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25/09/2014 | FRANCE | N°368715

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 25 septembre 2014, 368715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Costa a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires perçues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard, et d'ordonner la restitution des impositions acquittées à tort et le versement d'intérêts moratoires au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Costa a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires perçues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006, ainsi que des intérêts de retard, et d'ordonner la restitution des impositions acquittées à tort et le versement d'intérêts moratoires au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n°s 0805078/3, 0805079/3 du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Melun, après avoir ordonné un supplément d'instruction aux fins d'établir le montant des indemnités de congés payés que la société Costa aurait dû verser à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à la caisse de congés payés du bâtiment au titre des années 2004 à 2006, lui a accordé un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement pour faire parvenir au greffe du tribunal le montant des bases d'imposition. Par un jugement n°s 0805078/3, 0805079/3 du 14 juin 2012, il a rejeté les demandes de la société Costa.

Par un arrêt n° 12PA03143 du 22 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Costa contre ces deux jugements.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 22 mai et 21 août 2013 et le 27 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Costa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA03143 du 22 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 95-116 du 4 février 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SA Costa ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Costa a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 à l'issue de laquelle l'administration a inclus dans l'assiette de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la taxe d'apprentissage dues par la société au titre des années vérifiées des sommes correspondant à une estimation des indemnités de congés payées versées à ses salariés par la caisse de congés payés à laquelle elle était obligatoirement affiliée. La société Costa se pourvoit contre l'arrêt du 22 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation des jugements du 22 mars et du 14 juin 2012 par lesquels le tribunal administratif de Paris a ordonné un supplément d'instruction puis rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006.

Sur le moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Ces dispositions habilitent l'administration à vérifier sur place la comptabilité des contribuables qui sont astreints à tenir et présenter des documents comptables. En jugeant que l'administration avait pu à bon droit, sur ce fondement, contrôler le montant des salaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe d'apprentissage et de la participation à l'effort de construction dues par la société Costa, société commerciale par la forme, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur le moyen relatif à l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

3. Aux termes de l'article 225 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, issue de la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, la taxe d'apprentissage " est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) ". Selon le 1 de l'article 235 bis du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, " les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ". En vertu de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, auquel renvoient ainsi les dispositions des articles 225 et 235 bis du code général des impôts : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés (...) ".

4. Les dispositions de la loi du 4 février 1995, en alignant l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales, laquelle comprend les indemnités de congés payés, ont rendue caduque la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M. A..., député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76. Par suite, en jugeant que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de cette réponse ministérielle, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les moyens relatifs à l'application de la loi fiscale :

5. D'une part, selon l'article L. 223-11 du code du travail, devenu l'article L. 3141-22, l'indemnité afférente au congé annuel est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours d'une période de référence définie par décret. Cet article prévoit le calcul de la rémunération brute totale en fonction du salaire gagné dû pour la période précédant le congé et de la durée du travail effectif de l'établissement, en précisant qu'il est tenu compte de l'indemnité de congé de l'année précédente. Toutefois, selon l'article L. 223-6 du même code, devenu l'article L. 3141-10, ces dispositions ne portent pas atteinte aux stipulations des conventions ou accords collectifs de travail ou des contrats de travail ni aux usages qui assurent des congés payés de plus longue durée.

6. D'autre part, si l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, prévoit l'affiliation obligatoire de certains employeurs à une caisse de congé, notamment lorsque les salariés ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue pour l'appréciation du droit au congé, ce qui est notamment le cas, en vertu de l'article D. 732-1 du code du travail, devenu l'article D. 3141-12 de ce code, dans les entreprises relevant du secteur du bâtiment et des travaux publics, l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction est constituée par l'ensemble des rémunérations dues en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés, quand bien même le service de ces indemnités est assuré pour le compte de cet employeur par la caisse de congés payés à laquelle il est obligatoirement affilié.

7. Il résulte de ce qui précède que le montant des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction correspond à celui que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession. Ce montant ne saurait donc être évalué en retenant les cotisations versées par l'employeur à la caisse de congés payés dès lors que ces cotisations, qui ne constituent pas des rémunérations au sens des dispositions précitées, couvrent par ailleurs des charges autres que les indemnités versées aux salariés, notamment les frais de fonctionnement des caisses. Le montant à prendre en compte ne saurait davantage être fixé à partir des indemnités versées par les différentes caisses aux salariés au titre d'une période retenue pour l'appréciation du droit au congé, dès lors que les sommes versées par les caisses à un salarié peuvent correspondre aux droits à congés payés qu'un salarié a acquis auprès de plusieurs employeurs, qui sont seuls redevables de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction.

8. Dans le dernier état de ses écritures, la société entend se prévaloir de la décision n° 350094 du 20 novembre 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux a jugé qu'à défaut de pouvoir établir exactement les sommes que l'employeur aurait versées à ses salariés au titre des indemnités de congés payés, en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, il y a lieu de retenir, compte tenu à la fois du taux prévu par l'article L. 233-1 du code du travail, devenu l'article L. 3141-22, de l'indemnité de congé payé qui aurait, le cas échéant, été versée par l'employeur au titre de l'année précédente et des indemnités prévues par les conventions collectives, un montant évalué à 11,5 % des rémunérations brutes versées au cours des années d'imposition. La société doit dès lors être regardée comme ayant abandonné, dans cette mesure, ses moyens dirigés contre le point 9 de l'arrêt attaqué, par lequel la cour a estimé qu'il n'était pas établi que le montant des indemnités de congés payés pris en compte dans l'assiette des impositions en litige, égal à 13,14 % de la masse salariale versée au cours des années d'imposition, était surévalué.

9. Par une décision du 14 mai 2014, postérieure à cette demande, le directeur du contrôle fiscal d'Ile-de-France Est a prononcé au titre des années 2004 à 2006 un dégrèvement pour un montant en droits et intérêts de retard de 1 659 euros concernant la participation des employeurs à l'effort de construction et de 456 euros concernant la taxe d'apprentissage. Ce dégrèvement tire les conséquences d'une nouvelle évaluation des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, égale à 11,5 % des rémunérations brutes versées au cours des années d'imposition. Dans cette mesure, les conclusions de la société Costa relatives à ces impositions étant devenues sans objet, il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer sur ce point.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la société Costa à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, d'un montant en droits et intérêts de retard de 1 659 euros pour la participation des employeurs à l'effort de construction et de 456 euros pour la taxe d'apprentissage.

Article 2 : L'Etat versera à la société Costa une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Costa et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 368715
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2014, n° 368715
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:368715.20140925
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