisfaisante. Toutefois, ces spécialités, à large spectre antibactérien, sont également utilisées dans le traitement des infections dues à des bactéries à Gram négatif multi-résistantes, de sorte que l'amélioration du service médical rendu de la spécialité Zavicefta, dans l'indication considérée, pouvait valablement être appréciée par comparaison avec elles. Dans ces conditions, tant la commission de la transparence que les ministres des solidarités et de la santé et des comptes et de l'action publics ont pu légalement estimer que la spécialité Zavicefta avait des comparateurs pertinents, au sens du 3° du I de l'article R. 162-37 du code de la sécurité sociale, dans son indication correspondant au traitement des infections dues à des bactéries aérobies à Gram négatif chez des patients adultes pour qui les options thérapeutiques sont limitées. La spécialité Zavicefta s'étant vu reconnaître, dans cette indication, une amélioration du service médical rendu mineure par rapport à des comparateurs pertinents qui ne figuraient pas eux-mêmes sur la liste prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, les ministres pouvaient, dès lors, légalement refuser son inscription sur cette liste.

7. Les décisions attaquées ayant été prises en application des dispositions législatives et réglementaires mentionnées aux points 1 et 4 ci-dessus, qui subordonnent la prise en charge d'une spécialité pharmaceutique en sus des prestations d'hospitalisation à son inscription sur une liste, en fonction notamment de l'amélioration du service médical rendu de la spécialité dans l'indication considérée, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égal accès aux soins ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pfizer PFE France n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Pfizer PFE France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Pfizer PFE France et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 420023
Date de la décision : 22/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2019, n° 420023
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thibaut Félix
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420023.20191122
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