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26/04/2018 | FRANCE | N°407982

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 26 avril 2018, 407982


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 février 2017, le 6 novembre 2017 et le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1716 du 13 décembre 2016 relatif au résumé des caractéristiques du dispositif médical ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle

en interprétation du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive 93/42/CEE du Conseil ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 février 2017, le 6 novembre 2017 et le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1716 du 13 décembre 2016 relatif au résumé des caractéristiques du dispositif médical ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 modifiée relative aux dispositifs médicaux, lu en combinaison avec les articles 34 et 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête jusqu'à la réponse de la Cour à la question ainsi posée ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement 2017/745 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 ;

- la directive 90/385/CEE du Conseil du 20 juin 1990 ;

- la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 ;

- le code de santé publique ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'intervention de l'association Medtech :

1. L'association Medtech justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la légalité du décret attaqué :

2. L'article L. 5211-4-1 du code de santé publique, issu de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dispose que : " Lors de la mise en service sur le territoire national de dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les fabricants ou leurs mandataires transmettent à l'agence un résumé des caractéristiques de leur dispositif. / Le contenu et les modalités de transmission du résumé des caractéristiques du dispositif sont déterminés par un décret en Conseil d'État ". La méconnaissance de cette obligation est punie, en vertu de l'article L. 5461-6-1 du même code, de 150 000 euros d'amende et peut faire l'objet, en vertu de son article L. 5461-9, d'une sanction financière. Pour l'application de ces dispositions, le décret dont le syndicat requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir insère, par son article 1er, l'article R. 5211-66-1 dans le code de la santé publique. Le I de cet article prévoit que les dispositifs médicaux soumis à l'obligation mentionnée ci-dessus sont, hors les dispositifs sur mesure, les dispositifs médicaux implantables et les dispositifs médicaux de classe III, que le résumé des caractéristiques est adressé par voie électronique au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lors de la mise en service du dispositif médical sur le territoire national et que la transmission est effectuée pour chaque dénomination commerciale par les fabricants, leurs mandataires et les distributeurs qui délivrent directement les dispositifs médicaux à l'utilisateur. Le II de cet article détermine les éléments qui doivent figurer dans le résumé des caractéristiques du dispositif médical. L'article 2 du décret prévoit que ses dispositions entrent en vigueur le 1er juillet 2017.

3. Le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, qui, postérieurement à l'édiction du décret attaqué, a remplacé par un seul acte législatif applicable à tous les dispositifs médicaux, autres que les dispositifs de diagnostic in vitro, les deux directives 90/385/CEE et 93/42/CEE régissant jusqu'alors, la première, les dispositifs médicaux implantables actifs et, la seconde, les autres dispositifs médicaux, prévoit, à son article 32, s'agissant des dispositifs implantables et des dispositifs de classe III, la production par leur fabricant d'un résumé des caractéristiques de sécurité et des performances cliniques, fourni à " l'organisme notifié ", c'est-à-dire à l'organisme d'évaluation de la conformité du produit aux exigences générales en matière de sécurité et de performances prévues par ce règlement, et validé par cet organisme, avant d'être mis à la disposition du public dans une base de données européenne. Il ressort des pièces du dossier que le résumé des caractéristiques du dispositif médical instauré par les dispositions nationales mentionnées au point précédent est destiné à permettre que soit transmis à l'ANSM un document correspondant au résumé des caractéristiques de sécurité et des performances cliniques ainsi créé par l'article 32 du règlement (UE) 2017/745, que les directives ne prévoyaient pas.

4. D'une part, l'article 4 de la directive 90/385/CEE et l'article 4 de la directive 93/42/CEE prévoient que les États membres ne font pas obstacle à la mise sur le marché ni à la mise en service, sur leur territoire, des dispositifs portant le marquage CE qu'elles prévoient et qui indique qu'ils ont été soumis à une évaluation de leur conformité, conformément à ces directives. Il ressort clairement de ces dispositions et de l'économie générale des directives que celles-ci visent à assurer une harmonisation complète des dispositions nationales relatives à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs médicaux implantables actifs et des autres dispositifs médicaux, afin de garantir, dans le respect des règles qu'elles fixent, la libre circulation de ces dispositifs. Par suite, un Etat membre ne pouvait, sans méconnaître les objectifs de ces directives, instituer une obligation supplémentaire relative à la mise sur le marché ou à la mise en service de ces dispositifs assortie de sanctions, notamment pénales, en cas de méconnaissance de cette obligation.

5. D'autre part, aucune des dispositions des directives 90/385/CEE et 93/42/CEE ne permettait d'imposer, dans l'attente de l'entrée en application du règlement (UE) 2017/745, la transmission à l'ANSM du document litigieux. En particulier, une telle mesure n'était pas au nombre de celles que permet de prendre l'article 14 ter de la directive 93/42/CEE, relatif aux mesures particulières de veille sanitaire, qui, contrairement à ce que soutient le ministre des solidarités et de la santé, n'a pas pour objet d'autoriser la mise en place de dispositions transitoires en cas de modification des normes applicables, mais seulement de permettre à un Etat membre qui estimerait devoir, pour assurer la protection de la santé et de la sécurité ou pour assurer le respect des impératifs de santé publique, interdire ou soumettre à des exigences particulières la mise sur le marché et la mise en service d'un produit ou d'un groupe de produits donné, de prendre toutes les mesures transitoires nécessaires et justifiées, dans l'attente que la Commission émette son avis sur le caractère justifié des mesures nationales. Au surplus, l'obligation de transmission du résumé des caractéristiques du dispositif, instaurée par les dispositions nationales mentionnées au point 2, qui s'applique à l'ensemble des dispositifs médicaux implantables et des dispositifs médicaux de classe III, hors les dispositifs sur mesure, ne saurait être regardée comme une mesure concernant un produit ou un groupe de produits donné, au sens des dispositions de l'article 14 ter de la directive 93/42/CEE.

6. Il suit de là que les dispositions de l'article L. 5211-4-1 du code de santé publique ne sont pas compatibles avec les objectifs des directives 90/385/CEE et 93/42/CEE.

7. Enfin, le ministre des solidarités et de la santé ne saurait utilement faire valoir que le décret attaqué permettrait d'appliquer par anticipation l'article 32 du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017, qui, ainsi qu'il a été dit, a été adopté postérieurement au décret attaqué et dont, en tout état de cause, les dispositions transitoires, applicables entre son entrée en vigueur le 25 mai 2017 et la date du 26 mai 2020 à compter de laquelle il s'applique dans toutes ses dispositions et abroge les directives 90/385/CEE et 93/42/CEE, permettent seulement, par dérogation à ces directives, la mise sur le marché de dispositifs médicaux conformes au règlement, afin notamment que les opérateurs économiques puissent s'adapter aux modifications introduites par ce texte et n'autorisent pas les Etats membres à déroger à ces directives pour imposer l'application anticipée, sur leur territoire, de dispositions du règlement.

8. Il résulte de ce qui précède que le SNITEM est fondé à soutenir que le résumé des caractéristiques du dispositif, objet du décret litigieux, est dépourvu de base légale et, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander, pour ce motif, l'annulation du décret qu'il attaque.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au SNITEM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'association Medtech, intervenue volontairement au soutien de la requête, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de l'association Medtech est admise.

Article 2 : Le décret n° 2016-1716 du 13 décembre 2016 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera au SNITEM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'association Medtech présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de l'industrie des technologies médicales, à l'association Medtech et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407982
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2018, n° 407982
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407982.20180426
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