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28/12/2005 | FRANCE | N°275789

France | France, Conseil d'État, Président de la section du contentieux, 28 décembre 2005, 275789


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 décembre 2004, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 12 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 décembre 2004, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 12 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité équatorienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 août 2004, de la décision du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : (...) ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...). Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qui comporte notamment l'avis émis le 28 avril 2004 par le médecin-chef du service médical de la préfecture de police, que l'hormonothérapie féminisante administrée à M. A ne pourrait pas être effectivement poursuivie dans son pays d'origine ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 5 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'impossibilité pour l'intéressé de poursuivre son traitement médical en Equateur ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite :

Considérant, en premier lieu, que si M. A excipe à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, de l'illégalité de la décision du 24 août 2004 par laquelle le PREFET DE POLICE lui a, sur avis défavorable du médecin-chef du service médical de la préfecture de police de Paris, refusé la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE , qui n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences, ait commis une erreur d'appréciation en rejetant cette demande ; que M. A ne peut se prévaloir utilement des dispositions de la circulaire ministérielle du 19 décembre 2002 qui est dépourvue de caractère réglementaire ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le PREFET DE POLICE, que l'exception d'illégalité soulevée n'est pas fondée ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du PREFET DE POLICE ordonnant sa reconduite à la frontière entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et serait, par suite, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les raisons indiquées ci-dessus, le PREFET DE POLICE a pu ordonner la reconduite à la frontière de M. A sans méconnaître les dispositions du I - 5° de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant, en quatrième lieu, que, si M. A fait valoir que la décision attaquée porterait à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle est prise, il ressort toutefois des pièces du dossier que toute la famille de l'intéressé, qui est célibataire, réside en Equateur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant l'Equateur comme pays de destination :

Considérant que, si M. A fait état des risques qu'il encourrait en cas de retour en Equateur en raison de son homosexualité, il ne produit pas, à l'appui de ses affirmations, les éléments permettant d'établir que la mesure critiquée l'exposerait personnellement à des peines ou traitements inhumains et dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions sus-analysées de M. A doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 12 novembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE et à M. Claudio Vincente A.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Président de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 275789
Date de la décision : 28/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2005, n° 275789
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de La Verpillière
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:275789.20051228
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