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13/06/2007 | FRANCE | N°284829

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 13 juin 2007, 284829


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 avril 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension la bonification pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°)

statuant au fond, d'une part, d'annuler la décision prise le 4 avril 20...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 avril 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension la bonification pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) statuant au fond, d'une part, d'annuler la décision prise le 4 avril 2003 par le ministre de la défense, d'autre part, d'enjoindre au ministre de modifier, dans un délai de deux mois, les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification, de la revaloriser rétroactivement et de lui verser ces sommes assorties des intérêts capitalisés, enfin, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à réparer d'une part, le préjudice résultant pour lui de la privation du supplément de pension auquel il était en droit de prétendre depuis l'entrée en jouissance de sa pension par l'allocation d'un capital, augmenté des intérêts de droit à compter de sa demande et de leur capitalisation et, d'autre part, le préjudice résultant de la perte de supplément de pension pour l'avenir jusqu'à l'extinction de sa pension par l'allocation d'une rente ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention, notamment son article 1er ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, notamment son article 48 ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Blazy, Auditeur,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A demande l'annulation du jugement du 4 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser les bases de liquidation de sa pension de retraite, pour y inclure la bonification d'ancienneté pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le tribunal administratif de Marseille n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite méconnaîtraient les stipulations du droit communautaire, et d'autre part, que le délai de six mois qu'elles prévoient n'aurait couru qu'à la date du 29 juillet 2002 ; que par suite, M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions principales de M. A :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable en l'espèce : La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit ;

Considérant que, pour demander la révision de la pension de retraite qui lui a été concédée, M. A soutient que celle-ci a été liquidée sans qu'il ait été tenu compte des droits que lui ouvraient les dispositions du b) de l'article L. 12 du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; que l'erreur invoquée par M. A porte sur l'interprétation des textes en vertu desquels sa pension devait être liquidée ; que l'intéressé invoque ainsi une erreur de droit ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. A s'est vu concéder une pension militaire de retraite par un arrêté du 16 septembre 1974 ; que la circonstance qu'il n'a constaté l'erreur de droit alléguée qu'au vu d'une décision rendue par le Conseil d'Etat, le 29 juillet 2002, dans un litige concernant un autre pensionné est sans incidence sur le point de départ et la durée du délai de six mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi, le délai imparti à M. A pour exciper, au soutien d'une demande de révision de sa pension, de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en ne prenant pas en compte dans les éléments de liquidation de celle-ci la bonification d'ancienneté mentionnée au b) de l'article L. 12 du même code, était expiré lorsque le requérant a saisi, le 27 février 2003, le ministre de la défense d'une telle demande ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à cette bonification d'ancienneté, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre de la Communauté européenne d'opposer aux demandes de révision de pensions établies en violation de cette disposition un délai de forclusion, dès lors que ce délai, mentionné à l'article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne et ne rend pas impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits tirés de règles communautaires ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 55 seraient contraires au droit communautaire ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 55 précitées ont pour objet d'ouvrir, aussi bien aux pensionnés qu'à l'administration, un droit à révision des pensions concédées dans le cas où la liquidation de celles-ci est entachée d'une erreur de droit et de prévoir que ce droit est ouvert dans les mêmes conditions de délai aux pensionnés et à l'administration ; que, d'une part, le délai de révision ainsi prévu bénéficie aussi bien aux pensionnés, dont les droits à pension sont définitivement acquis au terme de ce délai, qu'à l'administration qui est, postérieurement à l'expiration de ce même délai, mise à l'abri de contestations tardives et que, d'autre part, l'instauration d'un délai de six mois s'avère suffisante pour permettre aux pensionnés de faire valoir utilement leurs droits devant les juridictions ; qu'ainsi ces dispositions ne méconnaissent ni le droit d'accès à un tribunal, ni le droit à un recours effectif, ni les exigences qui s'attachent à la protection d 'un droit patrimonial, tels qu'ils découlent des stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de la défense a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. A tendant à l'obtention de la bonification prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'appelle sur ce point aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions subsidiaires de M. A :

Considérant ainsi qu'il vient d'être dit, que les conclusions de M. A tendant à la révision de sa pension doivent être rejetées ; que M. A demande à titre subsidiaire la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant à la revalorisation sollicitée de sa pension, en réparation du préjudice que la privation de cette somme constitue pour lui et par le moyen que ce préjudice est imputable au retard apporté par l'Etat français à harmoniser le droit interne avec le principe d'égalité des rémunérations entre fonctionnaires masculins et féminins ; que ces conclusions ont ainsi, en réalité, le même objet que les conclusions pécuniaires tendant à la révision de sa pension ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 4 juillet 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice A, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 jui. 2007, n° 284829
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Pinault
Rapporteur ?: M. Florian Blazy
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 13/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 284829
Numéro NOR : CETATEXT000018006490 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-06-13;284829 ?
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