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19/03/2018 | FRANCE | N°399862

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 19 mars 2018, 399862


Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1000219 du 26 mai 2011, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11NC01232 du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 mai 2011 et d

chargé M. A...des impositions et pénalités contestées.

Par une décision n° 3...

Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1000219 du 26 mai 2011, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11NC01232 du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 mai 2011 et déchargé M. A...des impositions et pénalités contestées.

Par une décision n° 374492 du 9 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt.

Par un arrêt n° 15NC02127 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur renvoi, a prononcé la décharge des pénalités de 80 % pour abus de droit prévues à l'article 1729 du code général des impôts et rejeté le surplus de la requête d'appel de M.A....

Par un pourvoi, enregistré le 17 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; / b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ". Selon l'article L. 195 A du même livre : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affairés, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". En vertu de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (...) ". La charge de la preuve, en ce qui concerne les pénalités pouvant être infligées en cas d'abus de droit, est régie, non par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, mais par celles de l'article L. 195 A du même livre, en vertu desquelles la preuve incombe à l'administration, et par celles de l'article 1729 du code général des impôts, lesquelles prévoient également qu'il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des pénalités en cas d'abus de droit.

2. Lorsque les éléments invoqués par l'administration permettent de regarder comme établie l'existence d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales mais ne permettent pas de justifier l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 80 % prévue par le b de l'article 1729 du code général des impôts, il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, d'appliquer la majoration pour abus de droit au taux de 40 % et de substituer ce taux à l'autre en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée. La cour administrative d'appel de Nancy a jugé que l'administration avait établi l'existence d'un abus de droit mais n'avait pas justifié l'application à M. A...de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %. Il résulte de ce qui précède qu'en prononçant la décharge intégrale de la pénalité mise à la charge de M. A..., la cour a commis une erreur de droit . Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt attaqué.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond.

4. Selon l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 13 janvier 2009 à M. A...se bornait à indiquer que les droits rappelés au titre de la procédure de répression des abus de droit seraient assortis de la majoration au taux de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, sans énoncer aucune considération de nature à justifier légalement l'application de ce taux, tenant à ce que le contribuable aurait eu l'initiative principale des actes constitutifs de l'abus de droit ou en aurait été le principal bénéficiaire.

5. Toutefois, dès lors que par l'article 3, devenu définitif, de son arrêt du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé fondées les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A...a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 sur le fondement de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les faits retenus dans la proposition de rectification du 13 janvier 2009 suffisaient à justifier l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 40 % prévue par le b de l'article 1729 du code général des impôts. Il y a lieu, par suite, de substituer au taux de 80 % initialement retenu pour la pénalité pour abus de droit le taux de 40 %.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon ne l'a pas déchargé de la différence entre la majoration pour abus de droit au taux de 80 % et la majoration pour abus de droit au taux de 40 %.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 17 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy sont annulés.

Article 2 : Le taux de 40 % prévu par le b de l'article 1729 du code général des impôts est substitué au taux de 80 % pour la majoration pour abus de droit dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2006 et 2007.

Article 3 : M. A...est déchargé de la différence entre la majoration pour abus de droit au taux de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 et celle qui lui est substituée par l'article 2 de la présente décision.

Article 4 : Le jugement du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. B...A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - ABUS DE DROIT ET FRAUDE À LA LOI - PÉNALITÉ POUR ABUS DE DROIT (B DE L'ART - 1729 DU CGI) - ABSENCE D'ÉLÉMENTS DE NATURE À JUSTIFIER L'APPLICATION LA MAJORATION AU TAUX DE 80% - OFFICE DU JUGE - OBLIGATION - MÊME D'OFFICE - D'APPLIQUER LA MAJORATION AU TAUX DE 40% ET DE PRONONCER EN CONSÉQUENCE LA DÉCHARGE PARTIELLE DE LA PÉNALITÉ INFLIGÉE - EXISTENCE [RJ1].

19-01-03-03 Lorsque les éléments invoqués par l'administration permettent de regarder comme établie l'existence d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) mais ne permettent pas de justifier l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 80% prévue par le b de l'article 1729 du code général des impôts (CGI), il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, d'appliquer la majoration pour abus de droit au taux de 40% et de substituer ce taux à l'autre en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - PÉNALITÉ POUR ABUS DE DROIT (B DE L'ART - 1729 DU CGI) - ABSENCE D'ÉLÉMENTS DE NATURE À JUSTIFIER L'APPLICATION LA MAJORATION AU TAUX DE 80% - OFFICE DU JUGE - OBLIGATION - MÊME D'OFFICE - D'APPLIQUER LA MAJORATION AU TAUX DE 40% ET DE PRONONCER EN CONSÉQUENCE LA DÉCHARGE PARTIELLE DE LA PÉNALITÉ INFLIGÉE - EXISTENCE [RJ1].

19-01-04 Lorsque les éléments invoqués par l'administration permettent de regarder comme établie l'existence d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) mais ne permettent pas de justifier l'application de la majoration pour abus de droit au taux de 80% prévue par le b de l'article 1729 du code général des impôts (CGI), il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, d'appliquer la majoration pour abus de droit au taux de 40% et de substituer ce taux à l'autre en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la substitution par le juge de la pénalité pour mauvaise foi à la pénalité pour manoeuvres frauduleuses, dont le fait générateur est différent, CE, Plénière, 9 janvier 1981, M. X. et Ministre du budget, n°s 17580 18418, T. p. 699 ;

CE, 30 décembre 2011, Min. c/,, n° 332088, T. pp. 871-876 ;

CE, 9 mars 2012, Société Rebmeister Automobiles, n° 330760, T. pp. 688-691.


Publications
Proposition de citation: CE, 19 mar. 2018, n° 399862
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Date de la décision : 19/03/2018
Date de l'import : 16/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 399862
Numéro NOR : CETATEXT000036720537 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-03-19;399862 ?
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