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24/07/2019 | FRANCE | N°429619

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 juillet 2019, 429619


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1419457 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions en litige.

Par un arrêt n° 16PA03176 du 14 février 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et

des finances contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 9 avril 2019 a...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1419457 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions en litige.

Par un arrêt n° 16PA03176 du 14 février 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 9 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M. et Mme A...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la faveur du rachat du groupe Editis en 2004, suivi de sa cession au groupe Planeta en 2008, le groupe Wendel a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants réunis au capital de la société Compagnie de l'Odyssée (CDO). M.B..., directeur juridique du groupe Wendel a, dans ce cadre, acquis des actions de préférence de la société CDO qu'il a cédées à leur prix d'achat le 18 décembre 2007, à la société civile Adlitt, qu'il avait constituée avec son épouse le 17 décembre 2007 et dont il était le gérant. Cette société a, le 20 mai 2008, cédé ses actions de la société CDO à la société Ofilux Finance. M. et Mme B...ont reporté la plus-value afférente sur leur déclaration de revenus de l'année 2008. Par une proposition de rectification en date du 6 décembre 2011, l'administration fiscale a estimé qu'une fraction du gain résultant de la cession de ces titres, à hauteur de 63,54 %, ne relevait pas du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers, mais était constitutive d'un complément de rémunération, dès lors qu'elle résultait dans cette proportion de l'avantage consenti à M. B...au titre du mécanisme d'intéressement mis en place au profit des cadres managers du groupe Wendel. M. et Mme B...ont saisi le tribunal administratif de Paris, qui, par un jugement du 12 juillet 2016, a prononcé la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 2008. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 14 février 2019 qui a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. L'article 8 du code général des impôts dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". En vertu de l'article 238 bis K du même code : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. / (...) II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ". Aux termes de l'article 150-0 A dudit code dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC , les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 et 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les plus-values réalisées par une société de personnes exerçant une activité d'acquisition et de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières et de droits sociaux dans laquelle une personne physique soumise à l'impôt sur le revenu détient une participation sont soumises au régime des plus-values des particuliers à concurrence des droits que celle-ci détient avec les membres de son foyer fiscal dans cette société.

4. En premier lieu, en relevant que, dès lors que l'administration n'avait pas entendu écarter, sur le fondement de l'abus de droit, la société civile Adlitt comme étant fictive ou comme ayant été créée dans le seul but d'éluder l'impôt, le ministre de l'action et des comptes publics ne pouvait soutenir qu'une fraction de la plus-value réalisée par cette société devait s'analyser comme la rémunération de l'activité salariée de M. B...au sein du groupe Wendel, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la plus-value litigieuse a été réalisée à l'occasion de la cession le 20 mai 2008 des titres de la société CDO par la société civile Adlitt. S'il n'est pas contesté que M. et Mme B...ont bien disposé de cette plus-value en tant qu'uniques associés de la société Adlitt, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits en jugeant que la plus-value réalisée par la société civile Adlitt l'a été à raison du droit de propriété qu'elle tirait des actions cédées et que l'administration fiscale ne pouvait légalement requalifier une fraction de cette plus-value en traitements et salaires au motif que la société Adlitt n'aurait été qu'un " véhicule d'encaissement " de la rémunération de M. B....

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 2019, n° 429619
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : CORLAY

Origine de la décision
Formation : 10ème chambre
Date de la décision : 24/07/2019
Date de l'import : 30/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 429619
Numéro NOR : CETATEXT000038815879 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-07-24;429619 ?
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