La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2005 | FRANCE | N°275732

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 07 décembre 2005, 275732


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2004 et 24 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 mars 2004 dans le 1er canton de Saint-Louis (Réunion) ;

2°) de mettre à la charge de M. Cyrille X le versement de la somme

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2004 et 24 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 mars 2004 dans le 1er canton de Saint-Louis (Réunion) ;

2°) de mettre à la charge de M. Cyrille X le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, notamment son article 6 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. Y,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 21 et 28 mars 2004 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Saint-Louis I, à la Réunion, le décompte des suffrages a attribué 6 905 voix à M. X, contre 6 306 à M. Y ; que M. Y demande l'annulation du jugement du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation contre ces élections ;

Sur le grief relatif au dépassement du compte de campagne :

Considérant que, par décision du 22 juillet 2004, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé le compte de campagne de M. X, qui s'est élevé, pour les dépenses, à 11 754 euros et, pour les recettes, à 16 404 euros ; que le plafond des dépenses autorisées a été fixé à 15 793 euros pour le premier canton de Saint-Louis ; qu'après avoir réintégré dans le compte de campagne de M. X les dépenses occasionnées par la réalisation et l'envoi de cartes de voeux aux nouveaux électeurs et de cartes de voeux de la Saint-Valentin adressées aux familles de la commune de Saint-Louis, le tribunal administratif a jugé qu'il ne résultait pas de l'instruction que le montant des dépenses ainsi réintégrées dans le compte de campagne du candidat élu atteignait un montant supérieur à la somme de 6 039 euros qui aurait entraîné le dépassement du plafond des dépenses autorisées pour le premier canton de Saint-Louis ; qu'il a également écarté le grief tiré de ce que le coût du calendrier édité en décembre 2003, du magazine municipal diffusé en février 2004, d'un panneau d'affichage géant et d'un coffret de trois disques compact offert en fin d'année par le maire au personnel municipal devait figurer dans le compte de campagne de M. X et conduire à une réformation ou à un dépassement de celui-ci ;

Considérant, en premier lieu, que M. Y fait valoir que le bulletin n° 18 du Saint-Louis, présenté sous la forme d'un calendrier, ainsi que le n° 19 de la même revue municipale, constituent des moyens de propagande électorale ; qu'il résulte de l'instruction que si le calendrier a été distribué deux fois, dont une en février 2004, cette circonstance résulte de multiples erreurs d'impression dans la première édition ; que ce bulletin ainsi que le suivant sont dénués de toute polémique et ne font aucunement allusion aux élections à venir ; que les éditoriaux qui y figurent ne sauraient, compte tenu des propos tenus, conférer à ces bulletins un caractère de propagande électorale ; que l'unique photographie du maire de Saint-Louis en première page au bulletin n° 18 et les six photographies qui montrent celui-ci au cours de manifestations locales dans le n° 19 ne sont pas susceptibles de conférer à ces bulletins un caractère électoral ; que le bulletin n° 19, qui dresse le bilan des réalisations de la commune et expose les perspectives à venir, ne peut être regardé comme constituant une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que l'entretien accordé dans le même numéro par M. X ne lui confère pas davantage le caractère d'un document électoral ; qu'enfin la circonstance que le maire de la commune soit le directeur de la rédaction du bulletin Le Saint-Louis résulte d'une obligation légale, issue des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. Y soutient que les frais de réalisation relatifs au coffret de trois disques compact, accompagné d'une carte de voeux du maire, dépourvue de tout caractère électoral, et offert au personnel communal à la fin de l'année 2003 doivent être incorporés dans le compte de campagne de M. X, il résulte de l'instruction que la remise d'un cadeau à l'ensemble du personnel communal en fin d'année a déjà eu lieu les années précédentes sous des formes variées ; que, par suite, cette pratique habituelle ne peut être regardée comme constituant un acte de propagande dont les dépenses devraient être réintégrées dans le compte de campagne de M. X ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. Y soutient que M. X aurait demandé le concours du personnel de la commune pour réaliser un panneau d'affichage sur lequel figure sa photographie et le portail de sa permanence électorale, ainsi que pour déplacer ce panneau après l'incendie de sa permanence, il n'apporte en tout état de cause à l'appui de ces allégations aucun élément précis de nature à permettre de tenir ces faits pour établis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas lieu de réintégrer dans le compte de campagne de M. X les dépenses relatives aux bulletins municipaux et au coffret de disques compact susmentionnés ;

Sur les déclarations de M. X :

Considérant que si M. X a tenu à la suite de l'incendie de sa permanence des propos particulièrement graves à l'encontre de M. Y, il résulte de l'instruction que M. Y a pu, dans un tract diffusé le jour précédant l'élection, démentir ces propos ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que les insinuations de M. X, pour regrettables qu'elles soient, ne peuvent être regardées comme ayant altéré la sincérité du scrutin ;

Sur la disparition d'enveloppes :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 60 du code électoral, si les enveloppes réglementaires font défaut, le président du bureau de vote est tenu de les remplacer par d'autres d'un type uniforme, frappées du timbre de la mairie, et de procéder au scrutin conformément aux dispositions du présent code. Mention est faite de ce remplacement au procès-verbal et cinq des enveloppes dont il a été fait usage y sont annexées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors du déroulement des opérations de vote, cent enveloppes vides ont disparu du bureau de vote n° 16 ; qu'il n'est pas contesté que ces enveloppes ont été remplacées ; que cet incident a été noté au procès-verbal du bureau et a pu être constaté par la commission de contrôle ; que le remplacement des enveloppes a permis à un nombre équivalent d'électeurs de voter ; que, M. Y n'apportant pas la preuve que ces cent votes ont été acquis à M. X ni que cette disparition, pour inexpliquée qu'elle soit, a constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que ces votes ne pouvaient lui être attribués ;

Sur l'utilisation de moyens de la commune à des fins de propagande :

Considérant que, si M. Y soutient que certaines familles non indigentes ont bénéficié de la part de la commune, avant et après les élections, d'aides matérielles pour leur habitation ou un lieu de culte, il n'apporte, au soutien de ses allégations, aucun élément susceptible d'en établir la réalité ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que ce grief devait être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Y la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Claude Y, à M. Cyrille X, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 275732
Date de la décision : 07/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2005, n° 275732
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:275732.20051207
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award