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09/10/2019 | FRANCE | N°416278

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09 octobre 2019, 416278


Vu la procédure suivante :

Mme B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement n° 1408498 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY00780 du 5 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 26 septembre 2014 et enjoint au préfet de la Loire de délivrer à Mme A..., dans le délai de deux

mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familial...

Vu la procédure suivante :

Mme B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement n° 1408498 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY00780 du 5 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 26 septembre 2014 et enjoint au préfet de la Loire de délivrer à Mme A..., dans le délai de deux mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un pourvoi, enregistré le 5 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., ressortissante macédonienne, a déclaré être entrée en France le 14 mars 2012. Par arrêté du 25 juin 2013, le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays de renvoi. Ayant de nouveau sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet de la Loire lui a opposé un nouveau refus, par arrêté du 26 septembre 2014. Par un jugement du 9 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 5 octobre 2017, contre lequel le ministre de l'intérieur, se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 26 septembre 2014 et enjoint au préfet de la Loire de délivrer à l'intéressée, dans le délai de deux mois, le titre de séjour sollicité.

2. D'une part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Selon l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-2 de ce code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui remplit les conditions pour bénéficier du droit au regroupement familial ne peut se voir délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'arrêté préfectoral en litige méconnaissait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que Mme A... s'est mariée le 9 juin 2012 avec un ressortissant du Kosovo disposant de la qualité de réfugié politique, ayant dès lors vocation à demeurer en France, qu'un enfant est né le 13 janvier 2013 de cette union et que ses deux parents pourvoient à son entretien et à son éducation. Elle en a déduit que, dans ces conditions, l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme A... commande que cette dernière demeure sur le territoire français et a, en conséquence, enjoint au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'exécution de l'arrêté du préfet portant refus de titre de séjour aurait pour effet soit de priver l'enfant de la présence de sa mère pour le cas où cet enfant resterait en France aux côtés de son père, soit de la présence de son père dans le cas inverse où il accompagnerait sa mère dans son pays d'origine, alors que son père, qui pourvoit également à son entretien et à son éducation, a vocation à demeurer en France en raison de sa qualité de réfugié politique. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'arrêté en litige portait une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de l'enfant commun de M. et Mme A... né en France.

6. En second lieu, la cour a implicitement mais nécessairement estimé que M. A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son épouse, leur fille ainsi que par les autres enfants mineurs de son épouse issus d'une précédente union. Par suite, la cour n'a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, d'erreur de droit en estimant que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 3, ne faisaient pas obstacle à ce que Mme A... bénéficie d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et en enjoignant au préfet de la lui délivrer.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à Mme B... épouse A....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 416278
Date de la décision : 09/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 oct. 2019, n° 416278
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:416278.20191009
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