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13/08/2018 | FRANCE | N°422338

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 août 2018, 422338


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 1er août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du Président de la République du 7 mars 2018 le plaçant à la retraite d'office par mesure disciplinaire ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ce d

écret ;

3°) d'enjoindre à l'administration de le rétablir sans délai, à la date de sa...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 1er août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du Président de la République du 7 mars 2018 le plaçant à la retraite d'office par mesure disciplinaire ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ce décret ;

3°) d'enjoindre à l'administration de le rétablir sans délai, à la date de sa mise à la retraite d'office, dans l'ensemble des fonctions, droit, prérogatives et autres intérêts dont il aurait pu être privé par les effets des décisions en cause, sous astreinte de 400 euros par jour

de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que depuis la décision de mise à la retraite d'office, il n'a reçu aucun traitement ni pension de retraite et qu'ainsi, il se trouve dans une situation d'urgence financière ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées en ce que, d'une part, elles fondent la sanction de mise à la retraite d'office sur des faits insuffisamment précis et circonstanciés et, d'autre part, elles n'expliquent pas en quoi il aurait manqué gravement à son devoir de loyauté ;

- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance du principe d'impartialité et des droits de la défense dès lors que, en premier lieu, l'instruction de la procédure disciplinaire a été conduite à charge par la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et, en second lieu, le délai accordé au requérant pour établir sa défense ne semblait pas raisonnable et proportionné à la sanction prise ;

- elles ont été prises en méconnaissance du principe non bis in idem dès lors que sa mise à la retraite d'office constituait la seconde sanction prononcée à son encontre en raison des faits qui seraient survenus à Bangui, la première sanction, déguisée, étant constituée par son rappel à Paris de Prague en date du 13 décembre 2018 ;

- il n'existe pas de faits permettant de caractériser une faute de nature à justifier une sanction dès lors que, en premier lieu, il n'est pas établi clairement qu'il existerait des irrégularités susceptibles de constituer des manquements, en deuxième lieu, les manquements allégués, à les supposer avérés, ne peuvent lui être imputables, en troisième lieu, il n'est pas démontré qu'il aurait imposé à ses collaborateurs une politique laxiste de délivrance des visas et, en dernier lieu, il ne peut lui être imputé ni comportement abusif envers ses collaborateurs, ni manquement au devoir de loyauté ;

- la sanction retenue est disproportionnée à la gravité des faits dans la mesure où elle lui porte un préjudice excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Il soutient que, d'une part, la condition d'urgence n'est pas remplie et, d'autre part, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part,

M. A...B..., d'autre part, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 août 2018 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- M.B... ;

- les représentants de M.B... ;

- les représentants du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au jeudi 9 août 2018 à 12 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 août 2018, présenté par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, par lequel il persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2018, présenté par M.B..., par lequel il persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 79-433 du 1er juin 1979 relatif au pouvoir des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'Etat à l'étranger ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence justifiant l'intervention de mesures provisoires ordonnées en référé dans l'attente du jugement de la requête au fond. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre.

2. Il ressort de l'instruction que M. A...B...a exercé les

fonctions d'ambassadeur, Haut représentant de la France en République centrafricaine, du

11 décembre 2013 au 5 août 2016. Par décret du 11 août 2016, il a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Prague. Par un décret du 10 février 2017, le Président de la République a mis fin à ses fonctions d'ambassadeur de France en République tchèque.

M. B...a ultérieurement été affecté au centre d'analyse, de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères en qualité de chargé de mission. Par un décret du 7 mars 2018, le Président de la République l'a mis à la retraite d'office par mesure disciplinaire. M. B...a formé un recours gracieux le 19 avril 2018 contre ce décret. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté le 19 juin 2018. M. B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution, d'une part, du décret du 7 mars 2018 et, d'autre part, de la décision de rejet sur son recours gracieux contre le décret précité.

3. Pour caractériser l'urgence qu'il y a à suspendre l'exécution du décret en cause, le requérant se borne à soutenir qu'il porte une atteinte grave et immédiate à sa situation économique et financière. Il fait valoir, d'une part, que ses droits à pension de retraite ne seront ouverts qu'au 1er août 2020 et, d'autre part, que le versement reçu le 26 juillet 2018 au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi courant du 21 avril au 30 juin 2018, n'est pas susceptible de lui garantir une situation financière pérenne. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des précisions apportées lors de l'audience ainsi que des éléments versés ultérieurement au dossier par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, d'une part, qu'un virement de 10 300,68 euros, correspondant au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour la période courant du 21 avril au 30 juin 2018, a été effectué au profit de M. B...en date du 1er août, d'autre part, que M. B...se verra verser par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, jusqu'à l'ouverture de ses droits à pension le 1er août 2020, une allocation de

retour à l'emploi correspondant à une rémunération brute mensuelle variant entre 4 659,00 et

4 814,30 euros. Dans ces conditions, même si le montant de cette allocation est inférieure d'environ 40 % par rapport au traitement qu'il percevait dans les dernières fonctions qui étaient les siennes, le requérant n'apportant aucun élément concret de nature à établir que cette baisse de revenus porterait à sa situation financière une atteinte grave et immédiate au sens de l'article

L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence posée par ces dispositions ne peut être regardée comme remplie.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux, la requête de M. B...doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 422338
Date de la décision : 13/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 aoû. 2018, n° 422338
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:422338.20180813
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