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24/02/2006 | FRANCE | N°272229

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 24 février 2006, 272229


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre 2004 et 17 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 23 mars 2004 du ministre de la justice ayant déclaré irrecevable sa candidature en vue d'exercer les fonctions de juge de proximité, ensemble la décision du 8 juillet 2004 du ministre de la justice rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision précitée ;

2°) de condamner l'Etat au paiement

de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre 2004 et 17 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 23 mars 2004 du ministre de la justice ayant déclaré irrecevable sa candidature en vue d'exercer les fonctions de juge de proximité, ensemble la décision du 8 juillet 2004 du ministre de la justice rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision précitée ;

2°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les observations de Me Le Prado, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311 ;1 du code de justice administrative : « le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : 3° des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions ( …) des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58 ;1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat » ; qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 : « sont nommés par décret du Président de la République (…) les magistrats de l'ordre judiciaire » ; qu'aux termes de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique du 26 février 2003 : « les juges de proximité sont nommés (…) dans les formes prévues pour les magistrats du siège » ; qu'ainsi, pour l'application des dispositions précitées du code de justice administrative, les juges de proximité doivent être assimilés à des magistrats de l'ordre judiciaire ;

Considérant que le litige né de la décision attaquée est relatif au refus du garde des sceaux, ministre de la justice d'ouvrir à M. A l'accès aux fonctions de juge de proximité ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le ministre, ce litige relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 41 ;17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée : « Peuvent être nommés juges de proximité, pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance (…) 2° Les personnes âgées de trente ;cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions. Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique (…) » ;

Considérant que la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction initiale, comportait un titre II, intitulé « Réglementation de l'usage du titre de conseil juridique » ; que l'article 54 de cette loi prévoyait que « les personnes (…) qui donnent, à titre professionnel, des consultations ou rédigent des actes pour autrui en matière juridique ne sont autorisées à faire usage du titre de conseil juridique ou fiscal (…) qu'après leur inscription sur une liste établie par le procureur de la république (…) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si le titre de conseil juridique a disparu en application de la loi du 31 décembre 1990, qui a notamment substitué une nouvelle profession d'avocat à la profession de conseil juridique, le ministre de la justice ne peut, sans commettre d'erreur de droit, écarter pour irrecevabilité la candidature aux fonctions de juge de proximité d'une personne qui justifie de la qualité d'ancien conseil juridique ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été inscrit sur la liste des conseils juridiques établie par le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lure ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision prise par le ministre rejetant sa candidature aux fonctions de juge de proximité pour irrecevabilité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 23 mars 2004 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Charles A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 272229
Date de la décision : 24/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2006, n° 272229
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:272229.20060224
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