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16/12/2005 | FRANCE | N°276190

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 16 décembre 2005, 276190


Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yannick X, demeurant ..., M. Bryan X, demeurant ..., M. Thierry Pierre Y, demeurant ... ; M. X et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2004-1330 du 6 décembre 2004 relatif aux sanctions en matière de dépassement des vitesses maximales autorisées et modifiant le code de la route ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 824 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrat

ive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment se...

Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yannick X, demeurant ..., M. Bryan X, demeurant ..., M. Thierry Pierre Y, demeurant ... ; M. X et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2004-1330 du 6 décembre 2004 relatif aux sanctions en matière de dépassement des vitesses maximales autorisées et modifiant le code de la route ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 824 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret attaqué a notamment pour objet d'ajouter au code de la route un article R. 413-14-1 qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le fait pour tout conducteur d'un véhicule à moteur de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée, fixe la liste des peines complémentaires également encourues et prévoit que cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire ;

Sur la compétence du pouvoir réglementaire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : « Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui -ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue... A la date d'obtention du permis de conduire, celui -ci est affecté, pendant un délai probatoire de trois ans, de la moitié du nombre maximal de points. » ; que l'article L. 223-8 habilite un décret en Conseil d'Etat, à fixer les modalités d'application du régime du permis de conduire à points et notamment à déterminer : « (...) 2°) Les contraventions à la police de la circulation routière susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes et entraînant retrait de points ; 3°) Le barème de points affectés à ces contraventions » ; que le gouvernement agissant par voie de décret en Conseil d'Etat, tenait de ces dispositions compétence pour fixer la contravention punissant le dépassement de la vitesse maximale autorisée et le nombre de points retirés au permis qu'elle entraîne, alors même que cette infraction emporte pour les conducteurs qui s'en sont rendus coupables et qui sont titulaires d'un permis probatoire, lequel est affecté, en application du II de l'article R. 223-1 du code de la route d'un nombre maximal de six points, la réduction à zéro du capital de points et la perte de validité du permis ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 223-2 du code de la route : « Pour les contraventions, le retrait de points est au plus égal à la moitié du nombre maximal de points » ; que ce nombre a été fixé à douze par le I de l'article R. 223-1 dudit code ; que le décret attaqué a pu, par suite, légalement fixer à six le nombre de points retirés au permis en cas de dépassement de plus de 50 km/H de la vitesse maximale autorisée ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code que la décision de réduction du nombre de points intervient seulement lorsque la réalité de l'infraction est établie, soit par le paiement de l'amende, l'émission du titre exécutoire de l'amende majorée, l'exécution d'une condamnation pénale ou la condamnation définitive prononcée par un juge pénal qui statue sur tous les éléments de droit et de fait portés à sa connaissance ; que le conducteur est informé par l'autorité administrative, dès la constatation de l'infraction, de la perte de points qu'il peut encourir ; qu'ainsi le retrait de points ne peut intervenir qu'en cas de reconnaissance de responsabilité pénale, le cas échéant après appréciation par le juge judiciaire de la réalité de l'infraction et de son imputabilité, à la demande de l'intéressé ; que le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de priver les intéressés de l'ensemble des garanties sus-rappelées ; que la sanction d'un retrait de six points et les effets qui s'y attachent pour les titulaires d'un permis probatoire ne sont pas disproportionnés compte tenu d'une part, de la situation particulière dans laquelle se trouvent les nouveaux titulaires du permis et notamment, des risques que, du fait de leur inexpérience, ils encourent pour eux-mêmes ou font courir à autrui et, d'autre part, de l'extrême gravité de l'infraction visée par le décret ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe du droit à l'information garanti par l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aucune des dispositions du décret attaqué n'a pour objet de modifier les modalités d'information des conducteurs lors de la constatation d'une infraction au code de la route sur les retraits de points qu'ils encourent, lesquelles sont fixées, ainsi qu'il a été dit ci -dessus par les articles L. 223-3 et R. 223-3 dudit code ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non cumul des peines :

Considérant que le principe de non-cumul des peines consacré tant par le droit d'origine interne que par plusieurs conventions internationales ne fait pas obstacle à ce qu'un même agissement puisse donner lieu, dans le respect du principe de proportionnalité appréhendé en fonction des circonstances propres à chaque affaire, au prononcé, non seulement d'une peine principale mais également d'une ou plusieurs peines complémentaires répondant à la prise en compte du particularisme de certains comportements délictueux ; que le principe du non-cumul ne s'oppose pas non plus à ce que puissent être infligées à raison des mêmes faits des sanctions distinctes dès lors que celles-ci visent à assurer le respect de réglementations distinctes ou à protéger des intérêts spécifiques ;

Considérant que le décret attaqué réprime l'infraction qu'il vise, en sus de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, d'une ou plusieurs des peines complémentaires prévues aux 1°), 5°) 6°) et 7°) de l'article 131-16 du code pénal et qui consistent respectivement, en une suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, en la confiscation du véhicule dont le contrevenant s'est servi pour commettre l'infraction s'il en est propriétaire, en l'interdiction pour une durée de trois ans au plus de conduire certains véhicules terrestres à moteur et en l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, et enfin de la sanction administrative de réduction de six points du permis de conduire ; qu'en raison des justifications propres tant aux peines complémentaires ainsi envisagées que de la sanction administrative applicable, les dispositions du décret ne sont pas contraires aux exigences qui découlent du principe de non-cumul des peines telle que sa portée a été définie ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. X et Y ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 6 décembre 2004 ;

Sur les conclusions de MM. X et Y tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que MM. X et Y demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de MM. X et Y est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yannick X, à M. Bryan X, à M. Thierry Pierre Y, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ DES PEINES - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - RETRAIT DE SIX POINTS PRÉVU PAR LE DÉCRET DU 6 DÉCEMBRE 2004 EN CAS DE DÉPASSEMENT DE 50 KM/H OU PLUS DE LA VITESSE MAXIMALE AUTORISÉE - APPLICATION AUX PERMIS DE CONDUIRE PROBATOIRES ASSORTIS D'UN NOMBRE MAXIMAL DE SIX POINTS.

01-04-005 Décret attaqué ayant notamment pour objet d'ajouter au code de la route un article R. 413-14-1 qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le fait pour tout conducteur d'un véhicule à moteur de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée, fixe la liste des peines complémentaires également encourues et prévoit que cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. Dispositions ayant pour effet de réduire à zéro le capital de points des conducteurs titulaires d'un permis probatoire s'étant rendus coupables de cette infraction dès lors que, en vertu des dispositions du II de l'article R. 223-1 du code de la route, le permis probatoire est assorti d'un nombre maximal de six points. La sanction d'un retrait de six points et les effets qui s'y attachent pour les titulaires d'un permis probatoire ne sont pas disproportionnés compte tenu, d'une part, de la situation particulière dans laquelle se trouvent les nouveaux titulaires du permis et notamment, des risques que, du fait de leur inexpérience, ils encourent pour eux-mêmes ou font courir à autrui et, d'autre part, de l'extrême gravité de l'infraction visée par le décret.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - RETRAIT - RETRAIT DE POINTS - DÉCRET DU 6 DÉCEMBRE 2004 PRÉVOYANT UN RETRAIT DE SIX POINTS EN CAS DE DÉPASSEMENT DE 50 KM/H OU PLUS DE LA VITESSE MAXIMALE AUTORISÉE - APPLICATION AUX PERMIS PROBATOIRES ASSORTIS D'UN NOMBRE MAXIMALE DE SIX POINTS - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ - ABSENCE.

49-04-01-04-03 Décret attaqué ayant notamment pour objet d'ajouter au code de la route un article R. 413-14-1 qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le fait pour tout conducteur d'un véhicule à moteur de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée, fixe la liste des peines complémentaires également encourues et prévoit que cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. Dispositions ayant pour effet de réduire à zéro le capital de points des conducteurs titulaires d'un permis probatoire s'étant rendus coupables de cette infraction dès lors, en vertu des dispositions du II de l'article R. 223-1 du code de la route, le permis probatoire est assorti d'un nombre maximal de six points. La sanction d'un retrait de six points et les effets qui s'y attachent pour les titulaires d'un permis probatoire ne sont pas disproportionnés compte tenu, d'une part, de la situation particulière dans laquelle se trouvent les nouveaux titulaires du permis et notamment, des risques que, du fait de leur inexpérience, ils encourent pour eux-mêmes ou font courir à autrui et, d'autre part, de l'extrême gravité de l'infraction visée par le décret.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 déc. 2005, n° 276190
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 16/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 276190
Numéro NOR : CETATEXT000008221021 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-12-16;276190 ?
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