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17/10/2014 | FRANCE | N°365325

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 17 octobre 2014, 365325


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 12 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12DA00409 du 5 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 1103370 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé l'arrêté du 20 novembre 2011 du préfet de l'Essonne en tant qu'il lui

a refusé un délai de départ volontaire, a rejeté sa demande tendant à l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 12 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12DA00409 du 5 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 1103370 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé l'arrêté du 20 novembre 2011 du préfet de l'Essonne en tant qu'il lui a refusé un délai de départ volontaire, a rejeté sa demande tendant à l'annulation du même arrêté en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 novembre 2011, le préfet de l'Essonne a fait obligation à M.C..., de nationalité congolaise, de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ; que, par un jugement du 16 février 2012, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé cet arrêté en tant qu'il a refusé à M. A...un délai de départ volontaire, a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par un arrêt du 5 juillet 2012, contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a accusé réception de la lettre lui notifiant l'arrêt attaqué le 18 juillet 2012 ; qu'il a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une demande enregistrée le 13 août 2012 ; que cette demande, présentée avant l'expiration du délai de pourvoi en cassation, a eu pour effet d'interrompre ce délai ; que la décision par laquelle il a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été notifiée le 19 novembre suivant ; qu'ainsi, son pourvoi en cassation, enregistré le 18 janvier 2013, n'est pas tardif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur doit être rejetée ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

3. Considérant que M. A...a fait valoir devant les juges du fond qu'il serait arrivé en France au cours de l'année 2000 et y résiderait depuis 2004 sous une identité usurpée, qu'il vivrait en concubinage depuis 2005 avec une ressortissante angolaise titulaire d'une carte de résident venant à expiration le 12 mai 2014 et qu'il serait le père de ses deux enfants, nés le 21 août 2006 et le 15 octobre 2011 ; qu'afin d'établir la réalité de son séjour et de ses liens familiaux en France, il s'est prévalu devant la cour de plusieurs documents comportant l'identité de M.B..., notamment l'acte de reconnaissance de l'enfant né le 21 août 2006, le second enfant ayant été reconnu par lui le 5 mars 2012 sous sa véritable identité ; qu'il a également fait valoir un jugement du tribunal correctionnel de Compiègne du 10 mai 2011 le condamnant à une peine de deux mois d'emprisonnement pour usage de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité, commis le 1er janvier 2004 à Compiègne et relevant notamment qu'il avait fait usage d'une carte d'identité française ainsi que d'un passeport et d'un permis de conduire au nom de Kalonga Armano ;

4. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir statuant sur la légalité des décisions prises en matière de séjour ou d'obligation de quitter le territoire français, de tenir compte de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait mentionnées dans une décision définitive du juge pénal statuant sur le fond de l'action publique et qui sont le support nécessaire de son dispositif ; que lorsqu'un juge pénal a relevé qu'un étranger a fait usage de faux documents administratifs, il ne découle pas nécessairement de telles constatations que l'ensemble des actes accomplis sous l'identité ainsi usurpée doivent être regardés comme accomplis par l'étranger qui s'est rendu coupable de cette usurpation ; qu'il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux pour l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité ;

5. Considérant que, pour juger que la décision contestée devant elle ne méconnaissait ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la cour a relevé que M. A...n'établissait ni la durée de son séjour en France, ni la réalité de son concubinage depuis 2005 avec une ressortissante angolaise, ni le lien de paternité avec l'enfant né le 21 août 2006, ni qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né le 15 octobre 2011, au seul motif que les documents produits en ce sens par le requérant mentionnaient l'identité d'une autre personne ; que la cour a ainsi méconnu les principes exposés au point 4 ci-dessus ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le requérant est fondé à soutenir que la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 5 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - LÉGALITÉ INTERNE - DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE - JUGEMENT PÉNAL AYANT RELEVÉ QU'UN ÉTRANGER A FAIT USAGE DE FAUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - IMPLICATIONS - 1) ENSEMBLE DES ACTES ACCOMPLIS SOUS UNE IDENTITÉ USURPÉE DEVANT NÉCESSAIREMENT ÊTRE REGARDÉS COMME ACCOMPLIS PAR L'ÉTRANGER QUI S'EST RENDU COUPABLE DE L'USURPATION - ABSENCE - 2) OBLIGATION - POUR LE JUGE ADMINISTRATIF - D'APPRÉCIER LA RÉALITÉ DU SÉJOUR ET LA CONSISTANCE DES LIENS PERSONNELS ET FAMILIAUX AU VU DE L'ENSEMBLE DES PIÈCES EN TENANT COMPTE DE LA NATURE PARTICULIÈRE DES ACTES PRODUITS SOUS COUVERT DE L'USURPATION D'IDENTITÉ - EXISTENCE.

335-03-02-02 Il appartient au juge de l'excès de pouvoir statuant sur la légalité des décisions prises en matière de séjour ou d'obligation de quitter le territoire français, de tenir compte de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait mentionnées dans une décision définitive du juge pénal statuant sur le fond de l'action publique et qui sont le support nécessaire de son dispositif.... ,,1) Lorsqu'un juge pénal a relevé qu'un étranger a fait usage de faux documents administratifs, il ne découle pas nécessairement de telles constatations que l'ensemble des actes accomplis sous l'identité ainsi usurpée doivent être regardés comme accomplis par l'étranger qui s'est rendu coupable de cette usurpation.... ,,2) Il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux, pour l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE - CHOSE JUGÉE PAR LE JUGE PÉNAL - JUGEMENT PÉNAL AYANT RELEVÉ QU'UN ÉTRANGER A FAIT USAGE DE FAUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - IMPLICATIONS - 1) ENSEMBLE DES ACTES ACCOMPLIS SOUS UNE IDENTITÉ USURPÉE DEVANT NÉCESSAIREMENT ÊTRE REGARDÉS COMME ACCOMPLIS PAR L'ÉTRANGER QUI S'EST RENDU COUPABLE DE L'USURPATION - ABSENCE - 2) OBLIGATION - POUR LE JUGE ADMINISTRATIF - D'APPRÉCIER LA RÉALITÉ DU SÉJOUR ET LA CONSISTANCE DES LIENS PERSONNELS ET FAMILIAUX AU VU DE L'ENSEMBLE DES PIÈCES EN TENANT COMPTE DE LA NATURE PARTICULIÈRE DES ACTES PRODUITS SOUS COUVERT DE L'USURPATION D'IDENTITÉ - EXISTENCE.

54-06-06-02-02 Il appartient au juge de l'excès de pouvoir statuant sur la légalité des décisions prises en matière de séjour ou d'obligation de quitter le territoire français, de tenir compte de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait mentionnées dans une décision définitive du juge pénal statuant sur le fond de l'action publique et qui sont le support nécessaire de son dispositif.... ,,1) Lorsqu'un juge pénal a relevé qu'un étranger a fait usage de faux documents administratifs, il ne découle pas nécessairement de telles constatations que l'ensemble des actes accomplis sous l'identité ainsi usurpée doivent être regardés comme accomplis par l'étranger qui s'est rendu coupable de cette usurpation.... ,,2) Il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux, pour l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 oct. 2014, n° 365325
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Formation : 6ème / 1ère ssr
Date de la décision : 17/10/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 365325
Numéro NOR : CETATEXT000029604145 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-10-17;365325 ?
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