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11/10/2018 | FRANCE | N°420148

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 11 octobre 2018, 420148


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de vingt-quatre mois dont six avec sursis. Par une ordonnance n° 1800203 du 11 avril 2018, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 25 av

ril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat,...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de vingt-quatre mois dont six avec sursis. Par une ordonnance n° 1800203 du 11 avril 2018, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 25 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 29 décembre 2017, le ministre de l'intérieur a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis, en raison de plusieurs manquements commis entre le 3 juin 2012 et le 25 août 2016 ; que, par l'ordonnance attaquée du 11 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande de M. B...tendant à ce que l'exécution de cet arrêté soit suspendue sur le fondement de l'article L. 521-1 précité du code de justice administrative ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire " ; que lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date ; qu'il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les manquements retenus à l'encontre de M. B...ont été commis entre le 3 juin 2012 et le 25 août 2016 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai de prescription de ces faits n'a pu courir, au plus tôt, qu'à compter du 22 avril 2016 ; que la procédure disciplinaire qui a débouché sur la décision du 29 décembre 2017 a été engagée moins de trois ans après cette date ; que, dès lors, en jugeant qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de ce que la prescription était acquise pour certains des faits sanctionnés, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant que, pour demander la suspension de la décision qu'il attaque, M. B...soutient qu'elle a été prise en méconnaissance des droits de la défense, du principe qui interdit de sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits et du principe d'impartialité, que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits ou ne sont ni établis ni fautifs et que la sanction prononcée à son encontre revêt un caractère disproportionné ;

7. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que l'une des conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 avril 2018 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 11 oct. 2018, n° 420148
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Leforestier
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 11/10/2018
Date de l'import : 16/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 420148
Numéro NOR : CETATEXT000037489919 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-10-11;420148 ?
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