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13/06/2006 | FRANCE | N°294072

France | France, Conseil d'État, 13 juin 2006, 294072


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juin 2006, présentée pour M. Mohamed A, domicilié chez Maître Ricard, 72 avenue Paul Doumer, Paris (75016) ; M Mohamed A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 20 décembre 2004 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

2°) d'enjoindre à l'administration de constater que M. Mohamed A a acquis la nationalité française, en application des article

s 21-2 et 21-3 du code civil, à compter de sa déclaration faite le 15 novembre ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juin 2006, présentée pour M. Mohamed A, domicilié chez Maître Ricard, 72 avenue Paul Doumer, Paris (75016) ; M Mohamed A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 20 décembre 2004 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

2°) d'enjoindre à l'administration de constater que M. Mohamed A a acquis la nationalité française, en application des articles 21-2 et 21-3 du code civil, à compter de sa déclaration faite le 15 novembre 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle renonçant dans ce cas à percevoir cette aide ;

il soutient qu'en raison de son mariage le 10 juillet 1999 avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu trois enfants, il a souscrit une déclaration en vue d'acquérir la nationalité française en application de l'article L. 21-2 du code civil ; qu'il s'est vu notifier un décret du 20 décembre 2005 portant refus d'acquisition de la nationalité française ; qu'en premier lieu, dans les matières touchant au droit des personnes, il y a présomption d'urgence à suspendre ; que le motif du refus d'acquisition, l'indignité, porte en soi une atteinte particulièrement grave à sa situation, que cette décision le met dans une situation particulièrement précaire ; qu'il existe, en second lieu, un doute sérieux sur la légalité du décret attaqué ; qu'à défaut de signature du décret par le Premier ministre ou en l'absence d'une délégation de signature régulière, le décret devra être suspendu ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir la matérialité des faits reprochés, le gouvernement se fondant sur une seule note du ministre de l'intérieur du 28 juillet 2004 n'établissant pas qu'il soit un militant d'un mouvement islamiste radical ou qu'il prône le recours à la violence et au terrorisme ; que les faits retenus ne sont pas de nature à justifier légalement le refus d'acquisition de la nationalité française ; que les pièces produites montrent qu'il est un homme tolérant, respectueux des lois, bien intégré à la société française ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux le 12 juin 2006, qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient également que sa carte de résident viendra à expiration avant le jugement au fond de son recours pour excès de pouvoir et qu'il pourrait devoir quitter le territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil et notamment les articles 21-2 et 21-4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu'enfin, en vertu de l'article L. 522-3 de ce code, le juge des référés peut, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie, rejeter une requête par une ordonnance sans instruction ni audience ;

Considérant que par décret du 20 décembre 2004, le Premier ministre a opposé à M. Mohamed A un refus d'acquisition de la nationalité française au motif qu'il a noué et entretenu des liens « avec des membres de diverses mouvances islamistes prônant le recours à la violence et au terrorisme, qu'il s'est également signalé par la violence de ses prêches, relayant les thèses prônées par le GIA (Groupe islamiste armé), dans ses fonctions d'imam d'une salle de prières en région parisienne» et que ce « comportement totalement hostile aux valeurs fondamentales de la société française », conduit à regarder M. A comme indigne d'acquérir la nationalité française ; que M. A indique avoir reçu la notification de ce décret le 16 février 2005 ;

Considérant que si M. A, de nationalité algérienne, soutient que le motif du refus d'acquisition de la nationalité française, l'indignité, lui cause un préjudice d'une particulière gravité, la condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension dépend non du motif de l'acte contesté mais de ses effets préjudiciables sur un intérêt public, la situation du requérant ou sur les intérêts qu'il entend défendre ; qu'il résulte des propres déclarations de l'intéressé qu'il vit légalement en France auprès de sa femme, de nationalité française, et de ses enfants, qu'il gère une boucherie et exerce des activités associatives ; qu'ainsi, le refus d'acquérir la nationalité française ne cause pas à l'intéressé, en l'état, un préjudice tel qu'il constituerait une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que si sa carte de résident pourrait venir à expiration avant le jugement de son recours et s'il indique craindre ne pouvoir bénéficier d'un renouvellement de son titre de séjour, il lui appartiendra alors, le cas échéant, d'engager des actions, relevant de litiges distincts ; que les conclusions de sa requête aux fins de suspension doivent en conséquence être rejetées selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative ; qu'il en va de même de ses conclusions aux fins d'injonctions ainsi que de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Mohammed A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mohammed A.

Une copie en sera adressée pour information au Premier ministre.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 jui. 2006, n° 294072
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de la décision : 13/06/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 294072
Numéro NOR : CETATEXT000008238511 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-06-13;294072 ?
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