La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2019 | FRANCE | N°420314

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 20 février 2019, 420314


Vu la procédure suivante :

Mme D...A..., Mme E...A..., Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire, au titre des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise aux fins de rechercher les responsabilités qui pourraient être encourues au titre des dommages subis par Lydiane A...en raison des conditions de sa prise en charge à sa naissance le 30 juillet 1989 à la clinique Jeanne d'Arc à Antibes, au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins et au centre hospitalier universitaire de

Nice - hôpital de Cimiez où elle a été successivement transféré...

Vu la procédure suivante :

Mme D...A..., Mme E...A..., Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire, au titre des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise aux fins de rechercher les responsabilités qui pourraient être encourues au titre des dommages subis par Lydiane A...en raison des conditions de sa prise en charge à sa naissance le 30 juillet 1989 à la clinique Jeanne d'Arc à Antibes, au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins et au centre hospitalier universitaire de Nice - hôpital de Cimiez où elle a été successivement transférée.

Par une ordonnance n° 1702852 du 8 janvier 2018, le juge des référés a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 15MA00316 du 16 avril 2018, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par les consorts A...contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mai 2018, 17 mai 2018 et 22 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 avril 2018;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice - hôpital de Cimiez et du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Cadin, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de Mme A...et autres et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Nice - hôpital de Cimiez et du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges des référés que Mme D...A..., née le 30 juillet 1989 à la clinique Jeanne d'Arc à Antibes, a été transférée le même jour au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins puis, le 19 août suivant, au centre hospitalier universitaire de Nice. Elle a été placée dans cet établissement en soins intensifs et, en raison d'une infection par staphylocoque doré, a été opérée le 1er septembre pour un abcès purulent logé dans la rate et a rejoint le domicile familial le 25 septembre 1989. Mme D... A...a présenté par la suite de nombreuses pathologies, apparues sur une très longue durée, qui ont entraîné des troubles graves comprenant, outre un retard psychomoteur important, une microcéphalie, une démyélinisation, une hypothyroïdie, une cécité partielle, une occlusion intestinale à l'âge de 10 ans et une coarctation de l'aorte diagnostiquée à l'âge de 21 ans. Mme D...A..., Mme E...A..., Mme B...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Nice que soit ordonnée une mesure d'expertise pour rechercher si et dans quelle mesure ces pathologies seraient imputables à l'infection périnatale à staphylocoques qu'elle a contractée à l'occasion de sa naissance et de la prise en charge qui a suivi. Par une ordonnance du 8 janvier 2018, le juge des référés a rejeté leur demande. Les consorts A...se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 16 avril 2018 par laquelle la présidente de la cour administrative de Marseille a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre cette ordonnance.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction " ;

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce titre, le juge des référés ne peut faire droit à une demande d'expertise formée à l'appui de prétentions dont il est établi qu'elles sont prescrites.

4. Par ailleurs, dans le cas d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées.

5. Pour rejeter comme ne remplissant pas la condition d'utilité prévue à l'article R. 532-1 du code de justice administrative la demande d'expertise présentée par les consortsA..., la cour administrative d'appel a retenu que les requérantes ne faisaient état d'aucun élément de nature à laisser penser que la consolidation de l'état de santé de Lydiane A...serait intervenue à une date telle qu'une demande indemnitaire de leur part ne serait pas prescrite. En se fondant ainsi sur la seule circonstance que l'absence de prescription n'était pas établie pour rejeter la demande d'expertise, alors que la prescription ne pouvait, à l'inverse, justifier un tel rejet que si elle était établie et alors, au surplus, que l'existence d'une consolidation et la date de celle-ci étaient au nombre des points sur lesquels portait la demande d'expertise, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son ordonnance.

6. Il résulte de ce qui précède que les consortsA... sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice et du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins la somme de 1 500 euros chacun à verser aux consortsA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 18MA00316 du 16 avril 2018 de la présidente de la cour administrative de Marseille est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative de Marseille.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nice - hôpital de Cimiez et le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins verseront chacun la somme de 1 500 euros aux consorts A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D...A..., première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants, au centre hospitalier universitaire de Nice - hôpital de Cimiez et au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins.


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420314
Date de la décision : 20/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2019, n° 420314
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : CABINET BRIARD ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420314.20190220
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award