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27/06/2019 | FRANCE | N°427557

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 27 juin 2019, 427557


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. et Mme A...B...demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 décembre 2018 par lequel celle-ci a rejeté leur appel contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2016 rejetant leur demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le rev

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. et Mme A...B...demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 décembre 2018 par lequel celle-ci a rejeté leur appel contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2016 rejetant leur demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. M. et Mme B...soutiennent que les dispositions du 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts sont contraires au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques en tant qu'elles ne permettent pas au propriétaire d'un immeuble situé sur un site ayant fait l'objet de l'inscription prévue par les dispositions de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930, codifié à l'article L. 341-1 du code de l'environnement, de déduire de son revenu imposable le montant des travaux de restauration engagés pour cet immeuble dans les mêmes conditions ou dans des conditions équivalentes à celles qui sont prévues par ces dispositions pour le propriétaire d'un immeuble classé monument historique ou inscrit à l'inventaire supplémentaire en application des dispositions du code du patrimoine.

3. L'article 156 du code général des impôts dispose que " l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés (...) que possèdent les membres du foyer fiscal (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après (...) : 1° ter. (...) les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire (...) ". Aux termes de l'article L. 621-1 du code du patrimoine, " les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative (...) ". L'article L. 621-25 du même code dispose que " les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques (...) ". Aux termes de l'article L. 621-29-1 du même code, " le propriétaire ou l'affectataire domanial a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient ou lui est affecté ". L'article 4 de la loi du 2 mai 1930, codifié désormais à l'article L. 341-1 du code de l'environnement dispose qu'" il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général / (...) / L'inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par l'arrêté, l'obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d'entretien en ce qui concerne les constructions, sans avoir avisé, quatre mois d'avance, l'administration de leur intention ".

4. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. D'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

5. Il ressort des dispositions du code du patrimoine et du code de l'environnement citées au point 3 que si le propriétaire d'un immeuble classé monument historique ou inscrit à l'inventaire supplémentaire doit assumer la responsabilité de la conservation de ce bien, il est uniquement interdit aux propriétaires d'immeubles situés dans le périmètre de monuments naturels ou de sites qui présentent un intérêt général du point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque de procéder à des travaux autres que des travaux d'entretien normal sans en avoir préalablement informé l'administration. Le code du patrimoine institue ainsi une obligation de protection des monuments historiques et des monuments inscrits à l'inventaire supplémentaire, mise à la charge des propriétaires de ces biens, qui justifie que leur soit accordé le droit de déduire de leur revenu imposable le montant des dépenses se rapportant à leurs charges foncières. Le propriétaire d'un immeuble situé dans le périmètre d'un monument naturel ou d'un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement se trouve ainsi dans une situation différente de celle du propriétaire d'un immeuble classé monument historique ou inscrit à l'inventaire supplémentaire. Dans ces conditions, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B..., au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2019, n° 427557
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP CAPRON

Origine de la décision
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Date de la décision : 27/06/2019
Date de l'import : 02/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 427557
Numéro NOR : CETATEXT000038698853 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-06-27;427557 ?
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