Vu le pourvoi, enregistré le 25 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 12PA03645 du 21 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de la société AA R.A, anciennement dénommée Optical 2, d'une part, annulé le jugement n° 1109221 du 20 juin 2012 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2011 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a refusé de lui délivrer l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts, et, d'autre part, annulé cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société AA R.A. ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Optical 2, devenue société AA R.A, détenait l'intégralité du capital de la société Optical, laquelle exploitait deux magasins de vente d'optique, à Privas et à Chambéry ; que, le 14 janvier 2010, le magasin de Privas a été cédé et le magasin de Chambéry mis en location-gérance ; que, le 30 mars 2010, la société Optical 2 a procédé à la dissolution sans liquidation, par transmission universelle de patrimoine, de la société Optical, avec effet rétroactif comptable au 1er août 2009 ; qu'elle a sollicité, le 29 mars 2010, le bénéfice de l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, afin de transférer les déficits inscrits dans les écritures comptables de la société Optical au 31 juillet 2009, date de clôture du dernier exercice avant dissolution ; que, par une décision du 21 mars 2011, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris a refusé de lui délivrer cet agrément, au motif qu'elle n'avait pas indiqué la fraction des déficits afférents au fonds de commerce du magasin cédé ; que le ministre délégué, chargé du budget se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 20 juin 2012 du tribunal administratif de Paris, a annulé pour excès de pouvoir cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 2010 : " II. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d'intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. En cas de scission ou d'apport partiel d'actif, les déficits transférés sont ceux afférents à la branche d'activité apportée. / L'agrément est délivré lorsque : / a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b. L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un agrément en vue du transfert des déficits antérieurs à une fusion ou à une opération assimilée est notamment subordonnée à la condition que l'activité de la société absorbée ou faisant l'objet d'une opération assimilée qui est à l'origine des déficits soit poursuivie pendant un délai minimum de trois ans ; que, pour vérifier si cette condition est remplie, il appartient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que l'activité à l'origine des déficits ne fait pas l'objet de changements tels qu'elle ne serait, en réalité, plus la même ; qu'en revanche, lorsque la société absorbée ou faisant l'objet d'une opération assimilée exerce une seule activité en exploitant plusieurs établissements et que la société bénéficiaire de l'opération en cause demande un agrément en vue du transfert des déficits qui trouvent leur origine dans cette activité, la seule circonstance que certains établissements aient été cédés avant l'absorption ou opération assimilée ne saurait autoriser l'autorité administrative à ne prendre en compte que les établissements qui n'ont pas été cédés et à ne délivrer l'agrément que si l'activité afférente à ces seuls établissements était à l'origine de déficits et est poursuivie par la société qui sollicite l'agrément, et pour ces seuls déficits ; que, par suite, en jugeant que l'administration ne pouvait se fonder sur la seule cession, antérieurement à la dissolution sans liquidation en cause, d'un des établissements exploités par la société Optical pour refuser de délivrer un agrément en vue du transfert de l'ensemble des déficits de cette société qui trouvaient leur origine dans son activité à la société Optical 2, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant, par ailleurs, que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que la décision litigieuse de refus de délivrance de l'agrément sollicité par la société Optical 2 était fondée sur la distinction, au sein des déficits de la société Optical, entre les déficits afférents au fonds de commerce cédé antérieurement à la dissolution sans liquidation et les autres et sur le fait que la société demanderesse n'avait pas précisé les montants respectifs de ces déficits ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget doit être rejeté ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société AA R.A., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société AA R.A. une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société AA RA.