Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2004 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohand A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer un titre de séjour sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 novembre 2003, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 7 novembre 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Sur le moyen tiré de la violation du droit à mener une vie familiale normale :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , entré en France en 2002, s'est marié la même année avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec laquelle il a eu un enfant né en France en 2003 ; que, dans ces circonstances, et alors même que l'intéressé peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, par suite, que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;
Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Val-d'Oise de se prononcer sur la situation de M. dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 24 septembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de se prononcer sur la situation administrative de M. dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mohand A, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et de l'aménagement du territoire.