La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2012 | FRANCE | N°324922

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 20 février 2012, 324922


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 30 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Nawalkumar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06MA00417 du 4 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0202449 du 28 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxque

lles il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ;

2°) réglant l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 30 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Nawalkumar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06MA00417 du 4 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0202449 du 28 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Nawalkumar A,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Nawalkumar A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société en nom collectif Ashoka qui exploite un restaurant indien à Marseille, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ; qu'en vertu de l'article 8 du code général des impôts, M. Nawalkumar A, associé de la société Ashoka a été assujetti à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu assorties de pénalités pour mauvaise foi pour les années 1996 et 1997, à hauteur des parts qu'il détenait dans le capital social de cette dernière ; que par un jugement du 28 novembre 2005, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge de ces cotisations et pénalités ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative de l'appel de Marseille du 4 décembre 2008 qui a confirmé de ce rejet ;

Sur le pourvoi :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir écarté la comptabilité de la société Ashoka comme non probante, l'administration fiscale a reconstitué les recettes de cette société selon la méthode dite des vins et a appliqué aux achats de bouteilles de vins comptabilisés un taux de réfaction pour perte, casse et coulage, de 5 % pour les années 1996 et 1997 ; qu'il est constant que l'administration fiscale a suivi à l'encontre de M. A la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle ; qu'il incombait dès lors à l'administration de justifier le bien-fondé des taux de réfaction retenus ; qu'ainsi, en jugeant que M. A se bornait à faire état d'un taux de perte de 10 % sans apporter d'éléments comptables ou extra-comptables tirés des modalités propres d'exploitation du restaurant de nature à démontrer que les taux retenus par le service avaient été sous-estimés, pour écarter le moyen soulevé par le requérant et relatif au taux de réfaction appliqué par l'administration, la cour a inversé la charge de la preuve et entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé le 1er mars 1999 une notification de redressement détaillant la méthode utilisée pour reconstituer les recettes de la société Ashoka et en particulier les modalités de détermination des taux de réfaction ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été suffisamment informé des motifs qui ont conduit l'administration à retenir le taux de 5 % et ne pourrait discuter utilement ce taux devant le juge de l'impôt ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour reconstituer les recettes de la société Ashoka, l'administration fiscale s'est fondée sur des éléments obtenus auprès de son fournisseur de vin, la société Cellier des quatre tours, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ; que la comptabilité de cette dernière société faisait apparaître au titre des années 1996 et 1997 des achats de vins sans facture, non comptabilisés, dont le paiement s'effectuait par des tickets restaurant ou par des chèques de clients ; qu'il est constant qu'alors que la société Ashoka acceptait les paiements par chèques et tickets restaurant, l'administration fiscale n'en a trouvé aucun trace dans la comptabilité de cette société ; que dès lors, les éléments recueillis par l'administration, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, doivent être regardés comme ayant été corroborés par des constatations propres à l'activité de la société Ashoka ; qu'ils ne sont pas valablement contredits par l'attestation de la société Cellier des quatre tours en date du 28 août 2001 selon laquelle les factures établies par cette société au nom du restaurant Ashoka de Marseille entre mai 1996 et novembre 1997 correspondraient à des livraisons faites au restaurant du même nom situé à Aix-en-Provence ;

Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que l'administration fiscale a sous-évalué le taux de réfaction à retenir pour déterminer le montant des recettes de vins comptabilisés et occultes ; que toutefois, alors que l'administration a justifié les taux de réfaction retenus pour tenir compte de l'activité de la société Ashoka, notamment par la circonstance que la société achète également du vin ordinaire qu'elle propose en pichet et que ni la consommation des employés ni l'utilisation en cuisine, au demeurant très limitée, ne portent sur le vin en bouteille, M. A se borne à demander l'application d'un taux plus élevé sans assortir son argumentation d'élément tirés du fonctionnement de la société ; que dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale aurait appliqué un taux de réfaction sous-évalué aux achats de vins en bouteille ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que pour reconstituer les recettes induites à partir des achats occultes de bouteilles de vin, l'administration fiscale n'a pas appliqué de taux de réfaction pour tenir compte des pertes, offerts et coulages ; que l'administration, qui supporte la charge de la preuve, se borne à faire état du caractère occulte de ces achats et n'établit pas que l'absence d'application d'un taux de réfaction serait fondée sur le fonctionnement propre de la société Ashoka ; que dès lors, la méthode de reconstitution des recettes de la société Ashoka doit être regardée, dans cette mesure, comme excessivement sommaire ; qu'il suit de là que M. A est fondé à demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes correspondant à la réduction des bases d'imposition induite par l'application aux achats occultes du taux de réfaction déterminé pour les achats comptabilisés de vin en bouteille ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'infraction : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti (...) d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ; qu'il résulte de l'instruction que la société Ashoka a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves et a, de façon répétée, réalisé des achats sans facture et perçu des recettes non comptabilisées ; qu'il est constant que M. A, en sa qualité d'associé, participait au fonctionnement de la société ; que l'ensemble de ces constatations traduit la volonté délibérée d'éluder l'impôt ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'absence de bonne foi du requérant, qui n'est ainsi pas fondé à demander la décharge des pénalités restant en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 novembre 2005, le tribunal administratif de Marseille ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997, à raison de l'absence d'application de taux de réfaction aux achats occultes de vins ;

Sur les conclusions de M. A présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille et devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu de M. A au titre des années 1996 et 1997 est réduite à concurrence des montants résultant de l'application d'un taux de réfaction de 5 % aux achats occultes de vin.

Article 3 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondant à cette réduction des bases d'imposition ainsi que des pénalités afférentes.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 novembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Nawalkumar A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 324922
Date de la décision : 20/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2012, n° 324922
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:324922.20120220
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award