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27/10/2006 | FRANCE | N°297995

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 27 octobre 2006, 297995


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mimoun A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°/ de suspendre l'exécution de la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le consul général de France à Fès lui a refusé un visa d'entrée en France ;

2°/ d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande de visa présentée par M. A dans le délai d'un m

ois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°/ de mettre à la ...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mimoun A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°/ de suspendre l'exécution de la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le consul général de France à Fès lui a refusé un visa d'entrée en France ;

2°/ d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande de visa présentée par M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°/ de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la condition d'urgence est remplie du fait qu'il est contraint de vivre séparé de son épouse, Mme Sylviane B de nationalité française ; que le refus de visa qui lui a été opposé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son mariage ne revêt aucun caractère frauduleux ainsi que l'a constaté le jugement du 17 juin 2005 par lequel le tribunal de grande instance de Créteil a ordonné la mainlevée de l'opposition à la célébration de ce mariage ;

Vu la décision du consul général de France à Fès en date du 2 janvier 2006 ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée à l'encontre de la décision contestée ;

Vu la copie du recours présenté le 6 mars 2006 par M. A devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu, enregistré le 24 octobre 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères, tendant au rejet de la requête ; le ministre soutient que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'étant entièrement substituée au refus prononcé par le consul général de France à Fès, les conclusions de M. A, exclusivement dirigées contre cette dernière décision, sont irrecevables ; que subsidiairement les conditions d'octroi de la suspension de l'exécution du refus de visa ne sont pas réunies ; qu'un faisceau d'indices précis et concordants fait apparaître que le mariage de M. A, qui parle mal le français, avec Mme B, de 22 ans son aînée, a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un visa puis un titre de séjour ; que si l'intéressé soutient avoir rencontré son épouse au Maroc au début des années 2000 et donc avant son entrée irrégulière et son mariage en France, il n'a pas été à même d'apporter de précisions sur les conditions de cette rencontre ; qu'il n'établit pas avoir résidé chez son épouse lors de son séjour en France ; que les attestations de communauté de vie, établies par des membres de sa famille, ne sont pas probantes ; qu'il n'a pu préciser la profession de son épouse ; qu'il n'établit pas avoir conservé des contacts téléphoniques ou par lettre avec cette dernière depuis son retour au Maroc ; que rien ne permet de dire que Mme B se soit rendue au Maroc ; qu'elle n'a pas non plus effectué de démarche auprès du consulat à l'appui de la demande de visa de son époux ; qu'ainsi les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation quant au caractère frauduleux du mariage et de l'atteinte portée au droit à une vie familiale normale reconnu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de visa contesté ; qu'enfin la condition d'urgence ne peut-être regardée comme remplie ;

Vu, enregistré le 26 octobre 2006, le mémoire en réplique présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens et déclare demander en outre, par des conclusions jointes, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A contre la décision du consul général de France à Fès ;

Vu la copie de la requête tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 octobre 2006 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- Mme B épouse A ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision du consul général de France à Fès en date du 2 janvier 2006 :

Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie le 6 mars 2006 par M. A de la décision de refus de visa qui lui a été opposée le 2 janvier 2006 par le consul général de France à Fès, s'est prononcée par une décision implicite de rejet sur ce recours deux mois après son enregistrement ; que cette nouvelle décision s'est entièrement substituée à celle du consul général ; qu'ainsi les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre cette dernière décision ne pourraient qu'être jugées irrecevables par le juge du fond ; que, par suite, les conclusions présentées devant le juge des référés et tendant à la suspension de l'exécution de la décision du consul, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa en France :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage a été régulièrement célébré et publié, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier le refus de visa ;

Considérant que M. A a épousé le 13 août 2005, alors qu'il séjournait irrégulièrement en France, Mme B, de nationalité française ; que ce mariage a été célébré après mainlevée, le 17 juin 2005, par le tribunal de grande instance de Créteil d'une opposition à mariage formée par le procureur de la République ;

Considérant que pour s'opposer à la délivrance du visa demandé par M. A, les services consulaires ont mis en cause la sincérité de son mariage avec Mme B ressortissante française ; qu'il résulte cependant de l'instruction et des précisions apportées au cours de l'audience par cette dernière, que les deux époux sont restés régulièrement en contact depuis le retour de M. A au Maroc après son mariage, que Mme B soutient avoir accompli vainement plusieurs démarches par téléphone à l'appui de la demande de visa formulée par son conjoint, que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas, en alléguant notamment des imprécisions et des contradictions dans les déclarations du demandeur et la différence d'âge entre les époux, d'éléments suffisants permettant, en l'état de l'instruction, de regarder comme établie l'insincérité du mariage, lequel, ainsi qu'il a été dit ci-dessus a été célébré après mainlevée par le Tribunal de grande instance de Créteil, de l'opposition à mariage formée, pour ce même motif d'insincérité, par le procureur de la République près ce tribunal ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de visa contesté repose sur une erreur manifeste d'appréciation apparaît propre à créer, en l'état, un doute sérieux quant à sa légalité ;

Considérant, par ailleurs, qu'eu égard notamment au délai écoulé depuis le mariage, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ; que, par suite, le requérant est fondé à demander la suspension de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de réexaminer, compte tenu de ce qui précède, la demande de visa présentée par M. A, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande de visa de M. A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 297995
Date de la décision : 27/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2006, n° 297995
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Pinault

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:297995.20061027
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