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16/10/2019 | FRANCE | N°421839

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 16 octobre 2019, 421839


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'ordonner les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n°1402444 du 3 mars 2016 par lequel ce tribunal administratif a, d'une part, annulé la décision implicite de l'association Union musicale de Cuers leur refusant la communication des états de frais afférents aux 3ème et 4ème trimestre 2012 et à l'année 2013, du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2013 et ses annexes comprenant le compte de résultat et le bilan certifiés, le budget prévi

sionnel pour l'année 2013/2014 et les différents rapports annexés ainsi que...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'ordonner les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n°1402444 du 3 mars 2016 par lequel ce tribunal administratif a, d'une part, annulé la décision implicite de l'association Union musicale de Cuers leur refusant la communication des états de frais afférents aux 3ème et 4ème trimestre 2012 et à l'année 2013, du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2013 et ses annexes comprenant le compte de résultat et le bilan certifiés, le budget prévisionnel pour l'année 2013/2014 et les différents rapports annexés ainsi que les feuilles de présence et d'émargement des membres de l'association ayant siégé aux assemblées générales ordinaire et extraordinaire de novembre 2012 et de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2013 et, d'autre part, enjoint à l'association de leur communiquer ces documents dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Par une ordonnance n°1700998 du 5 avril 2018, le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n°18MA02779 du 26 juin 2018, enregistrée le 27 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. et Mme B..., enregistrée le 8 juin 2018 au greffe de cette cour.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 11 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 5 avril 2018 du président du tribunal administratif de Toulon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux demandes formulées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'association Union musicale de Cuers, prise en la personne de son liquidateur, le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, annulé la décision implicite de l'association Union musicale de Cuers refusant à M. et Mme B... la communication des états de frais afférents aux 3ème et 4ème trimestre 2012 et à l'année 2013, du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2013 et ses annexes comprenant le compte de résultat et le bilan certifiés, le budget prévisionnel pour l'année 2013/2014 et les différents rapports annexés ainsi que les feuilles de présence et d'émargement des membres de l'association ayant siégé aux assemblées générales ordinaire et extraordinaire de novembre 2012 et de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2013 et, d'autre part, enjoint à l'association Union musicale de Cuers de communiquer à M. et Mme B... ces documents dans un délai d'un mois. N'ayant pas obtenu les documents sollicités, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Toulon afin, d'une part, qu'il prononce de nouvelles injonctions de communiquer les documents sollicités à la commune de Cuers, au dépositaire de la conservation des archives, à l'association Union musicale de Cuers et à ses liquidateurs et, d'autre part, qu'il assortisse ces injonctions d'une astreinte de 200 euros par jours de retard. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 5 avril 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.

2. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". L'impossibilité matérielle à laquelle peut se heurter l'exécution d'une décision juridictionnelle n'est pas de nature à rendre irrecevable une demande présentée sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative.

3. Il en résulte qu'en rejetant comme manifestement irrecevable la demande de M. et Mme B... tendant à l'exécution du jugement du 3 mars 2016 au motif que l'exécution des injonctions prononcées à l'égard de l'association Union musicale de Cuers se heurtait à une impossibilité matérielle depuis sa dissolution déclarée à la préfecture du Var le 24 septembre 2014 et publiée au Journal officiel de la République française le 3 mars 2016, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit.

4. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. D'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambiguïté, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

7. Il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier du maire de Cuers du 7 novembre 2016 versé au dossier de première instance, qu'à la suite de la dissolution de l'association Union musicale de Cuers, l'activité de gestion de l'école municipale de musique dont elle avait la charge a été reprise par la commune de Cuers à compter de septembre 2014. Dans ces conditions, et alors même que l'injonction de communiquer les documents litigieux en exécution de l'annulation pour excès de pouvoir des décisions de refus attaquées par M. et Mme B... a été prononcée à l'encontre de cette association, il y a lieu, afin d'assurer la complète exécution du jugement du 3 mars 2016, d'ordonner à la commune de Cuers de procéder, si elle les détient, à la communication aux intéressés des documents visés à l'article 1er de ce jugement, dans un délai de trois mois à compter de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Union musicale de Cuers la somme demandée par M. et Mme B... somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon en date du 5 avril 2018 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Cuers de communiquer à M. et Mme B... les documents visés à l'article 1er du jugement du 3 mars 2016 du tribunal administratif de Toulon dans un délai de trois mois à compter de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B..., à la commune de Cuers et à l'association Union musicale de Cuers.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421839
Date de la décision : 16/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2019, n° 421839
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Roulaud
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421839.20191016
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