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07/02/2019 | FRANCE | N°426953

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 février 2019, 426953


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. CN...BU..., FI...CB..., AS...AX..., CI...U..., EL...FJ..., Mme F...AY..., M. M...CD..., Mme DU...CE..., M. I...-FL...CF..., Mme EH...S..., MM. EU...EE..., EX...W..., EC...DG..., FK..., I...-FN...BD..., BN...CG..., AT...BE..., BS...CH..., Mme M..C...J..., M. EK...DH..., Mme DT...DH..., M. DD...EJ..., Mme ET..., M. EF...BH..., Mme CY...BH...FO..., MM. F...DI..., DB...DJ..., Mmes J... BC..., BJ...BI..., ED...EV..., MM. A...X..., Q...CL..., Mmes J...DK..., DO...Y

..., MM. DD...CM..., CR...DL..., Mme K...E...DM..., MM. E...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. CN...BU..., FI...CB..., AS...AX..., CI...U..., EL...FJ..., Mme F...AY..., M. M...CD..., Mme DU...CE..., M. I...-FL...CF..., Mme EH...S..., MM. EU...EE..., EX...W..., EC...DG..., FK..., I...-FN...BD..., BN...CG..., AT...BE..., BS...CH..., Mme M..C...J..., M. EK...DH..., Mme DT...DH..., M. DD...EJ..., Mme ET..., M. EF...BH..., Mme CY...BH...FO..., MM. F...DI..., DB...DJ..., Mmes J... BC..., BJ...BI..., ED...EV..., MM. A...X..., Q...CL..., Mmes J...DK..., DO...Y..., MM. DD...CM..., CR...DL..., Mme K...E...DM..., MM. ES...AZ..., BZ...BL..., BM...CO..., AG...H..., DN...CP..., BX...AA..., EW...DQ..., FL...FP..., CA...DR..., T...AC..., CS...DS..., CW...AD..., DF...AE..., EK...EZ..., Mme C...EN..., MM. DE...EM..., CC...DV..., BT...AI..., Mme F...BP..., MM. AH...AJ..., Z...BQ..., AU...AK..., R...BR..., FR...L..., Mme P...L..., MM. I...-CQ... L...A..., CZ...LeFQ..., Mme F...AL..., MM. BK...AM..., BW...CT..., BA...K..., J...DX..., Mmes E...AN..., G...L..., M. I...AO..., Mme CK...CV..., FT... FU..., FV... FW..., FX...CX..., M. F...CX..., Mmes BY...DY..., BF...AP..., M. DP...DA..., FY... FZ..., GA... GB..., G... GI..., GC... GD..., E... GJ..., GE... GF..., GG... GH..., H...AQ..., Mmes E...AQ..., EY...O..., MM. EQ...AR..., EG...B..., BB...DC..., AF...P..., CQ...C..., BO...D..., BG...DZ..., I...-BX...EA..., FD...EB..., M. ER...N..., Mme CU...EI..., M. AW...AV..., et Mme BV...FH...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la circulaire DAFC1 n° 2018-0058 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 3 juillet 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- leur recours est recevable en ce que la circulaire attaquée leur fait grief, dès lors qu'elle présente un caractère impératif ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la circulaire, d'une part, emporte des conséquences pécuniaires sur le traitement des fonctionnaires et, d'autre part, est susceptible d'entrainer une grave pénurie de professeurs à Mayotte ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire contestée ;
- la circulaire est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle agrège deux régimes juridiques distincts, ce qui a pour effet de faire perdre aux personnes concernées le bénéfice d'indemnités qui leur étaient dues dans leur intégralité ;
- elle a pour effet de créer une rupture d'égalité entre les enseignants à Mayotte ayant pris leur poste en 2011 et ceux l'ayant pris en 2012 ou en 2013 ;
- elle a été prise en méconnaissance des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des actes réglementaires ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient, d'une part, que la requête est irrecevable, d'autre part, que la condition d'urgence n'est pas remplie et, enfin, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 96-1027 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'État et de certains magistrats dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique ;
- le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 portant application de l'indemnité de sujétion géographique aux fonctionnaires de l'Etat titulaires et stagiaires et aux magistrats affectés à Mayotte ;
- le décret n° 2014-729 du 27 juin 2014 portant application à Mayotte des dispositions relatives aux congés bonifiés pour les magistrats et fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.

Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, les requérants et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 février 2019 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Le Guerer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. BU...et des autres requérants ;

- les représentants de M. BU...et des autres requérants ;

- les représentants du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

2. Le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 prévoyait notamment le versement d'une " indemnité d'éloignement " aux fonctionnaires de l'Etat affectés à Mayotte et n'y ayant pas le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Cette indemnité était versée en fractions annuelles pendant leur durée d'affection, alors limitée à deux ans renouvelables une fois. Le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 a rendu applicable à ces fonctionnaires le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 créant une " indemnité de sujétion géographique " et en conséquence supprimé le bénéfice de l'indemnité d'éloignement pour ces fonctionnaires à compter du 1er janvier 2017. Il a prévu le versement en quatre fractions annuelles de cette indemnité. Par son article 8, il a organisé un dispositif transitoire destiné à régir, avant cette date, le régime indemnitaire des fonctionnaires affectés à Mayotte en tenant compte de la suppression, à compter du 30 juin 2014, de la limite de deux ans d'affection de ces agents. Ainsi, le II de son article 8 traite la situation des agents affectés à Mayotte entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2016 en prévoyant quatre versements annuels au titre de l'indemnité d'éloignement, dont il fixe des montants dégressifs. Le III du même article traite la situation des agents affectés à Mayotte avant 1er janvier 2014, qui conservent le bénéfice de l'indemnité d'éloignement telle que définie par le décret du 27 novembre 1996 " pour les fractions restant dues et non encore échues ".

3. M. BU...et les autres requérants, enseignants titulaires, affectés à Mayotte depuis 2012 ou 2013 demandent la suspension de l'exécution de la note du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n° 2018-058 du 3 juillet 2018 (DAF C1) relative au droit à l'indemnité d'éloignement dégressive des fonctionnaires affectés à Mayotte. Cette note, adressée aux recteurs, comporte des dispositions relatives au droit à l'indemnité d'éloignement dite " historique ", régie par le décret du 27 novembre 1996 et au droit à l'indemnité d'éloignement dite " dégressive " régie par le II de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013. Les requérants soutiennent que l'interprétation de ces dispositions donnée par cette note, qui revient sur la doctrine appliquée par l'administration depuis 2015, d'une part, les prive d'une partie substantielle des indemnités auxquelles ils avaient droit et, d'autre part, a pour effet d'entrainer le départ de nombreux enseignants qui devraient prochainement demander leur mutation ou la confirmer alors que Mayotte connait déjà de graves difficultés de recrutement dans l'enseignement.

4. Toutefois, les requérants n'apportent pas d'éléments suffisamment circonstanciés et précis à l'appui de leurs allégations, qui seraient de nature à établir que l'exécution de la note litigieuse porterait à leur situation financière une atteinte telle qu'elle bouleverserait leurs conditions d'existence. Ils n'établissent pas plus que la suspension de son exécution aurait pour effet de restaurer au profit des enseignants entrant dans le champ d'application des dispositions transitoires du décret précité du 28 octobre 2013 un régime indemnitaire plus favorable que celui exposé par cette note, de nature à dissuader ceux qui auraient l'intention de demander leur mutation en dehors de Mayotte.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la recevabilité de la requête, ni sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la note contestée, la requête de M. BU...et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. BU...et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. CN...BU..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 426953
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2019, n° 426953
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:426953.20190207
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