La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2018 | FRANCE | N°415948

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 26 juillet 2018, 415948


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté, d'autre part, d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, à titre principal, de procéder à la reconstitution de sa carrière en tenant compte de cet avantage et de lui verser les sommes correspondantes, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen d

e sa situation. Par une ordonnance n° 1603110 du 26 septembre 2016, l...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté, d'autre part, d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, à titre principal, de procéder à la reconstitution de sa carrière en tenant compte de cet avantage et de lui verser les sommes correspondantes, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation. Par une ordonnance n° 1603110 du 26 septembre 2016, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA04070 du 28 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M.A..., a annulé cette ordonnance pour irrégularité et, avant de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de première instance, ordonné une mesure d'instruction. Par un arrêt rendu sous le même numéro le 26 septembre 2017, elle a annulé la décision du ministre de l'intérieur et enjoint à ce ministre de reconstituer la carrière de M. A... en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à Marseille à compter du 15 mai 2006 et de lui verser les sommes correspondantes dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire en réponse à une mesure d'instruction et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 novembre 2017, 9 février 2018 et 2 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 septembre 2017 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M.A....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., gardien de la paix de la police nationale, affecté à Marseille depuis 2006, a sollicité, le 3 février 2016, le bénéfice des dispositions relatives à l'avantage spécifique d'ancienneté ; que sa demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que, par une ordonnance du 26 septembre 2016, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A...tendant à l'annulation de cette décision ; que, saisie par M. A..., la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 28 avril 2017, annulé cette ordonnance pour irrégularité et procédé avant dire droit à un supplément d'instruction ; que, par une décision du 27 juin 2017, le ministre de l'intérieur a confirmé le rejet de la demande de l'intéressé ; que, par un arrêt du 26 septembre 2017, la cour, statuant par la voie de l'évocation sur la demande de première instance, a annulé la décision attaquée et enjoint au ministre de reconstituer la carrière de M. A...en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à Marseille à compter du 15 mai 2006 ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre :/ 1° En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) " ; que la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001, dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par voie d'exception, constaté l'illégalité par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011 ; qu'un arrêté du 30 décembre 2015 a arrêté une nouvelle liste comprenant soit des circonscriptions de sécurité publique, qui constituent, aux termes de l'article 252-3 du règlement général d'emploi de la police nationale approuvé par l'arrêté du 6 juin 2006, " la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique ", soit, à Paris et dans les départements de la petite couronne, des circonscriptions de sécurité de proximité ; qu'au nombre des circonscriptions mentionnées par cet arrêté figurent l'ensemble des circonscriptions du département des Bouches-du-Rhône, notamment celle de Marseille ;

3. Considérant, d'une part, que l'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 n'implique pas que l'administration serait tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015 ; qu'une telle demande doit être accueillie, sous réserve de l'application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l'Etat, si l'agent était affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions citées au point 2 de la loi du 26 juillet 1991 et du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; que ces dispositions font, par suite, obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...est affecté, depuis le 15 mai 2006, au sein d'une unité cynophile légère, rattachée directement à la direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône ; que pour faire droit à sa demande tendant au versement de l'avantage spécifique d'ancienneté, la cour a retenu que l'intéressé exerçait ses fonctions dans le ressort de la circonscription de sécurité publique de Marseille, qui devait être regardée comme correspondant, dès 2006, à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, n'ayant pas été affecté administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, M. A... ne peut prétendre à l'avantage spécifique d'ancienneté ; que, par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui attribuer cet avantage ; que la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Marseille, y compris les conclusions à fin d'injonction, doit, par suite, être rejetée ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. A... ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par M. A...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 415948
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - INDEMNITÉS ET AVANTAGES DIVERS - AVANTAGE SPÉCIFIQUE D'ANCIENNETÉ EN FAVEUR DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET GENDARMES AFFECTÉS DANS CERTAINS QUARTIERS DIFFICILES (ART - 11 DE LA LOI DU 26 JUILLET 1991 ET ART - 1ER DU DÉCRET DU 21 MARS 1995) - AVANTAGE RÉSERVÉ AUX FONCTIONNAIRES AFFECTÉS ADMINISTRATIVEMENT À UNE CIRCONSCRIPTION DE POLICE OU UNE SUBDIVISION D'UNE TELLE CIRCONSCRIPTION CORRESPONDANT À UN QUARTIER URBAIN OÙ SE POSENT DES PROBLÈMES SOCIAUX ET DE SÉCURITÉ PARTICULIÈREMENT DIFFICILES [RJ1] - CONSÉQUENCE - AGENT AFFECTÉ ADMINISTRATIVEMENT DANS UN SERVICE DÉPENDANT DIRECTEMENT DE LA DDSP - QUEL QUE SOIT LE LIEU OÙ IL EXERCE SES FONCTIONS - EXCLUSION.

36-08-03 Il résulte de l'article 11 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 et de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font par suite obstacle à l'attribution d'un avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.

POLICE - PERSONNELS DE POLICE - AVANTAGE SPÉCIFIQUE D'ANCIENNETÉ EN FAVEUR DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET GENDARMES AFFECTÉS DANS CERTAINS QUARTIERS DIFFICILES (ART - 11 DE LA LOI DU 26 JUILLET 1991 ET ART - 1ER DU DÉCRET DU 21 MARS 1995) - AVANTAGE RÉSERVÉ AUX FONCTIONNAIRES AFFECTÉS ADMINISTRATIVEMENT À UNE CIRCONSCRIPTION DE POLICE OU UNE SUBDIVISION D'UNE TELLE CIRCONSCRIPTION CORRESPONDANT À UN QUARTIER URBAIN OÙ SE POSENT DES PROBLÈMES SOCIAUX ET DE SÉCURITÉ PARTICULIÈREMENT DIFFICILES [RJ1] - CONSÉQUENCE - AGENT AFFECTÉ ADMINISTRATIVEMENT DANS UN SERVICE DÉPENDANT DIRECTEMENT DE LA DDSP - QUEL QUE SOIT LE LIEU OÙ IL EXERCE SES FONCTIONS - EXCLUSION.

49-025 Il résulte de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 et de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font par suite obstacle à l'attribution d'un avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Avis, 18 juillet 2018,,, n° 419074, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 415948
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:415948.20180726
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award