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20/02/2019 | FRANCE | N°406117

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 20 février 2019, 406117


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 24 juin 2016 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, portant extension du cinquième alinéa du 2 de l'article 5 de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement des moyens de l'obtention végétale dans le domaine des céréales à paille pour les campagn

es 2016/2017, 2017/2018 et 2018/2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 24 juin 2016 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, portant extension du cinquième alinéa du 2 de l'article 5 de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement des moyens de l'obtention végétale dans le domaine des céréales à paille pour les campagnes 2016/2017, 2017/2018 et 2018/2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 62-585 du 18 mai 1962 ;

- l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, du ministre de l'outre-mer et du secrétaire d'Etat chargé du budget du 26 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat du groupement national interprofessionnel des semences et plants ;

Considérant ce qui suit :

1. La Confédération paysanne demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 24 juin 2016 portant extension d'un accord interprofessionnel relatif au renforcement des moyens de l'obtention végétale dans le domaine des céréales de paille.

Sur la procédure de consultation :

2. Aux termes de l'article 165 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil : " Dans le cas où les règles (...) d'une organisation interprofessionnelle sont étendues au titre de l'article 164 et lorsque les activités couvertes par ces règles présentent un intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés, l'Etat membre qui a accordé la reconnaissance peut décider, après consultation des acteurs concernés, que les opérateurs économiques individuels ou les groupes d'opérateurs non membres de l'organisation qui bénéficient de ces activités sont redevables à l'organisation de tout ou partie des contributions versées par les membres, dans la mesure où ces dernières sont destinées à couvrir les coûts directement liés à la conduite des actions concernées ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, du ministre de l'outre-mer et du secrétaire d'Etat chargé du budget du 26 février 2015 relatif aux demandes d'extension des accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue pris pour l'application de l'article D. 632-4-4 du code rural et de la pêche maritime : " La consultation des acteurs concernés lors d'une demande d'extension d'un accord en application de l'article 165 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 susvisé est réalisée par une publication pendant trois semaines au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture (BO-agri) d'un avis, auquel est annexé le document mentionné au point 8 de l'article 1 ". Ces dispositions ne prévoient pas que l'accord dont l'extension est envisagée soit soumis à consultation.

3. D'une part, la consultation des acteurs concernés était obligatoire dès lors que le produit des cotisations volontaires obligatoires prévues par l'accord étendu est affecté, pour partie, au Fonds de soutien à l'obtention végétale (FSOV) en vue de financer des programmes collectifs de recherche sur les céréales à paille, lesquels constituent des activités présentant un intérêt économique général au sens de l'article 165 du règlement du 17 décembre 2013. D'autre part, le document auquel fait référence l'article 3 de l'arrêté du 26 février 2015, qui figure en annexe de cet arrêté, est un tableau comportant diverses rubriques détaillant les actions envisagées et leurs modalités de financement, appelées à être complétées à la faveur de la procédure de consultation par les organisations professionnelles concernées. Il ressort des pièces du dossier qu'avant la publication de l'arrêté attaqué, l'administration a publié l'avis mentionné par les dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 26 février 2015. Le tableau joint à cet avis a été complété. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de procédure, tenant au caractère insuffisant de la consultation ayant précédé la publication de l'arrêté, doit être écarté.

Sur la représentativité du GNIS :

4. Aux termes de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 : " 1. Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue, une association d'organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association./ (...) / 3. Une organisation ou association est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d'un État membre, elle représente: a) en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés: i) pour les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, au moins 60 % ; ou ii) dans les autres cas, au moins deux tiers; et b) dans le cas des organisations de producteurs, plus de 50 % des producteurs concernés. Toutefois, lorsque, dans le cas des organisations interprofessionnelles, la détermination de la proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, un État membre peut fixer des règles nationales afin de déterminer le niveau précis de représentativité visé au premier alinéa, point a) ii). ".

5. Les règles nationales mentionnées au point 4 figurent à l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : " Pour l'application de l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil, la représentativité des organisations interprofessionnelles est appréciée en tenant compte de la structuration économique de chaque filière. Les volumes pris en compte sont ceux produits, transformés ou commercialisés par les opérateurs professionnels auxquels sont susceptibles de s'appliquer les obligations prévues par les accords (...). ".

6. L'article 164 du règlement du 17 décembre 2013, dont les dispositions sont directement applicables dans l'ordre juridique interne, dispose que, pour qu'une organisation interprofessionnelle agricole soit considérée comme représentative, elle doit assurer au moins les deux tiers de la production, du commerce ou de la transformation du ou des produits concernés. Dès lors, le moyen tiré de ce que la loi ne fixe pas les seuils à atteindre pour être représentatif manque en fait.

7. Il ressort des éléments, non contestés, produits par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et par le GNIS qu'au cours de la campagne 2014-2015, la production de semences certifiées de céréales à paille s'est élevée à 6,3 millions de quintaux. Si la Confédération paysanne soutient que le GNIS ne regroupe que 70 % des producteurs de ces semences, elle n'apporte pas d'élément contestant sérieusement les indications du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et du GNIS selon lesquelles les adhérents de ce groupement ont produit et commercialisé 5,83 millions de quintaux soit environ 92 % des semences certifiées. La Confédération paysanne n'apporte pas non plus d'élément contestant sérieusement que, comme le soutiennent le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le GNIS, la part des adhérents de ce groupement dans la production de semences de ferme de céréales à paille peut être déduite de leur part dans la production totale de céréales à paille, soit 40 %. Dans ces conditions, si l'on retient le volume de production de semences de ferme de céréales à paille de 4,3 millions de quintaux indiqué par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le GNIS, les adhérents du GNIS doivent être regardés comme produisant 1,72 millions de quintaux de semences de ferme. Dans cette hypothèse, la part des adhérents du GNIS dans la production et la commercialisation des semences de céréales à paille prises dans leur ensemble s'élève donc à environ 71 % (5,83 millions de quintaux de semences certifiées et 1,72 millions de quintaux de semences de ferme, à rapporter à un volume total de semences de céréales à paille de 10,7 millions de quintaux). Si l'on retient les indications de la Confédération paysanne selon lesquelles les semences de ferme représentaient un peu plus de 45 % du total des semences de céréales à paille, il s'en déduit que les semences certifiées, dont il n'est pas contesté que le volume est de 6,3 millions de quintaux, représentaient 55 % de ce total, que ce total peut, par conséquent, être estimé à environ 11,45 millions de quintaux, et que le volume des semences de ferme peut, par suite, être estimé à environ 5,15 millions de quintaux. Dans cette hypothèse, le volume de semences de ferme produit par des adhérents du GNIS peut être estimé à 2,06 millions de quintaux, et la part de ces adhérents dans la production et la commercialisation des semences de céréales à paille prises dans leur ensemble à environ 69 % (5,83 millions de quintaux de semences certifiées et 2,06 millions de quintaux de semences de ferme, à rapporter à un volume total de semences de céréales à paille de 11,45 millions de quintaux).

8. Par ailleurs, dès lors que l'article 2 du décret du 18 mai 1962 relatif au groupement national interprofessionnel des semences, graines et plants (G.N.I.S.) prévoit que ce groupement assure la représentation des diverses professions et catégories professionnelles intéressées par la sélection, la multiplication, la production, le commerce et l'utilisation des graines de semences et de plants, sans la limiter aux semences certifiées, la Confédération paysanne n'est fondée à soutenir ni que le GNIS ne serait représentatif que des producteurs de semences, ni qu'il ne serait pas représentatif des producteurs de semences de ferme.

9. Il résulte de ce qui précède que le GNIS peut être regardé comme représentant au moins les deux tiers des volumes de la production et du commerce des semences de céréales à paille. Il satisfait, à ce titre, à la condition de représentativité posée par l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le respect des critères alternatifs prévus par cet article et par l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime en cas de difficulté pratique pour apprécier le respect de la condition de représentativité énoncée par le règlement.

Sur le principe de liberté d'association :

10. Il est constant que les cotisations volontaires obligatoires n'ont ni pour objet, ni pour effet d'imposer, directement ou indirectement, à quiconque l'adhésion ou le maintien de l'adhésion à une organisation professionnelle. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'association doit être écarté.

Sur le principe de liberté du commerce et de l'industrie :

11. Si la Confédération paysanne soutient que les montants prélevés au titre des cotisations volontaires obligatoires prévues par l'accord faisant l'objet de l'extension sont excessifs au regard des actions mises en oeuvre par le GNIS tant en matière de service public que de missions de promotion de la filière, elle n'apporte pas de précisions suffisantes pour apprécier le bien-fondé de cette argumentation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté.

Sur la méconnaissance de l'article 164, paragraphe 4, du règlement du 17 décembre 2013 :

12. Si la Confédération paysanne soutient que la rémunération des obtenteurs, qui est visée au point 2 de l'article 5 de l'accord faisant l'objet de l'extension, ne fait pas partie des règles susceptibles d'être étendues en vertu du paragraphe 4 de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013, il ressort du l) de ce paragraphe que les règles dont l'extension à d'autres opérateurs peut être demandée portent, notamment, sur " [l']utilisation des semences certifiées ". Or, il ressort de l'article 14 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales que la rémunération des obtenteurs constitue l'un des aspects déterminants des règles régissant l'utilisation de semences certifiées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 4 de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le GNIS, que la Confédération paysanne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la Confédération paysanne soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Confédération paysanne le versement au GNIS de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1 : La requête de la Confédération paysanne est rejetée.

Article 2 : La Confédération paysanne versera au GNIS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'économie et des finances et au groupement national interprofessionnel des semences et plants.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 406117
Date de la décision : 20/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2019, n° 406117
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:406117.20190220
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