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27/07/2016 | FRANCE | N°387239

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 juillet 2016, 387239


Vu la procédure suivante :

La société EDF a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi à raison du défaut d'entretien du chenal du port Ouest de Port-Réunion. Par un jugement nos 0900572, 1000860 du 7 mars 2013, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01209 du 17 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société EDF contre ce jugement et les conclusions qu'elle a présentées devant la cour, tendant à ce que le g

rand port maritime de La Réunion soit condamné à réparer le préjudice litigieux....

Vu la procédure suivante :

La société EDF a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi à raison du défaut d'entretien du chenal du port Ouest de Port-Réunion. Par un jugement nos 0900572, 1000860 du 7 mars 2013, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01209 du 17 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société EDF contre ce jugement et les conclusions qu'elle a présentées devant la cour, tendant à ce que le grand port maritime de La Réunion soit condamné à réparer le préjudice litigieux.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 20 avril 2015 et le 14 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EDF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2012-1106 du 1er octobre 2012 ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société EDF et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société grand port maritime de La Réunion ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société EDF exploite à La Réunion, sur le territoire de la commune du Port, une centrale thermique dont le fonctionnement nécessite un approvisionnement régulier en fioul, afin d'alimenter l'île en électricité. L'envasement du chenal d'accès au port de janvier 2008 à août 2009 l'ayant contrainte à recourir à des opérations de transbordement du fioul réalisées par un prestataire, elle a demandé à l'Etat de l'indemniser du préjudice subi à raison de ces frais. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 novembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, rejeté son appel dirigé contre un jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 7 mars 2013 rejetant sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer ce préjudice et, d'autre part, rejeté ses conclusions, présentées en appel, tendant à ce que le grand port maritime de La Réunion, créé par un décret du 1er octobre 2012, soit condamné à l'indemniser au même titre. Par la voie du pourvoi provoqué, le grand port maritime de La Réunion demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société EDF dirigées contre l'Etat.

Sur le pourvoi de la société EDF :

2. Il ressort de l'argumentation du pourvoi de la société EDF qu'elle ne demande l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque qu'en tant que la cour de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du grand port maritime de La Réunion.

3. Après avoir jugé que le grand port maritime de La Réunion a été substitué à l'Etat, à compter du 1er janvier 2013, dans l'ensemble des droits et obligations, y compris ceux qui étaient attachés aux actions pendantes, liés aux installations portuaires qui lui ont été transférées à cette date, la cour, pour rejeter les conclusions de la société EDF dirigées contre cet établissement public, s'est fondée sur ce que la requérante ne les avait présentées qu'après l'expiration du délai d'appel, dans un mémoire présenté le 23 janvier 2014, alors qu'il avait déjà été substitué à l'Etat à la date du jugement attaqué.

4. Le moyen tiré de ce qu'une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas est d'ordre public. Il en résulte que, dès lors que la cour retenait que le grand port maritime de La Réunion s'était substitué à l'Etat dans les droits et obligations à l'origine du préjudice en litige, il lui appartenait de le mettre d'office en cause et de mettre le cas échéant à sa charge le versement des sommes qui seraient dues à la société EDF, aux lieu et place de l'Etat, alors même qu'aucune des parties présentes dans l'instance n'aurait présenté de conclusions en ce sens. Par suite, en se fondant, pour rejeter les conclusions de la requérante dirigées contre le grand port maritime, sur ce qu'elles n'avaient été présentées qu'après l'expiration du délai d'appel, alors qu'il lui appartenait en tout état de cause de le mettre en cause d'office, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la société EDF est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du grand port maritime de La Réunion.

Sur le pourvoi provoqué du grand port maritime de La Réunion :

6. A l'appui de son pourvoi provoqué, le grand port maritime de La Réunion soutient que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les droits et obligations à l'origine du préjudice en litige lui avaient été transférés et en rejetant pour ce motif les conclusions de la société EDF dirigées contre l'Etat.

7. L'article L. 5312-16 du code des transports dispose que : "Lorsqu'un grand port maritime est substitué à un port maritime relevant de l'Etat, l'Etat et, le cas échéant, le port autonome ou l'établissement public délégataire lui remettent les biens immeubles et meubles nécessaires à l'exercice de ses missions autres que ceux relevant du domaine public maritime naturel et du domaine public fluvial naturel. Cette remise est gratuite et ne donne lieu à paiement d'aucune indemnité, ni d'aucun droit, taxe, salaire ou honoraires. Le grand port maritime est substitué de plein droit à l'Etat et, le cas échéant, au port autonome ou à l'établissement public délégataire, dans tous les droits et obligations attachés aux biens remis et aux activités transférées, en particulier dans le service des emprunts contractés par le port autonome ou le délégataire pour le financement de l'activité déléguée et de ses participations aux travaux maritimes ". Aux termes de l'article 1er du décret du 1er octobre 2012 instituant le grand port maritime de La Réunion : " Il est créé, pour administrer le port de commerce de La Réunion (Port-Réunion), un établissement public placé sous le régime du livre III de la cinquième partie du code des transports, qui reçoit la dénomination de grand port maritime de La Réunion. ". Aux termes de l'article 8 de ce même décret : " Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 1er janvier 2013 ".

8. Il résulte des dispositions citées au point 7 ci-dessus qu'à compter du 1er janvier 2013, le grand port maritime de La Réunion a été substitué à l'Etat dans l'exercice de l'ensemble des compétences concernant le port de commerce de La Réunion et que cette substitution s'étend aux droits et obligations résultant des actions déjà engagées à cette date devant le juge administratif. La circonstance que les dispositions de l'article L. 5312-16 du code des transports ne prévoient pas de compensation financière en contrepartie du transfert des biens meubles et immeubles est sans incidence à cet égard.

9. Il suit de là que le grand port maritime de La Réunion n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour de Bordeaux en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société EDF dirigées contre l'Etat.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société EDF, qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du grand port maritime de La Réunion la somme de 3 000 euros à verser à la société EDF à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 novembre 2014 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par la société EDF tendant à ce que le grand port maritime de La Réunion soit condamné à réparer le préjudice qu'elle aurait subi.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le pourvoi provoqué présenté par le grand port maritime de La Réunion ainsi que les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le grand port maritime de La Réunion versera à la société EDF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société EDF et au Grand port maritime de La Réunion.

Copie en sera adressée pour information à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 387239
Date de la décision : 27/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 387239
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387239.20160727
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