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22/03/2006 | FRANCE | N°265672

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 mars 2006, 265672


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU TARN-ET-GARONNE ; le PREFET DU TARN-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 6 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 28 janvier 2004 fixant la Macédoine comme pays à destination duquel M. Nexhat A sera reconduit à la frontière ;

2°) de rejeter les conclusions présentées sur ce point par M. A devant le tribunal administra

tif de Toulouse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européen...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU TARN-ET-GARONNE ; le PREFET DU TARN-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 6 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 28 janvier 2004 fixant la Macédoine comme pays à destination duquel M. Nexhat A sera reconduit à la frontière ;

2°) de rejeter les conclusions présentées sur ce point par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité macédonienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 19 décembre 2003, de l'arrêté du 11 décembre 2003 par lequel le PREFET DU TARN-ET-GARONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 28 janvier 2004 du PREFET DU TARN-ET-GARONNE prononçant la reconduite à la frontière de M. A, en tant qu'il comporte une décision distincte fixant la Macédoine comme pays à destination duquel l'intéressé doit être reconduit, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance que le préfet ne se serait livré à aucune appréciation des risques courus par M. A d'être exposé à des traitements ou peines contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme il en avait l'obligation et comme auraient dû l'y inciter les termes du recours gracieux introduit par l'intéressé contre la décision du 11 décembre 2003 lui refusant un titre de séjour ; que, cependant, il ne ressort des pièces du dossier ni que M. A, dans son recours gracieux en date du 8 janvier 2004 tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour, notamment sur le fondement du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, ait invoqué des risques spécifiques entrant dans le champ de ces stipulations, ni que le préfet, dont l'arrêté attaqué reprend les termes de l'article 3 précité, se serait estimé lié par la décision de la commission des recours des réfugiés du 2 décembre 2003 rejetant la demande présentée par M. A contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 octobre 2002 lui refusant la qualité de réfugié, et se serait ainsi soustrait à l'obligation, qui lui incombe, de vérification de la situation personnelle de l'intéressé au regard de ces stipulations ; qu'ainsi, le PREFET DU TARN-ET-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision litigieuse ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M. A à l'encontre de cette décision ;

Considérant que, si M. A fait valoir que, n'ayant pas rempli ses obligations militaires en Macédoine, il a été plusieurs fois convoqué par la police et qu'ayant fui les groupes militaires de « l'armée de libération du Kosovo » (UCK), il y est menacé, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de l'éloigner à destination de son pays d'origine l'exposerait effectivement à des risques de persécution ou de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU TARN-ET-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision distincte, contenue dans son arrêté du 24 janvier 2004, ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant la Macédoine comme pays à destination duquel il doit être reconduit ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 février 2004 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A présentées devant le tribunal administratif de Toulouse et dirigées contre la décision contenue dans l'arrêté du 28 janvier 2004 fixant la Macédoine comme pays à destination duquel il doit être reconduit sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU TARN-ET-GARONNE, à M. Nexhat A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 265672
Date de la décision : 22/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 2006, n° 265672
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:265672.20060322
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