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28/03/2018 | FRANCE | N°418702

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 mars 2018, 418702


Vu la procédure suivante :

M. E...C...et Mme A...D...épouse C...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de mettre en place l'accompagnement de leur enfant SelimC..., en situation de handicap, pour une durée hebdomadaire de douze heures, dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 1800993 du 14 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Vers

ailles a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 1er ma...

Vu la procédure suivante :

M. E...C...et Mme A...D...épouse C...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de mettre en place l'accompagnement de leur enfant SelimC..., en situation de handicap, pour une durée hebdomadaire de douze heures, dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 1800993 du 14 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, la baisse du temps de scolarisation de leur enfant Selim et l'accentuation de ses troubles lui sont préjudiciables et, d'autre part, cette situation nuit au bon fonctionnement de la cellule familiale ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éducation de leur enfant dès lors que le recteur de l'académie de Versailles n'a pas accompli toutes les diligences nécessaires au regard des moyens dont il disposait afin de lui permettre de bénéficier d'un accompagnement adapté à son handicap, en ce que l'administration s'est bornée à accorder une autorisation orale, informelle et approximative de recrutement d'un accompagnant à l'établissement privé sous contrat où leur enfant est scolarisé ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en considérant que l'administration ne pouvait procéder elle-même au recrutement d'un accompagnant.

Le Défenseur des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 5 mars 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au principal du collège Saint-Spire Sénart qui n'a pas produit d'observations.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme C...et le Défenseur des droits, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale et le principal du collège Saint-Spire Sénart ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 mars 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et MmeC... ;

- les représentants de M. et MmeC... ;

- MmeC... ;

- les représentants du Défenseur des droits ;

- les représentants du ministre de l'éducation nationale ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au vendredi 23 mars 2018 à 18 heures ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 mars 2018, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 mars 2018, présenté par M. et Mme C..., qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale, d'exercer sa citoyenneté " ; qu'aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés " ; qu'aux termes de l'article L. 351-3 du même code : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate que la scolarisation d'un enfant dans une classe de l'enseignement public ou d'un établissement mentionné à l'article L. 442-1 du présent code requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1. (...) " ;

3. Considérant que la privation pour un enfant, notamment s'il souffre d'un handicap, de toute possibilité de bénéficier d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d'assurer le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l'intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures ; qu'en outre, le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie tant au regard de l'âge de l'enfant que des diligences accomplies par l'autorité administrative ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...C..., enfant de M. et MmeC..., âgé de quatorze ans et atteint d'un trouble du spectre autistique, est scolarisé depuis la rentrée 2015 au collège Saint-Spire Sénart, établissement privé d'enseignement sous contrat avec l'Etat ; que, par plusieurs décisions successives, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-et-Marne lui a reconnu un droit à bénéficier d'une aide individuelle dans le cadre de sa scolarité à hauteur de douze heures par semaine ; que, par une dernière décision en date du 29 mai 2017, cette commission a renouvelé ce droit pour la période du 1er novembre 2017 au 31 août 2018 ; que cependant, M. B...C...ne bénéfice d'aucun accompagnement depuis le troisième trimestre 2016/2017, malgré les sollicitations de M. et MmeC... ; qu'ils ont en conséquence saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de mettre en place l'accompagnement de leur fils pour une durée hebdomadaire de douze heures, dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir ; que, par une ordonnance n° 1800993 du 14 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ; que M. et Mme C...relèvent appel de cette ordonnance ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 351-3 du code de l'éducation précité, l'accompagnement d'un élève en situation de handicap peut être accompli par un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1 du même code ; que ce recrutement est alors effectué par l'Etat ; que toutefois, l'administration peut également proposer à l'établissement d'enseignement de recruter un accompagnant par le biais d'un contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) financé par l'Etat ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et des échanges au cours de l'audience publique que le rectorat de Versailles n'est pas en mesure de procéder au recrutement d'un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) pour M. B...C..., aucun n'étant disponible dans son ressort ; que si, dans un premier temps, l'administration, au titre des diligences auxquelles elle est tenue, s'est bornée à faire savoir oralement qu'elle autorisait le recrutement d'un accompagnant par un contrat financé par l'Etat, elle a, par un courrier daté du 20 mars 2018, notifié cette décision à la direction du collège Saint-Spire Sénart, le directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne s'engageant à ce que ses services assistent la direction du collège dans ses démarches en vue de recruter une personne dans les meilleurs délais ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'attitude de l'administration serait constitutive d'une carence de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la scolarisation de leur enfant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande qu'ils lui avaient présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E...C...et Mme A...D...épouse C...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au Défenseur des droits et au principal du collège Saint-Spire Sénart.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 mar. 2018, n° 418702
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 28/03/2018
Date de l'import : 10/04/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 418702
Numéro NOR : CETATEXT000036765344 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-03-28;418702 ?
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