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22/05/2017 | FRANCE | N°396945

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 22 mai 2017, 396945


Vu la procédure suivante :

Les 7 et 13 août 2012, la société Marle Participations a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'avril 2012 et, d'autre part, de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009 et du 1er janvier au 30 avril 2011.

Par un jugement n° 1201365, 1201392 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, aprè

s les avoir jointes, a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 14NC01204 du 10...

Vu la procédure suivante :

Les 7 et 13 août 2012, la société Marle Participations a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois d'avril 2012 et, d'autre part, de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2009 et du 1er janvier au 30 avril 2011.

Par un jugement n° 1201365, 1201392 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après les avoir jointes, a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 14NC01204 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par une décision du 17 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Marle Participations dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses se rapportant à des opérations d'acquisition de titres.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 17 octobre 2016 ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C-16/00) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 juillet 2015, Beteiligungsgesellschaft Larentia + Minerva mbH et Co. KG (C-108/14 et C-109/14) ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Sarl Marle Participations ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Marle Participations a pour objet la gestion de participations dans plusieurs filiales du groupe Marle auxquelles elle louait par ailleurs un immeuble. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée à l'occasion du paiement en 2009 et 2010 de diverses factures. Par une décision du 17 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission partielle du pourvoi que la société requérante a formé contre l'arrêt du 10 décembre 2015 par laquelle la cour administrative d'appel de Nancy s'est prononcée sur ce redressement, en tant qu'il porte sur les dépenses qu'elle a exposées à l'occasion de l'acquisition auprès de la société Etablissements Maurice Marle de titres de la société VMS Plot ainsi que des dépenses qu'elle a exposées en vue de l'acquisition, non finalisée, de titres des sociétés Financière de Bagan et Visuol Technologies.

2. Il résulte de l'article 168 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés. Dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit.

3. Par un arrêt Beteiligungsgesellschaft Larentia+Minerva mbH et Co. KG du 16 juillet 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les frais liés à l'acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et que la taxe acquittée sur ces frais doit, en principe, être déduite intégralement, à moins que certaines opérations économiques réalisées en aval ne soient exonérées de la taxe. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas subordonné à ce que ces frais d'acquisition, qui peuvent servir à préparer la réalisation d'opérations économiques en direction des filiales ou être engagés en vue de la réalisation d'opérations qui ne sont pas finalisées, soient précédés par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée entre la société holding et ses filiales. Ainsi, en jugeant que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses citées au point 1 n'était pas déductible au motif qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'aux dates auxquelles ces dépenses avaient été engagées, la société Marle Participations avait déjà fourni des services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ses filiales, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses se rapportant à des opérations d'acquisition de titres par la société Marle Participations.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la mesure de l'annulation ainsi prononcée.

5. Il résulte de l'instruction que les seuls services que la société Marle Participations a fournis aux filiales pour lesquelles elle a engagé les dépenses litigieuses, en vue de l'acquisition de leurs titres, ou qu'elle a cherché à développer à l'égard de ces filiales, portaient sur la location d'immeubles. La question se pose ainsi de savoir si et, le cas échéant, dans quelles conditions, la location d'immeubles par une société holding à une filiale traduit une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de cette filiale. Cette question, qui est déterminante pour la solution du litige, présente une difficulté sérieuse. Par suite, il y a lieu, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les conclusions présentées en appel par la société Marle Participations tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses se rapportant à des opérations d'acquisition de titres.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses de la société Marle Participations se rapportant à des opérations d'acquisition de titres.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions présentées en appel par la société Marle Participations tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses se rapportant à des opérations d'acquisition de titres jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelles conditions, la location d'un immeuble par une société holding à une filiale traduit une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de cette filiale ayant pour effet de conférer à l'acquisition et à la détention de parts de cette filiale le caractère d'activités économiques au sens de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Marle Participations, au ministre de l'économie et au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396945
Date de la décision : 22/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2017, n° 396945
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396945.20170522
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