Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 8 mars 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatima YX et lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée ainsi que de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme YX devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié notamment par son 3ème avenant du 11 juillet 2001 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme YX ;
Considérant que, pour rejeter la demande de certificat de résidence que sollicitait Mme YX en qualité d'ascendante à charge de sa fille de nationalité française, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS s'est fondé sur ce que Mme YX n'établissait pas être à la charge de sa fille et n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, dans sa rédaction issue de l'avenant du 11 juillet 2001, entré en vigueur le 1er janvier 2003 et applicable à la date du refus de séjour opposé à Mme YX : « Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour... b)... aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge » ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme YX, est entrée régulièrement en France munie d'un visa de court séjour-circulation à entrées multiples valable du 20 juin 2001 au 19 juin 2004 ; que sa fille, Mme Hassina YX, épouse Y, de nationalité française, dont il n'est pas allégué qu'elle ne disposerait pas de ressources suffisantes pour prendre en charge sa mère, a recueilli cette dernière divorcée et sans ressources, et subvient à ses besoins depuis 2001 ; que, si le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS allègue que Mme YX pourrait percevoir une pension du gouvernement algérien et une pension alimentaire à la suite de son divorce intervenu en 1996, il ne l'établit pas ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a commis une erreur manifeste en retenant que Mme YX n'était pas à la charge de sa fille ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : « Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres c à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises... » ; qu'il résulte des stipulations combinées de cet article et de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien que la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans n'est pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises en ce qui concerne les ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; qu'ainsi, en refusant le certificat de résidence sollicité par Mme YX au motif qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé illégalement à Mme YX le titre de séjour qu'elle sollicitait en sa qualité d'ascendant à charge d'enfant français ; qu'il en résulte que l'arrêté de reconduite à la frontière fondé sur un refus de séjour illégal est lui-même entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 8 mars 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme YX et lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée ainsi que de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 200 euros que demande Mme YX au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme YX la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mme Fatima YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.