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06/02/2006 | FRANCE | N°266821

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 06 février 2006, 266821


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 19 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'après avoir annulé les jugements du 3 février 2000 et du 6 mai 2002 du tribunal administratif d'Orléans, il annule l'arrêté du 13 avril 1999 du maire de la commune ayant décidé de préempter un immeuble situé 104,

avenue de Vierzon à Lamotte-Beuvron et la délibération du 7 octobre ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 19 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'après avoir annulé les jugements du 3 février 2000 et du 6 mai 2002 du tribunal administratif d'Orléans, il annule l'arrêté du 13 avril 1999 du maire de la commune ayant décidé de préempter un immeuble situé 104, avenue de Vierzon à Lamotte-Beuvron et la délibération du 7 octobre 1999 du conseil municipal portant création d'un budget annexe et autorisant le maire à acheter le bien en cause et à le donner à bail avec promesse d'achat à la société « Porcelaine de Sologne » ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON et de Me Hemery, avocat de M. ZY,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté du 13 avril 1999, le maire de Lamotte-Beuvron a décidé d'exercer son droit de préemption sur un bien appartenant à la SCI de La Guide ; que, par délibération du 7 octobre 1999, le conseil municipal a créé un budget annexe et autorisé le maire à acheter le bien en cause et à le donner à bail avec promesse d'achat à la société « Porcelaine de Sologne » ; que, par un arrêt en date du 30 décembre 2003, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir censuré deux jugements des 3 février 2000 et 6 mai 2002 du tribunal administratif d'Orléans rejetant les recours formés par M. ZY et Mlle ZX contre ces deux décisions, les a annulées et a rejeté les conclusions à fin d'indemnités et d'injonction présentées par les intéressés ; que la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a annulé, d'une part, les deux jugements susmentionnés en tant qu'ils statuent sur les conclusions à fin d'annulation des deux décisions litigieuses, d'autre part, ces deux dernières décisions ;

Considérant que l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dispose que « les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une décision de préemption est légalement justifiée dès lors que l'action ou l'opération qui la fonde, est engagée dans l'intérêt général et répond à l'un des objets définis à l'article L. 300-1, alors même que, eu égard à cet objet, elle ne s'accompagne d'aucune mesure d'urbanisation ni d'aucune réalisation d'équipement ; que, par suite, en jugeant que l'acquisition du bien litigieux par voie de préemption en vue de sa revente à la société « Porcelaine de Sologne » ne visait pas à la réalisation d'une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1, alors que cette décision tendait à permettre l'extension de l'activité d'une entreprise conformément aux prévisions du même article, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que cet arrêt doit, pour ce motif, être annulé dans la mesure où il procède à l'annulation, d'une part, des deux jugements du tribunal administratif d'Orléans des 3 février 2000 et 6 mai 2002 en tant qu'ils statuent sur les conclusions à fin d'annulation des deux décisions litigieuses, d'autre part, de ces deux décisions ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la décision du 13 avril 1999 du maire de Lamotte-Beuvron :

Considérant que l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dispose que « toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé » ; que la décision de préemption litigieuse est motivée par le projet de permettre « l'extension des installations de la société « Porcelaine de Sologne », importante entreprise de la commune ayant des projets de développement » ; que cette motivation fait apparaître avec une précision suffisante l'objet de la décision contestée ;

Considérant que la circonstance que la décision attaquée mentionne en tant que propriétaire du bien préempté M. Edmond Z, alors que celui-ci est en fait le gérant de la société propriétaire de ce bien, est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse, dès lors que cette erreur est insusceptible de créer quelque ambiguïté quant à l'identification du bien préempté, dont la localisation et les coordonnées cadastrales sont indiquées par ailleurs dans la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée vise à assurer le maintien de la société « Porcelaine de Sologne », qui emploie dix pour cent de la population active de Lamotte-Beuvron, sur le territoire de la commune et à permettre à cette entreprise de développer son activité ; que ce motif répond à l'objet, prévu à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, d'assurer le maintien et le développement d'activités économiques dans la commune ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, dans ces conditions, être écarté ;

Sur la légalité de la délibération du 7 octobre 1999 du conseil municipal de Lamotte-Beuvron :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : « Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. (...) » ; que l'article L. 2121-12 du même code dispose : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation de la séance du 7 octobre 1999 du conseil municipal de Lamotte-Beuvron mentionnait comme point de l'ordre du jour l'« ouverture de crédits pour l'exercice du droit de préemption urbain », et que la notice explicative de synthèse jointe à cette convocation indiquait les conditions dans lesquelles la commune proposait d'acquérir et de rétrocéder le bien de la SCI de la Guide ; que cinq jours francs séparaient la signature de cette convocation, datée du 1er octobre 1999, de la séance du 7 octobre 1999 du conseil municipal, et que les appelants n'établissent pas que la convocation serait parvenue aux conseillers municipaux dans un délai inférieur ; que les moyens tirés de la méconnaissance des articles précités du code général des collectivités territoriales doivent, par suite, être écartés ;

Considérant que si la délibération attaquée a pour objet d'assurer la mise en oeuvre de la décision de préemption du 13 avril 1999, elle n'est pas, elle-même, une décision de préemption ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette délibération serait entachée d'une insuffisance de motivation au regard des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme citées ci-dessus est inopérant ;

Considérant que la circonstance que la délibération attaquée mentionne en tant que propriétaire du bien préempté M. Z est, pour les raisons déjà indiquées à propos de la décision de préemption du 13 avril 1999, sans influence sur la légalité de cette délibération ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée vise à assurer le maintien de la société « Porcelaine de Sologne » sur le territoire de la commune et à permettre à cette entreprise de développer son activité ; que cette délibération qui porte sur une opération répondant à l'un des objets définis par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, est ainsi justifiée par des considérations d'intérêt général ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, dans ces conditions, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. ZY et Mlle ZX demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. ZY et Mlle ZX la somme que la commune demande sur ce fondement ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il annule, d'une part, les deux jugements du tribunal administratif d'Orléans des 3 février 2000 et 6 mai 2002 en tant qu'ils statuent sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 avril 1999 du maire de Lamotte-Beuvron et la délibération du 7 octobre 1999 du conseil municipal de cette commune, d'autre part, ces deux décisions.

Article 2 : Les conclusions d'appel de M. ZY et Mlle ZX dirigées contre ces décisions et leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LAMOTTE-BEUVRON, à M. Cyril ZY, à Mme Sylviane ZX et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 266821
Date de la décision : 06/02/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE. PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES. DROITS DE PRÉEMPTION. - DÉCISION DE PRÉEMPTION - DÉCISION LÉGALEMENT JUSTIFIÉE DÈS LORS QUE L'ACTION OU L'OPÉRATION QUI LA FONDE RÉPOND À L'UN DES OBJETS DÉFINIS À L'ARTICLE L. 300-1 DU CODE DE L'URBANISME, ALORS MÊME QU'ELLE NE S'ACCOMPAGNE D'AUCUNE MESURE D'URBANISATION NI D'AUCUNE RÉALISATION D'ÉQUIPEMENT.

68-02-01-01 Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme qu'une décision de préemption est légalement justifiée dès lors que l'action ou l'opération qui la fonde est engagée dans l'intérêt général et répond à l'un des objets définis à l'article L. 300-1, alors même que, eu égard à cet objet, elle ne s'accompagne d'aucune mesure d'urbanisation ni d'aucune réalisation d'équipement. Par suite, en jugeant que l'acquisition du bien litigieux par voie de préemption en vue de sa revente à une société ne visait pas à la réalisation d'une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1, alors que cette décision tendait à permettre l'extension de l'activité d'une entreprise conformément aux prévisions du même article, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2006, n° 266821
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : LE PRADO ; HEMERY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:266821.20060206
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