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06/04/2018 | FRANCE | N°409569

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 06 avril 2018, 409569


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 409569, par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 5 avril, 25 août et 20 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société TRB Chemedica demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires sociales et de la santé du 24 mars 2017 portant radiation de produits au titre I de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, en tan

t qu'il concerne le dispositif médical Ostenil ;

2°) de mettre à la charge de l...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 409569, par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 5 avril, 25 août et 20 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société TRB Chemedica demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires sociales et de la santé du 24 mars 2017 portant radiation de produits au titre I de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il concerne le dispositif médical Ostenil ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 409980, par une requête, un nouveau mémoire et trois mémoires en réplique, enregistrés les 21 avril, 19 octobre et 16 novembre 2017 et les 18 janvier et 7 mars 2018, la société LCA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Arthrum ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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3° Sous le n° 410244, par une requête et quatre mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai, 20 octobre et 15 novembre 2017 et les 16 janvier et 8 mars 2018, la société Laboratoires Genevrier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Sinovial ;

2°) d'enjoindre aux ministres de l'économie et des finances et des affaires sociales et de la santé de faire publier au Journal officiel l'avis de renouvellement du Sinovial sur la liste prévue à l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale, jusqu'au 1er mars 2018, dans les quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 410249, par une requête et quatre mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai, 20 octobre et 22 novembre 2017 et les 19 janvier et 8 mars 2018, la société Daiichi Sankyo France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Adant ;

2°) d'enjoindre aux ministres de l'économie et des finances et des affaires sociales et de la santé de faire publier au Journal officiel l'avis de renouvellement d'Adant sur la liste prévue à l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale, jusqu'au 1er mars 2018, dans les quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° Sous le n° 410250, par une requête et quatre mémoires en réplique, enregistrés les 2 mai, 20 octobre et 15 novembre 2017 et les 23 janvier et 8 mars 2018, la société Ferrring demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Euflexxa ;

2°) d'enjoindre aux ministres de l'économie et des finances et des affaires sociales et de la santé de faire publier au Journal officiel l'avis de renouvellement d'Euflexxa sur la liste prévue à l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale, jusqu'au 2 février 2018, dans les quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

6° Sous le n° 410799, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mai, 23 août et 23 octobre 2017 et le 18 janvier 2018, la société Bioventus Coöperatief U.A. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Durolane ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

7° Sous le n° 410870, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai, 19 octobre et 16 novembre 2017, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Synvisc-One ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

8° Sous le n° 410914, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai et 7 novembre 2017 et le 13 mars 2018, la société Pierre Fabre Médicament demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne le dispositif médical Structovial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

9° Sous le n° 410935, par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 29 mai, 15 septembre, 13 octobre et 20 octobre 2017 et le 16 janvier 2018, la société Meda Pharma demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 24 mars 2017, en tant qu'il concerne les dispositifs médicaux Go-on ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ;

- la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 ;

- le code de commerce ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2017-84 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société LCA SA , à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Laboratoires Genevrier, de la société Daiichi Sankyo France, de la Société Ferring, à Me Le Prado, avocat de la société Bioventus Coöperatief U.A., à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Sanofi Aventis France et à la SCP Briard, avocat de la société Pierre Fabre Medicament.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 19 mars 2018, présentées pour les sociétés LCA, Laboratoires Genevrier, Daiichi Sankyo France et Ferring ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2018, présentée pour la société TRB Chemedica ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2018, présentée par la société Meda Pharma ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mars 2018, présentée pour la société Pierre Fabre Médicament ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 165-1 du code de sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37. L'inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. (...) ". Aux termes de l'article R. 165-5 du même code : " Peuvent être radiés de la liste prévue à l'article L. 165-1 : / 1° Les produits qui cessent de remplir les critères d'inscription définis aux articles R. 165-1, R. 165-2 et R. 165-6 (...) / La radiation d'un produit ou d'une prestation de la liste des produits ou prestations remboursables est prononcée par le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé de la santé. (...) ". Enfin, l'article R. 165-6 de ce code dispose que : " L'inscription ne peut être renouvelée, après avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, que si le produit ou la prestation apporte un service rendu suffisant pour justifier le maintien de son remboursement (...) ".

2. Par un arrêté du 24 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances et le ministre des affaires sociales et de la santé ont radié de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, au motif qu'elles apportent un service rendu insuffisant, les solutions viscoélastiques d'acide hyaluronique pour injection intra-articulaire, de haut poids moléculaire, qui y étaient inscrites. Par neuf requêtes qu'il y a lieu de joindre, les sociétés TRB Chemedica, LCA, Laboratoires Genevrier, Daiichi Sankyo France, Ferrring, Bioventus Coöperatief U.A., Sanofi Aventis France, Pierre Fabre Médicament et Meda Pharma demandent l'annulation pour excès de pouvoir, chacune en ce qui la concerne, de cet arrêté, en tant qu'il radie les dispositifs médicaux Ostenil, Arthrum, Sinovial, Adant, Euflexxa, Durolane, Synvisc-One, Structovial et Go-on.

Sur l'intervention de la société Laboratoires Expanscience :

3. La société Laboratoires Expanscience, qui fabrique et exploite la spécialité Hyalgan, solution d'acide hyaluronique pour injection intra-articulaire ayant le statut de médicament, justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Ainsi, ses interventions en défense sont recevables.

Sur la régularité de la procédure suivie préalablement à l'adoption de l'arrêté attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale : " I. - La demande de renouvellement de l'inscription d'un produit mentionné à l'article L. 165-1, inscrit sous forme de marque ou de nom commercial, est présentée par le fabricant ou le distributeur au plus tard cent quatre-vingts jours avant l'expiration de la durée d'inscription. (...) II. - Les décisions relatives, d'une part, au renouvellement de l'inscription et, d'autre part, à la fixation du tarif et, le cas échéant, du prix doivent être prises et communiquées avant l'expiration de la durée d'inscription. Elles sont publiées au Journal officiel. / A cette même date, en l'absence de publication de la décision de renouvellement de l'inscription et si le fabricant ou le distributeur a déposé dans le délai mentionné au I un dossier de renouvellement comportant l'ensemble des éléments nécessaires, le renouvellement de l'inscription est accordé tacitement (...) ". Aux termes de l'article R. 165-11-1 du même code : " L'avis rendu par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé en vue d'un renouvellement de l'inscription comporte notamment : / 1° L'appréciation du bien-fondé, au regard du service rendu du produit ou de la prestation, du renouvellement de l'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1. Cette évaluation conduit à considérer le service rendu comme suffisant ou insuffisant pour justifier le renouvellement de l'inscription. (...) ". Aux termes de l'article R. 165-12 du même code : " L'avis rendu par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé est communiqué au fabricant ou au distributeur qui dispose d'un délai de huit jours suivant la réception de cet avis pour demander à être entendu par la commission ou présenter ses observations écrites. / L'avis définitif est communiqué au fabricant ou au distributeur et transmis simultanément aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé et au comité économique des produits de santé. L'avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé est rendu public ". Enfin, aux termes de l'article R. 165-13 du même code : " La Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, à son initiative ou à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, peut réévaluer le service attendu ou rendu des produits ou des prestations inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 (...) ".

5. Il ressort des pièces des dossiers que les produits Ostenil, Arthrum, Sinovial, Adant, Euflexxa, Durolane, Synvisc-One, Structovial et Go-on, commercialisés par les sociétés requérantes, ont été inscrits entre les années 2002 et 2009 sur la liste des produits et prestations remboursables prévue par l'article L. 165-1 du code de sécurité sociale et ont fait l'objet de demandes de premier, deuxième ou troisième renouvellement de cette inscription, en 2012 ou 2013, conformément à l'article R. 165-10 du même code. En vue de l'examen de ces demandes, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, commission de la Haute Autorité de santé, a rendu, en 2013, des avis appréciant le bien-fondé du renouvellement de l'inscription, qu'elle a été conduite à retirer en raison de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvait son président. Reprenant la procédure, elle a rendu, en 2015, de nouveaux avis, concluant, pour tous les produits considérés, à un service rendu insuffisant pour justifier le renouvellement de l'inscription. Conformément à l'article R. 165-12 du même code, elle a communiqué ces avis aux sociétés requérantes, les a entendues à leur demande, puis leur a communiqué des avis définitifs, confirmant le caractère insuffisant du service rendu par ces produits. Au vu de ces avis, les ministres compétents ont choisi d'engager la procédure de radiation de la liste des produits et prestations remboursables et en ont informé les sociétés requérantes, conformément aux dispositions de l'article R. 165-5 du même code.

En ce qui concerne la procédure d'évaluation du service rendu par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé :

6. En premier lieu, la circonstance que, lors d'un avis rendu en 2008, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé ait, ainsi qu'elle l'a fait pour Synvisc-One, recommandé une inscription pour une durée de cinq ans, tout en précisant qu'elle se réservait la possibilité de réévaluer le produit en 2009 ou 2010 " lors de la révision de l'ensemble des acides hyaluroniques inscrits " sur la liste des produits et prestations remboursables, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle procède à une telle réévaluation plus tardivement, ainsi que le lui permet l'article R. 165-13 du même code, à son initiative ou à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.

7. En deuxième lieu, les sociétés requérantes font valoir que, ainsi qu'il ressort des mentions des avis qu'elle a rendus en 2015, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé s'est prononcée dans la perspective d'un renouvellement de l'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables, alors que la plupart des produits considérés, pour lesquels la demande de renouvellement avait été présentée par le fabricant ou le distributeur au plus tard cent quatre-vingts jours avant l'expiration de la durée d'inscription, avaient déjà fait l'objet d'un renouvellement tacite en vertu du II de l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale. Toutefois, il résulte des dispositions des articles R. 165-5 et R. 165-6 de ce code que tant la radiation de la liste que le refus de renouvellement d'inscription peuvent être motivés par l'insuffisance du service rendu par le produit, lequel est évalué par la commission selon les mêmes critères précisés à l'article R. 165-2, après examen des études et données mentionnées à l'article R. 165-6. Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 165-12, qui prévoient la communication des avis de la commission aux fabricants ou distributeurs et leur ouvrent la possibilité de demander à être entendus ou à présenter des observations écrites, s'appliquent de la même façon, que l'avis soit rendu par la commission à son initiative ou à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé ou bien en vue d'un renouvellement d'inscription. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la commission se serait crue tenue de se prononcer dans des délais contraints, faisant notamment obstacle à ce qu'elle puisse mettre à profit la faculté, ouverte par les dispositions introduites à l'article L. 161-41 du code de la sécurité sociale par l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à la Haute Autorité de santé, d'adopter avec la commission de transparence de cette même Haute Autorité une délibération conjointe portant sur l'évaluation de l'ensemble des solutions viscoélastiques d'acide hyaluronique pour injection intra-articulaire, qu'elles aient le statut de dispositif médical ou de médicament. Il suit de là que la circonstance que la commission ait cru devoir se prononcer au titre de l'article R. 165-11 du code de la sécurité sociale et non au titre de son article R. 165-13 est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

8. En troisième lieu, en vertu du I de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, les membres des commissions de la Haute Autorité de santé " sont tenus, lors de leur prise de fonctions, d'établir une déclaration d'intérêts " qui " mentionne les liens d'intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence (...) de l'organe consultatif dont il est membre ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs " et " ne peuvent, sous les peines prévues à l'article 432-12 du code pénal, prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes de ces instances si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l'affaire examinée ". En vertu de l'article R. 161-85 du code de la sécurité sociale, ces mêmes personnes " ne peuvent, sous les peines prévues à l'article 432-12 du code pénal, traiter une question dans laquelle elles auraient un intérêt direct ou indirect ".

9. D'une part, M. F...D...a été nommé président de la commission d'évaluation des produits et prestations par décision du collège de la Haute Autorité de santé du 16 janvier 2008 et présidait ainsi cette commission lorsqu'elle a vérifié, en 2008, 2009 ou 2010 selon les produits, l'adéquation du protocole de l'étude clinique portant sur l'efficacité de chacun d'eux demandée par la commission aux objectifs qu'elle avait fixées, puis lorsque, en 2009 ou 2010, elle s'est prononcée sur le renouvellement de leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables. Si la situation de conflit d'intérêts dans laquelle il se trouvait a conduit la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, substituée à la commission d'évaluation des produits et prestations, à retirer ses avis des 23 juillet et 19 novembre 2013 portant sur des demandes ultérieures de renouvellement de l'inscription de ces produits et à se prononcer de nouveau, hors sa présence, sur ces demandes, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu que les positions prises en 2008, 2009 ou 2010, qui validaient le protocole de l'étude clinique demandée et proposaient le renouvellement d'inscription pour deux ans, aient été défavorables aux sociétés requérantes. Elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant eu une incidence sur la procédure à l'issue de laquelle la commission a rendu ses avis en 2015. Par ailleurs, la circonstance que la plupart des membres qui ont siégé en 2015 au sein de la commission, lorsqu'elle s'est de nouveau prononcée sur l'évaluation du service rendu par ces produits, avaient participé aux délibérations de 2013 n'était pas de nature à affecter leur impartialité.

10. D'autre part, la société LCA met en cause la participation de cinq membres de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé aux réunions des 27 janvier et 7 avril 2015 au cours desquelles elle a rendu ses avis sur le service rendu par le produit Arthrum. Il ressort des pièces du dossier que trois membres sont intervenus au cours de congrès ou de conférences, dans certains cas en étant rémunérés, sur des thèmes sans rapport avec ces produits, à l'invitation de laboratoires commercialisant des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des inhibiteurs de pompes à protons dont la prescription est parfois associée à celle de ces anti-inflammatoires, alors que les dispositifs médicaux en litige sont indiqués, en seconde intention, dans le traitement de la gonarthrose, après échec des antalgiques et échec ou intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. De tels liens, eu égard notamment à la diversité des indications de ces dernières spécialités, au nombre très élevé de laboratoires qui les commercialisent et aux thèmes des interventions en cause, sont trop indirects pour que ces trois membres de la commission puissent être regardés comme ayant eu un intérêt à l'affaire examinée. Par ailleurs, un autre membre de la commission a été investigateur principal non rémunéré, de 2004 à 2010, pour une spécialité indiquée dans le traitement des vertiges commercialisée par un laboratoire qui exploite un anti-inflammatoire non stéroïdien et un autre acide hyaluronique pour injection intra-articulaire, dont le service rendu a également été jugé insuffisant par la commission. Eu égard à la nature de la spécialité considérée et à la relative ancienneté de l'étude, ce lien ne suffit pas à caractériser un intérêt à l'affaire examinée. Enfin, l'allégation de situation de conflit d'intérêts dans laquelle se serait trouvé un cinquième membre de la commission, en raison de la présidence de l'association française pour l'appareillage, n'est pas assortie de précisions suffisantes.

En ce qui concerne la procédure contradictoire préalable à la radiation :

11. En premier lieu, aux termes des septième et huitième alinéas de l'article R. 165-5 du code de la sécurité sociale : " (...) Les ministres informent le fabricant ou le distributeur du projet de radiation. (...) / Le fabricant ou le distributeur peut présenter des observations écrites, dans le délai de trente jours suivant la réception ou la publication de l'information, ou demander dans le même délai à être entendu par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé ". Contrairement à ce qui est soutenu, le pouvoir réglementaire a prévu, par ces dispositions, que le fabricant ou le distributeur est mis à même de présenter utilement ses observations sur le projet de radiation d'un dispositif médical de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du même code. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce qu'elles ne garantiraient pas une procédure contradictoire doit, en tout état de cause, être écarté.

12. En deuxième lieu, il appartient aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, lorsqu'ils procèdent à la radiation d'un produit de la liste des produits et prestations remboursables, de prendre en considération, notamment, l'ensemble des données disponibles sur le produit que son fabricant ou son distributeur porte à sa connaissance. Par suite, quels que soient sur ce point les termes de son règlement intérieur, il incombe à la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, chargée d'entendre à sa demande le fabricant ou le distributeur informé par les ministres du projet de radiation et de rendre un avis destiné à éclairer les ministres sur la pertinence des objections soulevées par ce projet, de prendre connaissance de l'ensemble des nouvelles données disponibles sur le produit que le fabricant ou distributeur souhaite lui soumettre.

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Pierre Fabre Médicament a pu, au cours de son audition par la commission, faire état de tous éléments utiles, notamment de nouvelles méta-analyses et d'autres travaux publiés en 2015 et 2016, dont la commission a débattu .

14. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commission n'a pas pris en considération les deux nouvelles études médico-économiques, produites par la société LCA à l'appui de ses observations. Elle a ainsi commis une irrégularité. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'absence de prise en considération de ces deux études, qui n'a pas privé la société LCA d'une garantie, n'était pas susceptible d'exercer une influence sur l'appréciation du service rendu par le produit Arthrum ni, par suite, sur le sens de la décision prise.

15. En troisième lieu, ni l'article R. 165-12 du même code, qui prévoit la communication de l'avis rendu par la commission en cas de réévaluation du service rendu par un produit, soit en vue d'un renouvellement d'inscription soit à son initiative ou à la demande des ministres compétents, ni aucun principe n'imposent la communication au fabricant ou au distributeur de l'avis que la commission rend après l'avoir entendu. Il appartient seulement à la commission, si elle entend prendre en considération d'autres éléments que ceux dont le fabricant ou le distributeur a déjà eu connaissance ou dont il demande lui-même la prise en compte, de mettre celui-ci à même d'en discuter la teneur. Par suite, la société LCA n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière faute pour la commission de lui avoir communiqué l'avis qu'elle a émis le 22 novembre 2016.

16. En dernier lieu, la société LCA met en cause la participation de deux membres de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé à la réunion du 8 novembre 2016 au cours de laquelle ses observations ont été examinées, à la suite de la communication du projet de radiation du produit de la liste des produits et prestations remboursables, pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles elle critique leur participation aux réunions des 27 janvier et 7 avril 2015. Ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés au point 10.

Sur la compétence des signataires de l'arrêté attaqué :

17. D'une part, il résulte du 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que les chefs de service, directeurs adjoints et sous-directeurs peuvent signer, au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires placées sous leur autorité. Il en résulte que M. B...C..., reconduit à compter du 30 août 2016 dans les fonctions de sous-directeur du financement du système de soins à la direction de la sécurité sociale à l'administration centrale du ministère des finances et des comptes publics et du ministère des affaires sociales et de la santé, était habilité à signer l'arrêté attaqué aux noms du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'économie et des finances, en leur qualité de ministres chargés de la sécurité sociale. D'autre part, il résulte du 1° de l'article 2 de l'arrêté du 13 mars 2017 portant délégation de signature, pris sur le fondement de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 et publié au Journal officiel de la République française le 15 mars 2017, que Mme A...E..., adjointe à la sous-directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins à la direction générale de la santé à l'administration centrale du ministère des affaires sociales et de la santé, était habilitée à signer l'arrêté attaqué au nom du ministre des affaires sociales et de la santé, en sa qualité de ministre chargé de la santé. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la motivation de l'arrêté attaqué :

18. Aux termes de l'article R. 165-16 du code de la sécurité sociale : " Les décisions portant refus d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1, refus de renouvellement d'inscription, radiation de la liste ou refus de modification de l'inscription, du tarif ou du prix doivent, dans la notification au fabricant ou distributeur, être motivées et mentionner les voies et délais de recours qui leur sont applicables ".

19. L'arrêté attaqué, qui vise les dispositions du code de la sécurité sociale dont il fait application, se fonde sur l'insuffisance du service rendu par les produits commercialisés par les sociétés requérantes, en se référant aux avis rendus par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé les 7 avril 2015, 21 avril 2015, 5 mai 2015, 2 juin 2015, 16 juin 2015 et 30 juin 2015, dont les sociétés requérantes avaient eu précédemment communication et qui avaient été confirmés par ceux des 22 novembre 2016, 6 décembre 2016, 20 décembre 2016 et 10 janvier 2017. Il ressort des pièces des dossiers que, dans ses avis émis en avril, mai et juin 2015, la commission conclut à l'insuffisance du service rendu par les produits en cause, après avoir examiné les études précédemment demandées et les nouvelles données disponibles et apprécié l'intérêt des produits au regard des éléments précisés à l'article R. 165-2, en analysant notamment l'avis du 19 novembre 2014 par lequel la Commission de la transparence a jugé faible le service médical rendu par le médicament Hyalgan. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la commission pouvait, dans ses avis émis entre novembre 2016 et janvier 2017 à la suite de l'audition ou des observations des sociétés requérantes informées du projet de radiation, se borner à renvoyer à ses précédents avis, en indiquant que les éléments présentés lors des auditions n'étaient pas de nature à modifier son appréciation, sans qu'il en résulte une méconnaissance de l'article R. 165-16 du code de la sécurité sociale, et les ministres n'étaient pas tenus de préciser les motifs pour lesquels la spécialité Hyalgan n'était pas simultanément radiée de la liste des médicaments remboursables. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu la règle de motivation posée par l'article R. 165-16.

Sur l'erreur de droit :

20. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que les ministres compétents, d'une part, se seraient crus liés par la teneur des avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé et auraient ainsi renoncé à leur pouvoir d'appréciation ni, d'autre part, qu'ils se seraient prononcés sans prendre en considération l'ensemble des éléments, y compris postérieurs à l'appréciation par cette commission du service rendu par les produits en cause, portés à leur connaissance par les sociétés requérantes, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable. Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils auraient, ce faisant, commis une erreur de droit doit être écarté.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation :

21. L'article R. 165-5 du code de la sécurité sociale prévoit que peuvent être radiés de la liste des produits et prestations remboursables les produits qui cessent de remplir les critères d'inscription définis aux articles R. 165-1, R. 165-2 et R. 165-6 du même code. Aux termes de l'article R. 165-2 : " (...) Le service attendu est évalué, dans chacune des indications du produit ou de la prestation et, le cas échéant, par groupe de population en fonction des deux critères suivants : / 1° L'intérêt du produit ou de la prestation au regard, d'une part, de son effet thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap ainsi que des effets indésirables ou des risques liés à son utilisation, d'autre part, de sa place dans la stratégie thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap compte tenu des autres thérapies ou moyens de diagnostic ou de compensation disponibles ; / 2° Son intérêt de santé publique attendu, dont notamment son impact sur la santé de la population, en termes de mortalité, de morbidité et de qualité de vie, sa capacité à répondre à un besoin thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap non couvert, eu égard à la gravité de la pathologie ou du handicap, son impact sur le système de soins et son impact sur les politiques et programmes de santé publique. (...) ". Aux termes de l'article R. 165-6 : " L'inscription ne peut être renouvelée, après avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, que si le produit ou la prestation apporte un service rendu suffisant pour justifier le maintien de son remboursement. Le service rendu est déterminé par la réévaluation des critères ayant conduit à l'appréciation du service attendu après examen des études demandées le cas échéant lors de l'inscription ainsi que des nouvelles données disponibles sur le produit ou la prestation et l'affection traitée, diagnostiquée ou compensée, des autres produits et prestations inscrits sur la liste et des autres thérapies ou moyens disponibles. (...) ".

22. Il ressort des pièces des dossiers que, pour estimer, dans les avis qu'elle a rendus en 2015, que les produits commercialisés par les sociétés requérantes rendaient un service insuffisant pour justifier leur maintien sur la liste des produits et prestations remboursables, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a, d'une part, examiné les différentes évaluations technologiques et recommandations professionnelles intervenues entre 2012 et 2014, plus nuancées que les précédentes sur l'intérêt des acides hyaluroniques dans la prise en charge de la gonarthrose, et, selon les cas, des sept ou huit méta-analyses les plus récentes disponibles à la date de ses avis, réalisées entre 2009 et 2015, dont la majorité font ressortir un effet symptomatique faible des injections d'acide hyaluronique sur la douleur et la gêne fonctionnelle.

23. La commission a, d'autre part, examiné les études propres à chacun des produits en cause. A ce titre, s'agissant de Synvisc-One, elle a jugé l'étude réalisée contre placebo peu pertinente sur le plan clinique. S'agissant des produits Ostenil, Arthrum, Sinovial et Go-On, elle a estimé que les études de non-infériorité les comparant à la spécialité Hyalgan ou au dispositif Synvisc ne permettaient pas d'en confirmer l'intérêt thérapeutique, au motif notamment que la validité interne n'en était pas assurée par la présence d'un " bras placebo ". Si elle avait, en 2006, subordonné le renouvellement de l'inscription de ces produits à un essai clinique randomisé contre placebo ou, à défaut, contre un acide hyaluronique de référence ayant fait la preuve de son efficacité par une étude contre placebo, elle a, par l'appréciation ainsi portée sur les études de non-infériorité, tiré les conséquences, sans qu'il en résulte une méconnaissance du principe de sécurité juridique ou, en tout état de cause, du principe de confiance légitime, du caractère insuffisamment probant de l'étude relative à Synvisc-One et de l'appréciation portée par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, dans un avis du 19 novembre 2014, à propos de Hyalgan, qui estimait qu'il n'avait pas démontré sa supériorité contre placebo. Elle s'est également fondée, s'agissant d'Ostenil, Sinovial et Go-On, sur l'impossibilité d'individualiser l'effet propre du produit en raison des traitements concomitants susceptibles d'avoir un impact sur la douleur. S'agissant de Durolane, pour lequel la société Bioventus Coöperatief n'avait pas présenté les données de l'étude le comparant à Synvisc-One en raison de limites méthodologiques, l'étude menée contre placebo n'a pas permis, à ce stade, de démontrer sa supériorité.

24. Au vu de l'ensemble de ces éléments ainsi que, s'agissant d'Arthrum, des études médico-économiques produites par la société requérante et, s'agissant de Structovial, des nouveaux travaux publiés, et alors même que ce service avait été antérieurement jugé suffisant, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que le service rendu par ces produits, indiqués dans le traitement symptomatique de la gonarthrose et utilisés en injections intra-articulaires, était, eu égard à la faiblesse de leur effet, insuffisant pour justifier le maintien de leur remboursement par l'assurance maladie, en dépit des conséquences de l'arthrose pour les personnes qui en sont atteintes et alors même que la reconnaissance à la spécialité Hyalgan d'un service médical rendu faible permettait de le maintenir sur la liste des médicaments remboursables.

25. Dès lors que l'arrêté attaqué est justifié par l'insuffisance du service rendu par les produits considérés, la circonstance, qui au demeurant n'est pas établie par les pièces des dossiers, que les radiations qu'il prononce conduiraient à une augmentation des dépenses à la charge de l'assurance maladie est sans incidence sur sa légalité.

Sur la violation du droit de l'Union européenne, du principe d'égalité et des règles de concurrence :

26. Aux termes de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, pris notamment pour la transposition de l'article 1er de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain : " On entend par médicament (...) toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. / (...) Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code, pris pour la transposition de l'article 1er de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux : " On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, (...) destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. (...) ". L'article R. 5211-3 du même code, reprenant le point 5 de l'article 1er de la directive 93/42/CEE, précise que les dispositions relatives aux dispositifs médicaux ne s'appliquent pas aux " produits qui, compte tenu de leur mode d'action principal, sont considérés comme des médicaments ".

27. Par son arrêt du 3 octobre 2013, Laboratoires Lyocentre, C-109/12, la Cour de justice de l'Union européenne, après avoir rappelé sa jurisprudence selon laquelle, afin de déterminer si un produit relève de la définition du médicament par fonction au sens de la directive 2001/83, les autorités nationales doivent se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment, sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation, a dit pour droit qu'au sein d'un même Etat membre, un produit qui, bien que n'étant pas identique à un autre produit classé en tant que médicament, possède cependant en commun un même composant et exerce le même mode d'action que celui-ci, ne saurait, en principe, être commercialisé en tant que dispositif médical au titre de la directive 93/42, à moins qu'une autre caractéristique propre à un tel produit, pertinente au regard de l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de cette directive, n'exige qu'il soit qualifié et commercialisé en tant que dispositif médical.

28. Il ressort des pièces des dossiers que les solutions d'acide hyaluronique commercialisées par les sociétés requérantes partagent avec le médicament Hyalgan 20 mg / 2 ml solution pour injection le même composant d'acide hyaluronique et que leur indication est celle au titre de laquelle Hyalgan est inscrit sur la liste des médicaments remboursables. Il ressort également des pièces des dossiers que la spécialité Hyalgan a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 8 octobre 1992, renouvelée le 16 février 1996, sur la base de propriétés tenant non seulement à la " normalisation de la visco-élasticité du liquide synovial " mais également à " une activation du processus de réparation tissulaire au niveau du cartilage articulaire ", laquelle est obtenue par des moyens pharmacologiques. Les produits concernés par l'arrêté attaqué ont, pour leur part, bénéficié du marquage CE en tant que dispositifs médicaux, en revendiquant une action essentiellement mécanique, par l'apport externe de molécules d'acide hyaluronique au liquide synovial pour en rétablir l'élasticité et la viscosité, mais en mentionnant également dans leur demande de renouvellement d'inscription, pour la plupart d'entre eux, la possibilité d'une action de stimulation de la production endogène d'acide hyaluronique et d'une action anti-inflammatoire, de nature pharmacologique.

29. Or il résulte des dispositions des articles R. 160-5 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale et de la décision du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie prise sur le fondement du premier de ces articles que le taux de remboursement d'un médicament peut être de 65, 30 ou 15 % selon que son service médical rendu est jugé soit majeur ou important, soit modéré, soit faible, tandis que, s'agissant des dispositifs médicaux, il résulte du 8° de l'article R. 160-5, des articles R. 160-2 et R. 160-6 du même code et de la décision du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie prise sur le fondement de l'article R. 160-5 qu'ils sont remboursés, au taux de 60 %, si leur service attendu ou rendu est suffisant et ne font l'objet d'aucun remboursement dans le cas contraire. En l'espèce, le taux de remboursement de la spécialité Hyalgan, dont le service médical rendu a été jugé faible par la commission de la transparence dans un avis du 19 novembre 2014, a été fixé à 15 % par une décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 7 septembre 2016. Les sociétés requérantes en déduisent que, dans ces conditions, les dispositifs médicaux qu'elles commercialisent ne pouvaient être radiés de la liste des produits et prestations remboursables.

30. En premier lieu, la circonstance que l'administration aurait laissé subsister l'autorisation de mise sur le marché accordée à un produit qui aurait été qualifié à tort de médicament au regard de la directive 2001/83/CE et des textes pris pour sa transposition est, en elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision relative au remboursement par l'assurance maladie des produits en cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de ces directives et de l'atteinte " aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne " est inopérant.

31. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que, du fait de son remboursement par l'assurance maladie, la spécialité Hyalgan bénéficierait d'une aide d'Etat, incompatible avec le marché intérieur et non notifiée à la Commission, serait, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

32. En dernier lieu, les dispositifs médicaux radiés de la liste des produits et prestations remboursables par l'arrêté attaqué ont obtenu le marquage CE permettant leur mise sur le marché, ainsi que le prévoit l'article R. 5211-12 du code de la santé publique, postérieurement à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Hyalgan. Si, ainsi que les sociétés requérantes l'affirment, ces solutions possèdent les mêmes propriétés que Hyalgan, il leur était loisible de demander une autorisation de mise sur le marché et, le cas échéant, de contester les décisions prises à la suite de cette demande en se prévalant, notamment, de la méconnaissance du principe d'égalité et des règles de concurrence. En revanche, elles ne sauraient, eu égard aux régimes différents dont relèvent, ainsi qu'il a été dit au point 29, les dispositifs médicaux qu'elles commercialisent et le médicament Hyalgan, utilement se prévaloir d'une telle méconnaissance, par l'argumentation rappelée au point 29, pour contester la radiation prononcée par l'arrêté attaqué.

33. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés TRB Chemedica, LCA, Laboratoires Genevrier, Daiichi Sankyo France, Ferring, Bioventus Coöperatief U.A., Sanofi Aventis France, Pierre Fabre médicament et Meda Pharma ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les autres conclusions des requêtes :

34. Il résulte de ce qui précède que les conclusions des sociétés requérantes aux fins d'injonction et celles qu'elles présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de la société Laboratoires Expanscience sont admises.

Article 2 : Les requêtes des sociétés TRB Chemedica, LCA, Laboratoires Genevrier, Daiichi Sankyo France, Ferring, Bioventus Coöperatief U.A., Sanofi Aventis France, Pierre Fabre médicament et Meda Pharma sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés TRB Chemedica, LCA, Laboratoires Genevrier, Daiichi Sankyo France, Ferring, Bioventus Coöperatief U.A., Sanofi Aventis France, Pierre Fabre Médicament, Meda Pharma et Laboratoires Expanscience et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409569
Date de la décision : 06/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-05 SANTÉ PUBLIQUE. PHARMACIE. PRODUITS PHARMACEUTIQUES. DISPOSITIFS MÉDICAUX. - DISPOSITIFS MÉDICAUX RADIÉS DE LA LISTE DES PRODUITS ET PRESTATIONS REMBOURSABLES ET DONT LES SOCIÉTÉS FABRICANTES SOUTIENNENT QU'ILS ONT LES MÊMES PROPRIÉTÉS QU'UN MÉDICAMENT BÉNÉFICIANT D'UNE AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ (AMM) ET REMBOURSÉ À 15% - OPÉRANCE D'UN MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ ET DES RÈGLES DE CONCURRENCE - EXISTENCE À L'ENCONTRE DES DÉCISIONS PRISES À LA SUITE D'UNE DEMANDE D'AMM - ABSENCE À L'ENCONTRE DE LA DÉCISION DE RADIATION.

61-04-01-05 Dispositifs médicaux radiés de la liste des produits et prestations remboursables.... ,,Si ces dispositifs médicaux possèdent les mêmes propriétés qu'un médicament autorisé et remboursé à 15%, il est loisible aux sociétés fabricantes de demander une autorisation de mise sur le marché et, le cas échéant, de contester les décisions prises à la suite de cette demande en se prévalant, notamment, de la méconnaissance du principe d'égalité et des règles de concurrence. En revanche, elles ne sauraient, eu égard aux régimes différents dont relèvent les dispositifs médicaux qu'elles commercialisent et le médicament en cause, utilement se prévaloir d'une telle méconnaissance pour contester la radiation prononcée par l'arrêté attaqué.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2018, n° 409569
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409569.20180406
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